Des Déserts et des Sphinx

2 minutes de lecture

Je n’aurais pas dû faire ce voyage, subir l’outrage de ses mirages ; le monde jaune comme un désert luisant, sous un voile de chaleur, des hommes encapuchonnés qui me poursuivent, alertes, vifs comme l’éclair ; et j’ai la gorge sèche, mais sèche ! La peur m’étreint et, avec elle, la caresse de mon urine sur mes jambes zombifiées. Vais-je mourir, décéder dans ces sables mouvants qui retiennent chacun de mes pas, alors que je m’enlise ?

Or, soudain, j’ai une vision. Mieux qu’une vision, une oasis se dessine sur le grain assombri de l’horizon. Je vais pouvoir boire, m’hydrater, me cacher ; les hommes ne sont plus là, dissipés dans des brouillards lointains. Je respire et étouffe ma sueur dans mes mains lourdes comme le plomb. Profond malaise : d’étranges animaux m’observent les yeux fermés, prennent des positions étranges, sur des rochers flous, en papier mâché, ou s’alanguissent sur le sable émouvant. La méfiance est à son comble dans cet enfer de chaque instant ; je redoute chacun de mes pas.

Pause élégiaque dans ce trouble : je me mire dans l’eau turquoise, limpide, claire, aux allures de miroir. Pourtant dans la bouche, c’est une boue infâme que je déglutis, de la mélasse purpurine, le goût oxydé du sang. L’envie de fuir m’étreint, alors qu’un serpent débonnaire me fixe de ses petits yeux froids, s’enroule lentement, lovelace, sur ma jambe de bois ; sa petite langue fendue m’invite à l’amour, je sens le désir poindre, la peur s’effacer. Je le caresse comme un sexe, le mien, avec toute la tendresse, l’amour de la réciprocité.

Or, c’est le sexe d’un autre que je touche, sur un canapé, dans un sous sol sombre : voilà qui fait flipper ! Je respire, reprend mes esprits, essaie de comprendre : point de désert, de poursuivants, de petits sphinx. Point d’eau rance, d’ophidien serpentant cruellement sur ma jambe, ma jambe faite de chair et qui n’est pas souillé par mon urine. Un garçon au rictus belliqueux pose sa main sur ma cuisse, en direction de mon sexe, fièrement exhibé, et turgescent ; le temps de reculer, sans remballer, de m’évanouir de ce décor tout sauf familier. Jamais plus je ne céderai aux psilocybes non pas par peur du voyage, mais des destinations.

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