Nuit de création (I)

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Il y a trois mois, je vis Haroun rentrer avec un grand sourire sur son visage. Depuis quelques mois, il me parlait de la belle Tiffany : il venait enfin d’obtenir quelques projets avec elle. Mais il savait que cela allait être difficile avec ses parents : un peu vieux, vers soixante-dix années de vie, mais toujours dangereux, capables du pire par pure haine et peur. Ils devaient alors garder leur relation secrète, ce qu’ils arrivaient à faire depuis qu’ils étaient ensemble. Mais, maintenant, ils avaient le projet de partir d’ici, de changer de maison, de département, de région voire de pays pour être le plus loin possible d’eux. Et ils ne prévenaient pas la police du danger de ces personnes pour deux raisons : la première était que Tiffany aimait tout de même ses parents et ne voulait pas leur faire de mal, ainsi Haroun fit de même ; la seconde est qu’ils avaient tout simplement peur. L’on peut prouver publiquement que quelqu’un est extrêmement dangereux, devant tout le monde, et en apporter les preuves, montrer qu’il est capable de tout... Toutefois, l’on ne meurt qu’une fois dans sa vie. Et, cette peur, je pouvais la voir sur elle et je pouvais l’entendre lorsqu’elle venait parfois ici. Mais ils faisaient de leur mieux pour s’entre-rassurer. Le plus souvent, ils riaient ou bien discutaient littérature, il lui disait ses idées d’écriture ou bien il lui parlait de la langue arabe ainsi que de quelques expressions. Elle savait que j’étais dans cette maison, que j’observais. Elle m’avait même vu et m’avait aussi parlé une ou deux fois. Alors, lorsque l’expression ‘‘mon jnun est contrarié’’ est utilisée par Haroun, il y a toujours un petit double sens qui nous faisait tous les trois sourire. Dans tous les cas, leur amour pouvait se faire voir, entendre, sentir et, pour eux, toucher et goûter.

Ainsi, en rentrant, il avait un grand sourire sur son visage : ils savaient où est-ce qu’ils allaient déménager et, surtout, ils savaient quand et comment ils allaient le faire. Et, pour fêter cela, elle lui avait demandé de faire un poème. Pas un poème d’amour, non, mais un poème parlant du poème, de lui-même, comme un petit défi. Un défi qu’il accepta bien volontiers. C’est lorsque je vins vers lui, marchant au plafond, qu’il me dit tout cela. Et je le vis prendre des feuilles ainsi qu’un stylo rouge et un stylo noir avant de se mettre au travail.

Il resta silencieux pendant de longues minutes, s’asseyait, se relevait de sa chaise, allait devant la fenêtre, s’asseyait de nouveau, murmurait des possibles vers, disait un mot qui l’intéressait, puis un autre pour une possible rime, puis un autre si celle-ci ne lui convenait pas. Puis il notait tout cela. Je lui donnais parfois un ou deux mots possibles, un vers même, et il notait cela, corrigeait, donnait une certaine mélodie, brisant celle-ci à des moments. Tout cela toujours au stylo rouge.

Il prit alors une autre feuille et nota tout le poème. Il l’écrivit de droite à gauche, comme avec la langue arabe, mais le fit en français. Après cela, il prononça le poème à voix haute. Mais quelques rimes ne sonnaient pas bien et certains vers n’étaient pas bons du tout. Il alla prendre son stylo noir pour corriger. Il prononça encore le tout et vit cette fois ce qui n’allait vraiment pas : le second quatrain, car c’était bel et bien un sonnet qu’il faisait. Il prit de nouveau son stylo rouge et corrigea en écrivant de nouveaux vers. Il déclama ensuite le poème à voix haute de nouveau : c’était parfait. Et Haroun le tapa à la machine à écrire, comme je te conte maintenant l’histoire de cette nuit. Une fois qu’il eut fini, il me demanda de lire et de lui dire mon avis, ce que je fis. Ce n’était pas mon poème préféré mais j’ai tout de même aimé. Le voici alors pour toi, qui es, je le sens, je le sais, curieux :

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