Brasseuse de nuages

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Le ciel bleu plombant dix mois par an a fini par inquiéter les habitants qui voyaient leurs puits baisser, baisser, baisser.

Ils étaient réunis sur la place du village et quand ils m'ont vue passer, ils m'ont appelée, Hé petite, où tu vas ? Reste dans le coin, il fait trop chaud hors de la place ombrée du village. Dans l'église, on est à peu près au frais.

Ils n'ont jamais rien compris. Et pourtant, je leur dis souvent que dans ma tête, c'est comme des nuages. Ils hochent la tête et ils s'apitoient, Pauvre gamine, quand même, elle est même pas capable d'aller à l'école, même les jeux, elle les comprend pas.

Mais moi, mes nuages, j'y tenais. Ils me sauvaient, ils rendaient ma vie si belle et si légère. C'est pour ça qu'au lieu d'entrer dans cette antre noire d'église qui me fichait la frousse, j'ai dit, Non, c'est pas ça qu'il faut faire. Il faut aller chercher des nuages…

J'en ai vu certains lever les yeux au ciel, vers ce ciel bleu dur, y en a un qui m'a pris par l'épaule et qui m'a dit, ça va aller, petite, on s'occupe de toi, mais reste tranquille, on a d'autres problèmes graves à résoudre. Mais j'ai insisté. J'ai un peu crié, même, peut-être, je ne sais plus. Puis à force, le maire a dit, bon, on te laisse aller parce que tu nous casses les oreilles, on a soif et les troupeaux aussi. Alors va les chercher, tes putains de nuages à la con et fous-nous la paix.

J'étais contente car c'était la première fois que le maire me parlait comme à une grande, avec les mots des grands. J'en ai profité pour négocier, j'ai déclaré, D'accord, mais je peux aller aussi loin que je veux, alors. Oui, va petite, va… Et il s'est engouffré dans l'église en s'essuyant le front avec son mouchoir.

Je ne suis plus jamais revenue. Je suis là-haut avec les oiseaux et je brasse les nuages. Quelquefois un peu, quelquefois beaucoup. Les habitants, en bas, sont tout ébahis à chaque fois que je fais pleuvoir. Ils crient, T'es la meilleure, petite, continue.

Bon, au début, j'ai provoqué une inondation. Juste pour les embêter de m'avoir un peu prise pour une imbécile qui ne peut pas aller à l'école. Mais après, j'ai arrêté. Parce que quand même, c'est mon village et les gens se sont toujours occupés de moi.

Quelquefois, je n'ai rien à faire parce que la pluie, ils en ont leur content, et ils ont envie du ciel bleu.

Alors je brasse de l'air.

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