Peur démoniaque

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Savez-vous ce que c’est l’impression d’être suivi en permanence ? De vous sentir anéanti sous un regard de plomb ? Chaque jour, ces sensations m’envoient des sueurs froides le long de mon dos. Mes mains sont moites et mon esprit n’a de cesse que de penser à ça. Mon cœur ne ralentit jamais. Toujours à l’affût, moi, Coralie, lycéenne de dix-sept ans, suis menacée depuis douze ans. Je n’ai jamais compris d’où venaient mes troubles. Mes parents ne le savent pas, mais me trouvent étrange par moment. C’est normal. Je le suis.

Quelques fois, je discute toute seule. En tout cas, c’est l’impression que les gens ont. Je sais que mon interlocuteur est incapable de me répondre. Mais il m’entend. Il me comprend. Il me défend. Il s’appelle David. C’est un ami proche. Très proche. Mes amis ne me comprennent pas non plus. Je m’en fiche. Du moins, je le croyais. Jusqu’au jour fatidique. Un instant impossible à éviter.

C’était un jour de cours classique. Fin de journée, à la pause de quinze heures, suite à une heure abominable d’anglais, je sors du lycée pour fumer. Au bout de quelques bouffées de cigarette, Marco, un élève peu fréquentable s’avance vers moi. Son mètre quatre-vingt-dix cache ma petite silhouette. Ce jour-là, j’aurais dû sortir avec mes amis. La solitude n’est pas toujours bonne.

Marco m’arrache la clope du bec en me crachant des insultes au visage. Je tente de me contenir et de l’ignorer. Au fond de moi, j’ai peur. Et justement. Elle se réveille. Du sang noir bout dans mon estomac. Remonte dans ma gorge. Puis elle redescend et s’évapore.

— Alors, on a perdu sa langue Jeanne d’Arc ? Ou tu parles encore toute seule ? me dit Marco avec un rictus malsain sur le visage.

Sa main s’approche de ma joue blanchâtre et caresse mes longs cheveux noirs. Je le repousse virulemment. Les deux amis de Marco sont derrière lui et se moquent. Un regard meurtrier me dévisage. Il a horreur qu’on lui tienne tête.

— Qu-est-ce que tu viens de faire ? Tu t’excuses immédiatement connasse !

Mon silence en dit long. Il attend impatiemment des mots qui ne viendront pas.

— On va voir si avec ça tu continueras à faire la sourde oreille, reprend Marco en sortant un couteau de son sac à dos.

Ses amis tentent de le contenir. Trop tard. Il est lancé. La bête s’approche de mon corps.

Mes yeux fixent le sol. J’ai peur. Mais je suis incapable de parler. Une boule grandit dans mon ventre. Je sens un objet pointu et froid contre ma gorge. Je suis forcée de lever la tête.

— Je t’ai demandé de t’excuser, me rappelle Marco, les cheveux tombant sur son front. Il suffit que j’appuie un peu et...

Il s’arrête net. Se fige. Mes yeux sont devenus blancs. Je le sais. La peur est remontée. S’est infiltrée dans ma trachée. J’ouvre la bouche.

Une forme démoniaque se construit peu à peu devant moi. Un mastodonte de deux mètres.

Marco se met à trembler. Il lâche son arme. Ses amis partent en courant. Mais c’est trop tard. Mon âme a révélé sa véritable identité. Un démon aux pouvoirs incommensurables.

J’ouvre mes bras en grand, sans aucune maîtrise. Une brume noire se répand à des kilomètres. Je m’envole à l’intérieur. Personne ne me voit. Par contre, moi, je distingue très clairement les traits horrifiés de Marco, agenouillé près de la grille du lycée. Puis il disparaît soudainement. Ses amis aussi. Des cris retentissent. Puis des rires. Les miens.

Peu à peu, le paysage reprend une couleur normale. Toutes les personnes qui se trouvaient dans la brume ont disparu. Sauf moi. Mon ami démoniaque s’approche. Je l'observe. Des flammes noires jaillissent hors de lui.

J’ouvre ensuite la bouche. En quelques instants, mon démon s’évapore et retourne dans mon corps. Je sens de nouveau la peur exister.

Les personnes lambda pleurent, sont agressives ou encore totalement folles lorsqu’elles sont effrayées. Chacun manifeste ce sentiment différemment. Depuis mon enfance, ma peur prend vie et se nourrit de la destruction de mes ennemis.

Aujourd’hui, Marco et ses amis ont goûté à mon pouvoir. Une magie infâme qui s’attaque même aux innocents. Un défaut de la nature.

J’incarne le démon de ma propre enveloppe charnelle. Vous voyez, j’entends bel et bien des voix, je n’invente pas.

C’est dommage que Marco ne puisse plus le dire aujourd’hui.

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