Chapitre 1

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La jeune fille marchait dans les rues, les gens sortaient et allaient aux marchés. Le temps était au soleil qui pointait derrière les nuages, les mois du milieu d’année avaient des températures plus douces. Les rues mouillées brillaient et la joie de jours plus doux faisait sourire les passants. La fille, avec un manteau déchiré et un bonnet sur la tête, ramenait à son protecteur une miche de pain brulée et des fruits secs. Tournant dans une rue entre deux hautes maisons, elle arriva à son lieu d’habitation. Elle déposa son panier troué sur une caisse, souleva une planche en bois troué puis une lourde toile rongée par les mites. Rien n‘était isolé, ni-même sécurisé mais son protecteur avait une certaine notoriété que personne ne les dérangeait. Ayant dégagé l’entrée, elle reprit son panier et pénétra dans ce qu’elle appelait « sa maison ». Il faisait sombre, aucune lumière ne brulait. Soudain, elle lâcha son panier, elle avait entendu dans le noir, un rire sadique venant de devant elle. Elle se préparait à reculer pour s’enfuir mais son mouvement fut arrêté. Un autre truand à sa droite lui avait agrippé le bras et la tirait violemment à lui. La jeune fille poussa un cri strident et se tortilla dans tous les sens pour s’échapper. Ces hommes, elle les connaissait, toute la ville les redoutait. Ils faisaient partie d’un gang qui n’hésitait pas à faire chanter leur victime contre leur vie. Et devant elle, dans son abri exiguë, se trouvait l’un des trois Pirates. Il était le plus ambitieux, Gordat l’Arsouille tenait son nom des méfaits qu’il avait fait petit. Jeté de son orphelinat, il avait commencé sa vie de brigand en volant les femmes qui l’achetaient pour leur plaisir. Malin mais sans scrupule, il faisait bande à part des trois Pirates. Celui qui la tenait, la poussa vers son chef. Dans son mouvement brusque, elle cogna son tibia sur la caisse qui servait de table et s’effondra. Les trois hommes rigolèrent en la regardant, le grand homme face à elle, menaçant, se pencha. 

« Tu es à croquer, fillette. On va prendre soin en toi. » 

La jeune fille voulait partir loin, trouver de l’aide. Son regard bougeait dans tous les sens à la recherche d’une solution. Puis quand l’homme se pencha un peu plus, elle se mit à crier. 

« Tais-toi, ton vieux ne vas pas venir… Il est occupé… ailleurs. » 

Chaque mot qu’il prononçait d’une voix froide, sonnait chez elle comme le souffle des Grands Froids. La peur la paralysait, son sort en était jeté si son protecteur ne venait pas. Au comble du désespoir, elle s’agita un peu plus sans que cela ne serve à grand-chose. L’Arsouille lui prit les poignets et la jeta sous lui pour l’immobiliser. Son souffle était contre sa joue. La jeune fille n’aurait su dire quand son esprit et sa raison avaient quitté son corps, elle regardait le plafond pour ne pas croiser le regard des trois hommes. Un peu déçu de son statisme, l’Arsouille se releva pour s’attaquer aux vêtements de sa victime. 

« On va enfin se la faire, la Lady de Vallarant, cracha l’un des acolytes. » 

Un rire monstrueux sortir de leur bouche. Alors qu’il releva ses jupes et défaisait sa ceinture d’une main experte, la jeune fille muée par un instinct primaire de survie, s’empara d’un poignard attaché à la ceinture. En l’espace d’une seconde la situation bascula, elle avait pris sa seule chance de s’échapper, quitte à mourir. D’une rapidité stupéfiante, elle visa l’œil droit du brigand qui se repoussa hurlant de douleur et tachant de sang la terre. La pauvre fille se releva protégeant son corps de ses loques et tenant le poignard comme une arme.  

Les deux compagnons stupéfaits de ce qu’il venait de se passer, se regardèrent. Puis se jetèrent sur leur chef pour voir sa blessure. Il les repoussa, jeta un regard noir à la jeune fille, la pétrifiant de peur. 

« Sale garce, tu vas me le payer. » Il sortit de sa bouche un complet de juron. « Tu vas le regretter. Tenez-là fermement, je vais me la faire cette salope. » ordonna-t-il à ses compères,

Il chancelait, son œil coulait toujours de sang sans que cela ne le dérange. La jeune fille tremblait en agitant son arme dans l’espoir de se protéger, mais à quoi bon, ils étaient tous les trois plus grandes et plus musclés. Alors que tout semblait perdue une voix retentit dans la ruelle : 

« Lacie ! 

—Merde, rugirent les brigands, comment a-t-il fait pour s’échapper de l’armée ? » 

Distraits par l’envie de tuer celui qui les dérangeait, ils laissèrent leur proie en larme et tremblante. 

Dehors un homme large d’épaule ordonnait aux intrus de sortir. Cinq minutes plus tard, ce même homme rentra dans l’ouverture détruite de l’habit. 

« J’espère qui l’auront compris, voilà longtemps que mes poings n’avaient pas servi. » 

On entendait une légère pointe d’ironie dans sa voie, mais elle était rassurée. Ce massant les mains, il s’approcha de l’enfant, les yeux écarquillés encore traumatisées par ce qu’il venait de se passer. 

« Tout va bien ma fille… », dit l’homme calmement en lui caressant la joue et en lui retirant doucement le poignard des mains. » 

Sans une once d’hésitation, Lacie se jeta dans ses bras en pleurant contre son cou. Vallarant posa sa main sur son bonnet qui lui couvrait les cheveux. Par miracle, c’était le seul vêtement encore en place. Dans un dernier sanglot suivi d’un reniflement, elle s’écarta et dit d’une voix tremblante :  

« Où étais-tu ? Elle renifla. J’ai eu si peur. 

—On m’a arrêté, par chance une dame de ma connaissance est venue m’aider, lui répondit-il en la berçant, quand je suis arrivé, j’ai cru qu’il était trop tard…

—Ils ne m’ont rien fait, j’ai juste eu très peur. » 

Elle eut un petit sourire qu’il lui rendit. Il avait entre eux un lien qu’elle ne savait expliquer. Quand elle avait six ans, dernier âge dont elle se souvenait, il l’avait presque arraché de l’orphelinat qui la traitait comme une vermine. En rentrant dans le nord, après la révolution, il l’avait gardée sous son aile et était devenu à ce qui s’apparentait à un père. 

Elle revint à la réalité quand elle sentit un liquide couler sur sa main. En s’écartant, elle vit, sur le flanc de l’homme, une tache vermeille s’étaler sur sa chemise brune de boue. 

« Ils t’ont blessé ? s’écria la jeune fille.

—Ce n’est pas grave, j’ai vécu pire. » 

Elle n’en doutait pas mais Lacie savait également qu’une blessure pouvait amener la Fièvre. Elle se souvenait, l’année passée, un jeune coupe-bourse était mort suit à une blessure faite par un soldat. 

« Il faut te soigner, décida-t-elle déterminée à le sauver de son sort. Ne bouge pas ! » 

Elle partit chercher son panier renversé et son poignard. Repenser à ce qu’elle avait vécue, il y quelques minutes, la terrifiait mais pour Vallarant, elle essayait de le mettre de côté. Il en valait de la vie de son protecteur et c’était une valeur qu’il la lui avait inculquée à ses dépens : sa vie valait toujours moins si une autre était en danger. Vallarant était croyant, sans aucun doute, il le cachait mais elle l’avait suivi dans toutes ses pensées. Dieu aidait les généreux, elle en était sûr mais il fallait donner un coup de main. Se redressant bien droite, elle déclara :

« Je vais chercher de l’eau et de l’aide, reste ici ! 

—Tu ne peux pas partir, dit-il pris d’une peur de la voir en danger. 

—Ne t’inquiète pas, répondit-elle, je vais courir et me dépêcher de me rendre chez les coupes-bourses. Je suis armée, ajouta-t-elle fièrement en tendant son arme. Et avec ce que tu leur as fait, ils doivent se remettent avant de revenir. » 

Le vétéran était fier de découvrir sa pupille qui suivait son éducation, mais une pointe de remord lui perçait le cœur. Lacie se retournait pour s’élancer dehors. Il savait qu’il ne pourrait plus jamais la retenir. Elle était devenue plus têtue que lui et c’était normal selon ses origines. 

 

La jeune fille courrait dans les plus petites rues pour éviter les passants. La planque des coupes-bourses n’était pas si loin, elle devait traverser trois grandes rues pour y arriver. La bande logeait dans un hôtel abandonné à la frontière de la cité impériale. Personne n’y allait car elle se trouvait trop proche de la partie abandonnée de la ville et l’armée ne s’occupait pas des enfants. La bande était composée que d’enfants des rues. Le chef de la bande qui s’appelait Tuddor, avait aidé Lacie de nombreuses fois en lui donnant des vivres.  

Elle contourna le haut bâtiment pour passer par la porte de service. Quand elle s’arrêta dans le grand hall, elle était essoufflée et essayait de reprendre son souffle, les mains sur les genoux. 

« Tiens, Tiens, s’éleva une voix masculine, que vient faire la Lady de Vallarant dans ce coin ? » 

Un jeune homme descendit de son perchoir, un tas de meubles empilés, pour se poser en face de la jeune fille. Tuddor était connu pour son élégance princière, si bien que Lacie ne fut pas surprise de le voir se pencher pour lui déposer un baiser sur la main. Tous les enfants qui l’entouraient se mirent à glousser. 

« J’ai besoin d’aide ! Se souvint Lacie. L’Arsouille a attaqué Vallarant et l’a blessé, je sais que vous pouvez le soigner. » 

Elle ne savait pas tenir en place à tout moment, Vallarant pouvait mourir. Tous les gamins la regardaient, leurs yeux allaient de droite à gauche. Tuddor avait croisé les bras fronçant les sourcils. 

« Ces requins fous ! Rugit-il moqueur face à ses adorateurs. Ces cons se sont mesurés au grand Vallarant. » 

Le ton condescendant du jeune homme mit des éclairs dans les yeux de Lacie. Il apparut un sourire en coin sur les lèvres du jeune homme. Mais il ne fit pas d’autre remarque, se retournant de nouveau vers son groupe d’enfants, il dit d’une voix autoritaire :  

« La Marlaine ! Prend l’alcool dans la cuisine et suit la Lady. Et toi tu reviens demain pour payer ta dette. » 

Lacie lui tint tête : 

« Tu as une dette envers Vallarant, je n’ai pas à payer ! » 

Il se rapprocha encore d’elle pour lui glisser dans un murmure sarcastique : 

« Mais tu n’es pas Vallarant. » 

La jeune fille ne sut pas répondre, La Marlaine revenait, un chiffon et une bouteille dans ses mains gantées. Lacie savait qu’elle n’avait pas de temps à perdre avec ce brigand. Elle fit un signe de tête à la jeune fille et elles partirent en courant vers la cachette de Vallarant. 

 

Rester au rythme de marche de la jeune blonde était compliqué pour Lacie, imaginer qu’il soit arrivé quelque chose à son protecteur lui comprimait le cœur. Elle le retrouva essoufflée, il n’avait pas bougé, assis par terre, il essayait de comprimer la plaie pour stopper le saignement. En voyant Lacie s’accroupir devant lui, il poussa un soupir de soulagement. Elle lui était revenue entière. S’il était arrivé quelque chose à sa fille, il ne l’aurait pas supporté. Une autre fille était venue avec elle, bien plus petite et aux cheveux courts et blonds. S’il se souvenait bien, on l’appelait La Marlaine car c’est elle qui servait l’alcool aux pauvres qui le réclamaient. La perte de sang le fatiguait, il sentit néanmoins les mains froides de sa protégée lui soulever sa chemise, puis l’alcool froid également sur sa plaie. La douleur due à la brulure, le fit grommeler. Et enfin, il sentit le tissu du bandage recouvrir son ventre. 

« Voilà ! Lui dit Lacie rassurée, tu ne devras pas bouger et bien te couvrir et tu seras sur pattes rapidement. 

—Quelle chance j’ai. Dit le vétéran d’une voix roque. » 

Il vit Lacie raccompagner La Marlaine dehors puis revenir. Elle reprit le panier et en sortit ce qu’elle avait trouvé avant le terrible évènement. Arrachant la miche de pain en deux, elle en tendit une part à son ami. Il la prit après s’être essuyé les mains sur sa chemise. Ils mangèrent en silence. Puis Lacie expliqua qu’elle avait proposé d’aider les coupes-bourses au marché en remerciement. Ce n’était pas toute la vérité mais elle se refusait de créer un conflit entre Tuddor et Vallarant. Bien que contre cette idée, l’homme fut contraint d’accepter, dans le monde des gueux une promesse ne se brise jamais même contre vent et marée. Il repensa à ce qui lui était arrivé ce matin avec son arrestation, lui aussi avait promis quelque chose mais il se refusait de le dire à Lacie, celle-ci n’accepterait pas qu’il la respecte.

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