10.

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La nuit venait de tomber, quand les deux gendarmes en finirent enfin avec celui qu’ils cherchaient. C’était un jeune garçon, qui était surement en âge de passer le bac, et qui cherchait un moyen de se faire de l’argent rapidement. Evidemment, il ne s’attendait pas à ce qu’on lui fasse la leçon à propos de son travail de livreur. Au début, il montra quelques réticences à l’idée de parler, mais lorsque Mansour joua une seconde fois la carte de l’autorité, en lui promettant la prison, il se décida à raconter tout ce qu’il savait. Apparemment, il avait été contacté par quelqu’un qui voulait qu’il lui fasse un petit travail contre de l’argent : filmer à son insu, Abdou Karim se faisant livrer de la drogue. Il avait réussi, selon lui, à faire une vidéo potable, puisque son employeur ne l’avait pas recontacté pour se plaindre. Cependant, il ne savait pas qui c’était, car il avait juste envoyé quelqu’un pour récupérer la vidéo.

Utiliser autant de précautions et surtout, demander une chose aussi spécifique, ne voulait dire qu’une chose : le dirigeant de la maison de disques Golden Jam était, avant de mourir, la victime d’un maître chanteur. C’était enfin une piste sérieuse que les fins limiers venaient de trouver, et ils en étaient parfaitement conscients. Mais, un problème se posait : ils ne savaient pas quoi penser de leur nouvelle découverte.

- Tu t’y attendais ? demanda Mansour à son collègue.

- Pas vraiment, mais ça commence à faire du sens.

- Ouais, c’est vrai qu’une histoire de chantage, ça a le mérite d’éclaircir tout ce foutoir, répondit son collègue avec ironie.

Abdoulaye avait raccompagné son ami jusqu’à chez lui, ensuite. Durant le trajet, ils n’avaient pas parlé ; ils n’avaient rien dit. Chacun d’eux avait ses propres problèmes, en plus de l’enquête à résoudre. Mansour venait de recevoir un appel d’un de ses cousins, qui lui demandait de lui envoyer de l’argent en urgence. Comment pouvait-il l’aider ? il avait déjà dépensé tout ce qu’il avait, dans un pari finalement perdu. De son côté, Abdoulaye repensait à la rencontre qu’il avait faite ce matin-là. La vue de cette femme qu’il avait réussi à oublier, l’avait tant bouleversé, même après autant d’années de séparation. « Repose-toi bien, frère, et tâche de revenir demain au boulot, plus frais », lui avait dit Mansour. Il ne répondit pas et se contenta à la place, d’un hochement de tête pour approuver son conseil. Se reposer ? Il aurait aimé que cela soit possible, car il en avait bien besoin, mais au fond de lui, il redoutait une seconde nuit blanche. Trop de choses se bousculaient dans sa tête en même temps. Il n’arrêtait pas de penser. Il ne le pouvait tout simplement pas.

2h 59 du matin. Dans 1 minute, il sera 3h du matin, dit-il en verrouillant son téléphone une énième fois. Impossible de fermer les yeux. A chaque fois qu’il essayait, il revoyait son visage à Elle. Et il ne savait pas pourquoi. Pourquoi était-ce le visage de Malika Ndiaye qui restait gravé dans son esprit ? Il la revoyait avec ses cheveux si bien nattés et retenus sur sa nuque par un nœud ; ses lèvres, son nez presque fin, son visage sans aucune imperfection, sa douce voix, et ses yeux noirs par lesquels on était comme aspiré, à chaque fois qu’on la regardait.

Cette vision. Cette femme lui inspirait du dégoût, c’était un fait indéniable. Mais, même hors de son champ de vision, elle l’empêchait de dormir. Il s’assit sur son lit, pour reconsidérer la situation. Absurde était le mot qui lui venait à l’esprit. Il passa une de ses mains sur son visage, puis se gratta la nuque. Pendant un moment, il observa sa chambre, qui n’avait rien de particulier. En face de son lit, une armoire, et au-dessus de celle-ci, se trouvait accrochée la photo de son père. Même dans l’obscurité de la nuit, il arrivait à la distinguer. Soudain, il se souvint qu’il arrivait souvent à son père, de souffrir lui aussi d’insomnie. Il savait que lorsque cela arrivait, il travaillait pour essayer de se rendormir. Lorsqu’il était petit, Abdoulaye le rejoignait de temps en temps, dans le salon, pour lui tenir compagnie, mais il s’endormait toujours le premier.

Il fallait qu’il remette de l’ordre dans ses idées, lui aussi, s’il voulait pouvoir être à la hauteur de celui qu’il n’avait jamais cessé d’admirer. Il se mit à réfléchir sur cette affaire qui ne cessait d’avoir d’étranges rebondissements et tournures.

« Abdou Karim Niang n’est pas un homme si parfait comme il voulait le faire croire à tout son entourage. Au contraire il avait bien quelques défauts. Il devait surement croire qu’il était intouchable et que personne ne pouvait être au courant de ses petites affaires. La question est de savoir qui était au courant pour la drogue ? Et qui pouvait bien le faire chanter ? Ce Khadim qu’on a rencontré ce matin ? Non … d’après ce que Mansour m’a raconté sur lui il est du genre à rentrer dans n’importe qu’elle combine du moment où il peut se faire de l’argent en risquant quelques mois de prisons et non quelques années. Il n’irait donc pas jusqu’au meurtre, c’est trop pour lui. Il n’aurait alors aucun intérêt à le faire chanter ou le tuer… »

Il mit ses mains derrière sa tête et se recoucha. Il fixait le plafond. Il n’y avait pas beaucoup de suspects potentiels pour la piste d’un maître chanteur. Cette piste avait pour effet d’épaissir cette affaire ou la victime n’avait aucun ennemi déclaré. Qui était assez proche de lui pour savoir qu’il se droguait ? Voilà la question qui s’installait peu à peu dans l’esprit du jeune enquêteur et à laquelle il tentait désespérément de répondre. Sa compagne ? La chanteuse Alice leur aurait-elle mentit, probablement ; si elle aussi se droguait elle n’avait aucune raison valable de le leur dire. Mais elle semblait leur avoir dit la vérité ce jour-là. De plus Mansour est habile pour remarquer ce qui fait défaut chez une personne. Si quelque chose clochait avec Alice il l’aurait tout de suite fait remarquer.

Il resta un long moment sans penser

Une phrase retentit soudainement dans sa mémoire « il y a des gens qui étaient beaucoup plus proches de lui que moi »

Il se rappelait de celui qui l’avait dit, c’était cet homme arrogant dans son bureau qui ne pensait qu’au profit, Alioune Mar, le second actionnaire de la maison de disque. Soupçonnait-il quelqu’un qu’il ne voulait pas ouvertement accusait ? Cette phrase retentit comme un écho dans la chambre quand il finit par la prononcer à haute voix. Il faisait 3h35 du matin et la nuit touchait bientôt à sa fin. La fatigue commençait peu à peu à avoir raison de lui quand la réponse à la question qu’il se posait pendant qu’il sombrait doucement le percuta. Ce pourrait que ce soit Elle ? lâcha-t-il en se redressant brusquement

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