Chapitre 24 : Loren

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Songeuse, le front marqué par un pli soucieux, j'observais ma fille dans son petit parc à jouets. April avait maintenant dix mois, elle se tenait bien assise et commençait à se traîner au sol pour se déplacer. Je la laissais faire quand je pouvais me permettre de garder un œil sur elle, mais quand je travaillais, elle devait rester dans son parc.

Après trois mois de congé maternité, j'avais repris mon travail avec deux projets simples et peu contraignants que j'avais pu faire aboutir assez vite. J'avais préféré faire ce choix, même si, financièrement, il n'était pas très rémunérateur, pour pouvoir retrouver mes marques et toujours m'occuper d'April. Jim gagnait correctement sa vie de son côté et nous vivions notre petite routine.

Snoog m'appelait de temps à autre ou m'envoyait parfois quelques messages. Leur tournée avait bien commencé : de ce qu'il m'en disait et de ce que je lisais à l'occasion sur les réseaux sociaux, tout se passait bien. Il accompagnait toujours ses messages d'une ou deux photos où il faisait le guignol. Cela me faisait rire et me détendait, au milieu de journées bien chargées. C'était toujours une petite bouffée d'oxygène. Je mettais soigneusement ces messages et photos de côté. Snoog, c'était mon jardin secret. Jamais je n'avais parlé de lui à Jim ou à qui que ce soit parmi mes proches. Les hasards de la vie, du travail aussi, m'avaient éloignée de Stacy et des copines de Newcastle, même si j'avais gardé le contact avec la plupart d'entre elles. Et même si je l'avais voulu, je pensais que personne dans mon entourage n'aurait compris le lien qui existait entre lui et moi, cette amitié un peu spéciale qui n'en était pas seulement une. Car j'étais persuadée que si nous avions l'occasion de nous revoir, ce ne serait pas qu'une simple rencontre amicale. C'était la raison pour laquelle, aussi, je ne m'étais pas rendue en Ecosse au printemps, après la naissance d'April, alors qu'il était encore à Glasgow : je ne voulais pas être tentée de finir dans son lit ou de le retrouver dans le mien. J'étais une jeune maman, j'avais un compagnon, une vie normale. J'avais déjà trompé Jim deux fois avec Snoog. Je n'étais pas certaine d'être capable d'éviter une troisième fois.

Comme je demeurais à la maison pour travailler, je pouvais aussi m'occuper de notre fille au quotidien, même si, depuis trois semaines, je constatais que c'était moins facile que je ne l'avais pensé. En effet, le nouveau projet que j'avais accepté était beaucoup plus complexe que les précédents et me demandait plus de travail et de concentration. Je commençais à angoisser de ne pas être assez présente pour April, aussi avais-je décidé, cet après-midi-là, de faire une vraie pause pour jouer avec elle.

Elle s'amusait à faire passer ses petits jouets à travers les barreaux du parc, comme pour me les donner. Elle riait quand ils tombaient au sol avant que je puisse les rattraper et je faisais un peu exprès d'être maladroite. Soudain, elle s'arrêta de rire et frappa dans ses mains comme pour applaudir en me fixant de son beau regard bleuté.

J'eus un nouveau coup au cœur. Cette couleur n'était pas celle des yeux de Jim et je doutais de plus en plus qu'elle prenne une teinte plus foncée. Plus les jours passaient et plus je m'interrogeais vraiment. Une pointe glacée me transperça le cœur alors qu'une idée s'imposait désormais nettement à moi.

**

Je décidai de profiter du temps exceptionnellement doux pour la sortir et m'aérer l'esprit. Je l'habillai chaudement, pris la poussette et quelques minutes plus tard, nous arpentions les allées du parc, couvertes de feuilles mortes. L'automne était bel et bien là. April semblait ravie de cette promenade et j'en vins à regretter les mois de la belle saison, quand je pouvais la sortir tous les jours ou presque. Tout concilier était parfois difficile. Jim était très investi dans son travail et c'était sur moi que reposait une grande partie des charges du quotidien. Mais je me sentais heureuse ainsi.

Enfin, je l'étais jusqu'à ces derniers jours, ces dernières semaines, quand le doute s'était frayé un chemin suite à une visite à mes beaux-parents. Ma belle-mère s'était extasiée devant April qu'elle n'avait pas vue depuis une quinzaine de jours, et à cet âge, ça peut faire beaucoup car les bébés changent vite de physionomie. C'était elle qui avait fait remarquer que les yeux d'April étaient aussi beaux que ceux de son papa. Et elle en était très fière. Puis elle avait ajouté qu'ils lui semblaient un peu plus clairs...

Tout en faisant avancer la poussette, tranquillement, je regardai ma fille avec attention. Si elle avait les yeux bleus et les cheveux blonds, elle avait un visage assez fin comme le mien et hormis sa blondeur qui renvoyait aussitôt à son père, elle me ressemblait plutôt.

Après une bonne marche autour du parc, je m'assis sur un banc et sortis un petit biberon d'eau de mon sac pour le lui donner. Elle le prit en poussant un grand cri de joie. Elle pouvait le tenir seule désormais et, tout en gardant un œil sur elle, je me perdis dans mes pensées.

Certes, je m'étais retrouvée enceinte peu après mon déplacement à Glasgow, mais l'idée que Jim ne soit pas le père d'April ne m'avait encore jamais effleurée. Il me semblait impossible que Snoog le soit. Il était hyper vigilant sur ce point-là et à chaque fois que nous avions couché ensemble, il nous avait soigneusement protégés. Je pouvais le comprendre, vu le nombre de ses conquêtes et le fait qu'il lui arrivait de changer de filles tous les soirs, surtout pendant les tournées. Outre éviter les maladies, il était bien entendu hors de question pour lui de "mettre en cloque" l'une d'entre elles. C'était une ligne de conduite bien arrêtée. Bien entendu, un accident ou un oubli étaient toujours possibles, mais...

Non, c'était impossible qu'il y ait eu un accident cette nuit-là. J'avais beau me passer et me repasser le film de mes souvenirs, je ne voyais vraiment pas quand cela avait pu se produire. Puis, soudain, je me figeai en me disant que... Non, non vraiment, c'était impossible.

Il m'avait entraînée sous la douche. J'étais incapable de dire quelle heure il était. Tout ce que je savais c'était que ses soi-disant massages, s'ils avaient été certes agréables, s'étaient vite transformés en caresses. Il m'avait murmuré au creux de l'oreille "Désolé, Loren, mais j'peux pas m'empêcher de te toucher. Ta peau est si douce, ton parfum est si délicat... T'es juste trop délicieuse". Et ça avait alors "dégénéré". Jusqu'à ce qu'il lui vienne l'idée de faire un câlin sous la douche, ou peut-être avait-il simplement besoin de se rafraîchir. Je ne saurais sans doute jamais ce qui lui avait traversé l'esprit à ce moment-là et sans doute serait-il bien incapable de me le dire si je lui posais la question. Il avait commencé à me pénétrer, debout sous le jet d'eau tiède. Les gouttes ruisselaient dans sa chevelure de fauve et mes plaintes se perdaient dans ses baisers passionnés. Avait-il soudain pris conscience de ce que nous faisions ? Sans protection ? Toujours était-il qu'il nous avait ramenés bien vite dans la chambre, en me portant dans ses bras, alors que j'avais moi-même refermé bras et jambes autour de lui. Là, il avait sorti un préservatif et nous avions fait l'amour une nouvelle fois.

- Non, ce n'est pas possible que... Il m'a juste... On n'avait pas... Bordel ! Il n'a pas joui en moi sans capote !

J'étais figée. Ma fille me souriait. Ses yeux bleus scintillaient comme ceux de son père.

Snoog.

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