En ce jour pluvieux et triste, elles étaient réunies chez le notaire.

Claire, l’aînée, âgée de trente ans, était assise près de Chantal, vingt-neuf ans. Près de celle-ci, la benjamine Caroline, vingt-sept ans.

Sa tête brune contrastait avec celles de ses deux sœurs qui avaient hérité de leur maman les boucles blondes qui cascadaient sur leurs épaules. Elle adorait ses deux sœurs et avait toujours eu envers elles, le sentiment qu’elle devait être attentive à leur bien-être. Elle avait pris son rôle d’aînée à cœur, surtout depuis que leurs parents avaient péri dans un accident de voiture, les laissant complètement désarmées alors qu’elle-même n’avait que douze ans à peine. Heureusement, ses sœurs avaient réussi dans leur vie : toutes les deux étaient mariées et avaient une situation confortable.

Au décès de leurs parents, elles avaient été accueillies par leur tante, sœur de leur maman. Tante Alice, jeune veuve d'un homme fortuné, était une femme un peu excentrique. Elle avait beaucoup voyagé et n’avait pas d’autres responsabilités que s’occuper d’elle-même. Elle s’était trouvée désemparée face à trois gamines qui avaient perdu leurs repères. Par bonheur, du haut de ses douze ans, Claire avait pris un peu le relais, comme une petite maman !

Cependant, si Caroline était proche d’elle, Claire s’était constamment heurtée à sa sœur cadette depuis quelques années. Elle n’avait jamais compris pourquoi. Il est vrai que Chantal était son opposée : elle était extravertie, toujours encline à sortir et s’amuser alors qu’elle-même préférait passer tranquillement sa soirée à lire et rêvasser chez elle. Egalement, elle était prompte à se mettre en colère et s’irritait encore plus du calme olympien de sa sœur aînée. Mais ne disait-on pas que les extrêmes s’attiraient ? Et puis, le sentiment fraternel devait être au-dessus de tout et devait primer… Elle avait essayé d’améliorer leurs rapports, mais c’était peine perdue : elle était rarement conviée chez sa sœur et elle avait peu à peu espacé ses appels téléphoniques trop souvent laconiques. Elle ne voulait pas la déranger.

Aujourd’hui, tante Alice n’était plus : la grippe l’avait emportée.

C’est la raison pour laquelle elles faisaient face au notaire afin d'entendre les dernières volontés de la défunte.

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Une heure plus tard, elles prirent congé du notaire. Elles se dirigèrent vers le parking.

Elles n’avaient, somme toute, rien appris de plus que ce qu’elles savaient déjà : elles bénéficiaient à part égale de l’héritage considérable de leur tante.

–        Eh bien, voilà qui est fait ! dit Claire.

Chantal arborait une mine morose et Claire pensa que seul, le chagrin expliquait son comportement.

–        Elle ne souffre plus là-haut, Chantal !

–        De quoi je me mêle !

C’était un cri de haine. Chantal avait des yeux-mitraillette, elle la fixait sans ciller.

–        Que t’arrive-t-il Chantal ?

–        Il m’arrive que je ne peux plus me taire. Tu n’as aucun droit à cet héritage ! Aucun, tu m’entends !

–        Mais…

–        Et ne me regarde pas avec ces yeux innocents ! Toi, la bâtarde !

–        Chantal ! s’interposa vivement Caroline, tais-toi !

–        Non, je ne me tairai pas.

Et elle se tourna vers Claire :

–        Tu n’es que le fruit des tromperies de notre père et par amour, notre mère a accepté de t’élever comme sa propre fille. Mais tu n’as rien à voir avec elle ni avec tante Alice ! Tu ne devrais pas avoir droit à cet héritage ! Ta vraie mère n’était qu’une call-girl qui n’avait pas le temps ni l’envie de s’occuper de toi !