17.

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Au fil du temps, les funérailles avaient beaucoup perdu de leur aspect solennel. Et celles d’un homme comme Abdou Karim Niang n’échappaient pas à cette loi. L’enterrement en lui-même n’avait rien de spécial, et n’était en rien différent de ceux auxquels le fossoyeur avait eu à assister. Et finalement, ce n’était qu’un corps enveloppé d’un drap blanc, que l’on déposait au fond d’un trou. La différence se trouvait plutôt dans le nombre de personnes présentes. Pour certains, seul un nombre réduit de personnes y assistaient, juste assez pour remplir une pièce de taille moyenne ; et pour d’autres, c’était tout un cortège qui se déplaçait, et parfois même, escorté par un motard de la Police, pour éviter les affres de la circulation.

Eliman Guèye avait fait tout son possible pour être présent durant ce moment, malgré le nombre hallucinant de personnes qui s’étaient déplacées pour l’événement. Il ne pouvait pas manquer cela. Dans l’assemblée, il arrivait à percevoir quelques conversations s’échappant çà et là. Certaines n’avaient aucun rapport avec son ami décédé, d’autres concernaient le moral de la chanteuse Alice, qui ne semblait pas s’améliorer, et sa carrière, et d’autres encore, évoquaient le fait que les gendarmes avaient un sérieux suspect qui pourrait bien être le meurtrier. De son côté, Eliman avait arrêté d’enquêter. Il en avait assez fait et la mise en garde de ce gendarme, cet Abdoulaye Diop, l’avait quelque peu refroidi.

Une fois l’enterrement terminé, le convoi qui s’était déplacé pour dire adieu à cet homme généreux qui, hélas, était parti trop tôt, avait rejoint la maison de la chanteuse, qui attendait en compagnie d’autres femmes – car n’ayant pas le droit d’assister à l’enterrement –, pour présenter les condoléances. Sans en avoir l’air, tout cela ressemblait beaucoup à une fête. Les gens riaient et discutaient, en oubliant presque l’endroit où ils étaient. De tous côtés, on distribuait des jus de fruits et des Nakk – beignet à base de mil et de sucre. Eliman se frayait un chemin au milieu de tout ce monde et essayait de s’y retrouver dans la grande demeure dans laquelle avait vécu son ami. Il y était venu plusieurs fois avec sa petite famille, pour y passer la journée, et ses enfants en connaissaient chaque recoin. Mais, même eux ce jour-là, s’y seraient perdus, tellement tout était différent, confus. Cependant, il réussit à reconnaître quelques visages familiers, comme celui d’Alioune Mar qui, lui aussi, ne semblait pas être en deuil. Après avoir demandé son chemin, Eliman se dirigea donc vers les chambres à l’étage, où celle qu’il cherchait semblait s’être réfugiée. Alice était assise sur son lit et avait la tête couverte d’un voile blanc. Elle était en compagnie d’Aïssata – l’épouse d’Eliman –, qui était assise sur un fauteuil dans un coin de la pièce. Toutes deux échappaient au tumulte qui régnait dans la maison

- Vous êtes enfin de retour, Eliman, dit cette dernière en guise d’accueil, vous en avez mis du temps !

- Le corbillard avait pris du retard et en plus, il y avait un autre enterrement en même temps.

Il se tourna vers Alice :

- Encore toutes mes condoléances, Alice.

- Merci, répondit-elle tout simplement.

Son état semblait s’être amélioré, elle avait essayé de faire des efforts pour paraître moins abattue, mais Eliman et sa femme savaient qu’elle était encore dévastée.

- Tu devrais sortir du Sénégal, dit-il tout haut, le temps de te sentir mieux. Aller à l’étranger, prendre des vacances, te déconnecter de tout ça. Tu sais, faire une pause dans la chanson.

Alice tourna la tête vers son interlocuteur :

- Tu penses que c’est une bonne idée ?

- Oui, bien sûr, renchérit Aïssata, rester ici est devenu toxique. Tu te fais du mal pour rien. C’est surement ce qu’Abdou Karim aurait voulu pour toi. Tu pourrais aller aux Etats Unis, par exemple.

- Mais, je ne devrais pas rester au moins jusqu’à ce qu’on en finisse avec cette affaire ?

Aïssata s’était levée et avait rejoint Alice.

- Pas du tout, les gendarmes n’ont plus besoin de toi …

Elle s’était retournée vers son mari, un instant, avant de continuer :

- J’ai entendu dire qu’ils avaient un suspect sérieux qui pourrait bien être le meurtrier, alors tout ça c’est bientôt terminé. Ne te tracasse pas avec ces détails.

Cette nouvelle ne semblait pas l’avoir affectée. Elle resta immobile pendant un court instant, comme si elle n’arrivait pas à assimiler ce qu’on venait de lui annoncer. Elle se ressaisit après qu’Aïssata l’eût appelée pour la troisième fois

- Tu vas bien ? tu veux que j’aille te chercher quelque chose à boire ? demanda Eliman, soucieux.

- Non, ça ira, merci. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour avoir des amis comme vous, je ne pourrai jamais vous remercier pour tout ce que vous faites…

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