Amanda attendait les résultats de son analyse de sang. Elle stressait énormément. La réunion avec son frère était prévue pour aujourd’hui. Tout comme le départ d’Iris et de son cousin. La scientifique n’était pas sereine ces derniers temps. Son nouveau poste lui donnait tellement de choses à gérer… elle était obligée de prendre des somnifères pour s’endormir, et traînait à prendre ses nouvelles responsabilités. La perte de Marin était encore loin d’être digérée. La jeune cheffe repensait encore à la lettre qu’il lui avait écrite et que Samuel avait rapportée de son entrevue avec son frère. Cela lui avait fait un bien fou malgré tout de reconnaître son écriture et de lire ses dernières pensées vis-à-vis d’elle. Elle ne pouvait s’empêcher de la relire chaque soir avant de dormir même si elle se morigénait à chaque fois que c’était immature de sa part. Elle ne pouvait pas faire autrement. Il lui manquait cruellement, et elle n’allait pas bien dans sa vie. On toqua à la porte de son bureau et se fut Margot qui débarqua avec un dossier dans les mains. La jeune Thuathienne ferma la porte et lui tendit l’objet.

— Tes résultats sont arrivés. Je ne les ai pas regardés, promis, informa-t-elle.

— Je te crois, affirma la scientifique en saisissant le dossier.

L’adolescente resta dans un coin de la salle alors qu’Amanda ouvrit le dossier et sortit la feuille qui s’y retrouvait coincée. Comme elle était nouvelle, elle n’était pas encore agrafée avec les autres. La jeune femme était déjà préparée au choc avec le test précédent, mais elle ne voulait pas y croire. Elle lit le compte rendu attentivement et lentement pour terminer par le résultat qui n’était toujours pas à son goût. Elle avait espéré que le premier test s’avère erroné, mais ce n’était pas le cas. Et elle se retrouvait légèrement dans une impasse pour le moment. Heureusement que son frère allait venir. Cela faisait plusieurs mois qu’ils ne s’étaient pas vus et parlés. Cela allait sans doute être bizarre au début, mais elle avait plus que quiconque, besoin d’un soutien pour le moment. La jeune cheffe cacha son visage dans ses mains, totalement déboussolée.

— As-tu besoin de quelque chose ? fit Margot en se rapprochant alors qu’Amanda déclinait déjà.

La porte du bureau s’ouvrit pour laisser passer le frère de Margot.

— Ils sont arrivés, annonça-t-il. Qu’est-ce que je fais ?

— Pourrais-tu m’amener mon frère, s’il-te-plaît ? Je dois m’entretenir avec lui. Seul. La réunion n’était pas programmée avant la prochaine heure… pourrais-tu faire le tour du bâtiment avec le reste de l’équipe ?

— Il n’y a pas tant de personnes que cela, affirma Axel. Il y a le frère de Samuel, un homme qui s’est élancé vers Maryline et un autre type qui est resté au côté de ton frère. D’ailleurs, Iris le toisait totalement du regard.

— Cela doit être Nicolas, songea Amanda. Écoute, tu feras comme tu le sens. Annonce leur juste que la réunion est maintenue à la même heure et ne sera pas avancée. J’ai des choses à dire à mon frère juste avant, et rien qu’à lui. Ils peuvent se rendre au salon le temps de patienter s’ils le souhaitent. S’ils connaissent déjà des personnes ici, ces derniers les mèneront à la salle de réunion.

L’adolescent se contenta de hocher la tête et partit directement après. Amanda referma le dossier en n’oubliant pas de glisser la feuille libre dedans. Margot sortit à son tour alors qu’Amanda l’interpella pour la remercier de lui avoir donné les résultats qu’elle attendait. La jeune fille hocha juste la tête avant de dire :

— Tu devrais te réconcilier totalement avec ton frère. Je ne sais pas comment vous avez pu faire pour ne plus vous parler pendant autant de temps… Axel est tout pour moi, jamais je ne pourrais couper les ponts avec lui. C’est impensable.

La cheffe de l’association ne répondit rien, et la Thuathienne s’éclipsa sans un mot de plus, laissant Amanda en pleine réflexion. Ce n’était pas la même chose pour toutes les familles même si les liens de parenté étaient toujours très forts. Dans certains cas, le contact se rompait peu à peu puis définitivement. Cela aurait pu être le cas avec sa famille, mais Amanda faisait des efforts pour entretenir le moindre lien qui restait. Cela payait finalement et c’était une bonne nouvelle. Néanmoins, elle ne se réjouissait pas car il y avait bien plus grave dans la vie. Il y avait la guerre, la maladie… aucune victoire et elle le savait pertinemment.

Axel avait dû suivre sa sœur après puisque son frère débarqua tout seul dans le bureau. La jeune femme reconnut son frère sans problème. Elle s’habituait toujours à ses nouvelles cicatrices qu’elle remarquait, mais il ne semblait pas en avoir gagné plus ces temps-ci. Cela la surprenait toujours de voir son visage couvert de balafres alors qu’elle l’avait connu lisse et sans aucune impureté. Ces marques de violences sur son frère renforçaient son envie de diriger le mieux possible l’association. Ce dernier ferma la porte alors qu’elle se levait de sa chaise.

— Victor, souffla-t-elle en souriant tout en contournant son bureau. Cela fait peut-être bien trop longtemps.

— C’est ce qui arrive quand on n’est pas sur la même longueur d’onde. Comment vas-tu Edma ? répliqua l’homme en la serrant dans ses bras.

Son frère et ses parents demeuraient les seules personnes qui utilisaient encore son prénom initial. Celui qu’elle n’aimait pas et qu’elle préférait cacher, et qui lui était tout aussi utile que ses fausses identités ! Malgré tout, elle ne reprit pas son frère. Elle savait bien qu’ils avaient trop l’habitude et que c’était difficile pour les personnes qui la connaissaient depuis longtemps. C’était tout à fait logique. Elle finit par se dégager de l’étreinte de son frère avant de se rasseoir sur son siège. Elle n’était pas spécialement fatiguée, mais elle profitait car cela ne tarderait plus trop. Son frère prit place en face d’elle.

— Tu voulais me parler seul à seul ?

— Je pensais que c’était préférable. Je crois que cela aurait été bizarre de se revoir dans une réunion avec d’autres personnes sans avoir pu se parler avant… en tout cas, je présume que j’aurais ressenti un sentiment de gêne dans le cas contraire.

— Oui, tu as raison. En plus cela fait un moment que l’on ne s’est pas parlé… que voulais-tu me dire ? En faites, cela va à la tête d’une organisation de cette envergure ? Cela ne doit pas être simple, surtout avec cette histoire de meurtre. Cela a dû égarer l’association toute entière !

— Cela dépend de qui, avoua la scientifique en guettant la réaction de son frère. Certains hauts-placés, et moi-même savaient ce qui allait se passer avant que cela ne se déroule. On n’a donc pas été grandement surpris par ce qui s’était passé. L’organisation a continué à fonctionner très rapidement. J’ai du tout reprendre en main.

— Attends… vous aviez prévu de tuer votre propre cheffe ! Edma… ne me dit quand même pas que…

— On avait fait un tirage au sort, cela aurait pu être n’importe qui d’autre, mais c’est tombé sur moi. Je n’avais pas le droit à l’erreur ou à la pitié. Il fallait qu’elle disparaisse de la commande de l’association, elle commençait à prendre de mauvaises décisions et à ne plus se fier aux avis des autres. Elle commençait à mettre en péril tout ce qu’elle avait elle-même construit. On ne pouvait pas la laisser faire cela.

— Il faut te protéger, déclara son frère. Si les autorités l’apprennent, tu es foutue ! Ils ne continuent pas l’enquête, mais si un jour la guerre prend fin… ils risquent de la rouvrir, et tu serais dans une mauvaise posture.

— Mon nom n’a jamais été évoqué auparavant je pense, puis, le reste des hauts-membres de l’association est là pour me protéger. Si aucune des personnes au courant cafte, il n’y a aucune raison pour que je sois inquiétée. Du moins dans ce cas-là. De toute manière, si ce n’est pas le cas, cela sera temps pis… et toi ? Qu’est-ce qui t’a poussé à créer un groupe de militaires contrôlant l’armée ?

— Les morts essentiellement. Plutôt des missions ou des attaques qui n’ont aucun intérêt tactique, juste dans le but de faire peur. On s’est engagé dans l’armée, mais on ne sait pas ce que les conseillers veulent vraiment faire… je suis loin d’être le seul à avoir peur. On ne connaît pas la cause de ses dégâts, donc on tente de saboter les plus meurtrières…

Amanda acquiesça de la tête, restant pensive alors que son frère la fixa un moment.

— Tu ne m’as pas fait venir pour cela… est-ce que je me trompe ?

— Non, concéda sa petite sœur en relevant la tête. Je voulais te dire un truc… tu es le premier à savoir, et tu seras le seul pendant quelques mois. Je veux juste que tu me promettes de ne rien dire aux parents.

— Tu me fais peur là, Edma… il se passe quoi ?

— Je suis enceinte.

— Quoi ?

— Je suis enceinte, répéta la scientifique.

— Cela j’avais compris merci ! Je ne suis pas si idiot que cela… tu n’avais pas l’air de le vouloir à ta tête. C’est qui le con qui ne s’est pas protégé ?

— Marin, lâcha douloureusement Amanda en fermant les yeux.

— C’est qui cet imbécile ? Où est-il ? Il va m’entendre…

— Il est mort. Le père de mon enfant est l’homme que vous avez emprisonné et qui s’est fait écraser par un bâtiment détruit par la Kuyinto. C’était lui.

Victor ne répliqua pas, trop choqué parce qu’il venait d’apprendre. Amanda cachait son visage entre ses mains, elle ne pleurait pas, mais elle y était au bord. Déjà que la mort de son amant restait compliquée à surmonter, cet enfant n’allait pas l’aider encore plus à faire son deuil… si c’était possible qu’elle le fasse. Le militaire se leva pour rejoindre sa sœur et la serrer dans ses bras.

— Écoute… cela devrait aller, quoi que tu choisisses. On a de bons moyens médicaux en Opartisk, et tu es mieux placée que moi pour le savoir. Je ne sais pas de quoi tu as peur exactement. Cela m’étonnerait que l’on veuille prendre ta place ou que quelqu’un tente quelque chose. Puis… tu seras entourée. Je suis là, maintenant.

— Les hauts dirigeants de l’association ne sont pas au courant de ma situation, mais tu as raison sur ce point. Personne ne voulait le poste de chef, et malgré tout on respecte un des derniers choix de Mme. Keys : elle désirait que je dirige l’association. Mais je ne sais pas… gérer une grossesse… et un bébé sans son papa. Tu te rends compte de ce que je vais lui dire ! Et bien oui, ton papa est mort, écrasé par des bâtiments à cause de la guerre ! Comment un gamin peut-il ne pas être perturbé par cela ? C’est impossible ! Totalement impossible.

— Je te connais, tu y arriveras, tu n’as jamais renoncé, jamais. Bien sûr que cela sera difficile, il y a toujours des obstacles, mais tu pourras le faire suivre par un spécialiste, un pédopsychiatre par exemple… au fond je sais que tu en as envie, juste pour honorer la mémoire de ce mec… tu fais comme tu veux, mais tu sauras que papa et maman seront derrière toi, et que je suis avec toi.

Amanda le remercia à demi-mot avant de jeter un regard sur sa montre. Ils avaient encore du temps. Cela faisait très longtemps qu’ils ne s’étaient pas rencontrés mais elle fut interrompue par son téléphone qui sonna. La jeune femme décrocha et c’était le chef du quartier général du Thuath qui lui affirmait que le roi de Thuath voulait lui parler ! Elle en resta interloquée. Bien évidemment, elle ne savait pas s’il savait que s’était-elle qu’il avait déjà rencontrée, mais le chef lui assura que ce n’était pas son jeune fils qu’ils avaient kidnappé qui avait cafté. Le roi tout seul était venu, et l’interlocuteur d’Amanda lui laissa la parole.

— Êtes-vous bien la chercheuse que j’ai rencontrée ? questionna-t-il d’une voix impérieuse.

— Oui, effectivement, s’est moi. M. Fabrice II, que se passe-t-il ?

— Vous devez revenir.

— Je suis à la tête d’une organisation maintenant, je ne peux pas tout laisser comme cela. De quoi avez-vous besoin exactement ?

— D’une personne compétente ! La maladie prend beaucoup trop d’ampleur, il faut essayer de changer cela. Il me faut quelqu’un comme vous : de déterminer et d’intelligent. Il faut trouver quelque chose quoi qu’il arrive. S’il-vous-plaît. Si je vous demande de l’aide, c’est que mes chercheurs ne savent plus quoi faire. On a besoin d’aide, et cela vaut pour le reste de l’humanité.

Le roi de Thuath avait raison : la survie de l’espèce humaine commençait vraiment à être en jeu. D’autant plus que la guerre causait des dégâts encore plus effroyables avec le temps qui passait. La jeune femme lança un regard à son frère qui ne comptait pas s’immiscer dans la conversation et qui attendait patiemment.

— Je ne peux pas y aller, répéta la scientifique. Mais je vous assure que je trouverais quelqu’un.

Et elle avait déjà son idée précise de la personne qui serait prête à y aller. Le roi lui demanda de faire vite mais la remercia tout de même alors que le chef du quartier général de Thuath repassa à l’autre bout du fil. Elle le prévint de préparer une chambre, au cas où la personne ne refuserait pas la mission puis elle raccrocha. Elle expliqua rapidement à son frère ce qu’il venait de se passer et elle se leva : une réunion les attendait et elle ne pouvait pas les faire attendre.

Amanda ne connaissait pas les personnes que son frère avait emmenées avec lui. Enfin… elle avait parlé avec le copain de Maryline par téléphone pour l’évasion, et elle connaissait Nicolas Past grâce à son infiltration dans les bâtiments. Au final, la personne qu’elle n’avait encore jamais vu, c’était le grand frère de Samuel qui lui ressemblait énormément. Iris et Samuel les avaient directement emmenés à la salle de réunion où ils discutaient tranquillement. Néanmoins, la cheffe remarquait au regard d’Iris qu’elle se faisait violence pour ne pas perdre son sang-froid face à M. Past qui ne parlait pas. Amanda ne gardait aucune rancune envers l’ancien surveillant, mais elle se méfiait toujours de lui pourtant. L’homme avait été si convaincu par le discours des conseillers, elle était surprise d’apprendre que ce n’était plus le cas et qu’il avait même décidé de rejoindre son frère dans un regroupement qui avait pour but de nuire aux buts des conseillers ! Des buts, dont personne ne savait en quoi ils s’engageaient. La scientifique avait songé à demander à Iris d’en discuter avec Kilian, sauf que même si elle ne le connaissait pas, elle l’avait observé et elle en avait conclu qu’il n’aurait pas pris de risque en le lui disant. Peut-être même qu’en tant que nouveau, il n’était pas au courant de toutes les motivations de ses collègues.

La jeune femme salua Arthur, Théo et Nicolas puis prévint Iris que son cousin irait la chercher au milieu de la réunion pour leur départ en Dheas. Elle laissa les autres rentrer dans la salle avant elle et Maryline lui demanda si elle pouvait rester. Même si elle ne faisait pas partie des personnes qu’elle trouvait indispensables pour la réunion, elle accepta malgré tout. Deux des hauts-dirigeants étaient conviés : une vieille dame dans les âges de Mme. Keys et un homme châtain âgé d’une quarantaine d’année. Amanda s’entendait mieux avait eux et leur faisait plus confiance qu’à leur collègue. Elle ne croyait pas qu’il y avait des traîtres dans l’association mais elle se blindait. Ils avaient bien réussi à monter un plan contre Mme. Keys, donc tout était possible. Même contre elle malgré leur volonté de la voir diriger l’organisme. Son frère la laissa passer avant lui et se fut lui qui referma la porte. Elle s’installa avec les siens et son frère avec ses collègues. Face à face. L’atmosphère était plutôt détendue et cela permettait aussi à toutes les personnes présentes de se défaire de l’appréhension qu’ils ressentaient. Pendant un instant, la scientifique se demanda si ce genre de chose serait arrivé en la présence de Mme. Keys. Ce n’était pas certain.

— Je vous remercie d’être venu, débuta Amanda en regardant son frère. Je crois que c’est important que nos deux fondations discutent entre elles.

— Merci à vous d’avoir accepté de nous rencontrer, embraya son frère. Merci surtout à Samuel d’avoir pu faire passer la lettre et d’être venu nous voir. Je pense, en effet, que c’est important que l’on sache ce que nous faisons l’un et l’autre, et je pense que cela serait judicieux, si on pouvait s’aider si possible.

— En effet… Samuel nous a rapporté que vous sabotiez des opérations militaires meurtrières, confirma la vieille dirigeante. Mais à l’heure actuelle, faites-vous seulement cela ?

Iris les regardait avec ce qu’Amanda estimait être de la colère. La jeune femme n’était pas assez près d’elle pour lui dire quelques mots à l’oreille mais elle espérait qu’elle ne fasse rien de déplaisant à leur égard même si Samuel était à ses côtés.

— Pour le moment, c’est tout ce que nous faisons. Nous avons notre métier de militaires à côté et cela ne nous permet pas d’organiser des milliers de plans non plus et nous essayons de ne pas lever les soupçons des conseillers puisque vous êtes déjà passés par le conseiller Kilian pour me contacter.

— Les conseillers nous cachent véritablement des choses, on le sait bien sinon on comprendrait tout leur choix de décision. N’avez-vous jamais pensé à découvrir les secrets qu’ils gardent ? questionna l’autre dirigeant alors qu’Amanda les laissa faire.

— Si bien sûr, assura Victor Klimb. Mais ils nous manquent du temps et de la confiance. Nous avons beau être militaire, les conseillers ne se confient pas à nous. Ils ont comme des barrières, des murailles qui leur rappellent que beaucoup de choses sont confidentielles. Et de mon point de vue, il n’y a pas l’air d’avoir de maillon faible parmi eux.

— Même pas le plus jeune ?

— Je dirais même que c’est le plus fort. Pour un adolescent, il est plus solide qu’il en a l’air, plus mature et plus conscient de ses actes. Il n’est pas ordinaire. Pour savoir ce que cachent les conseillers, on ne peut pas passer par eux directement, ils ne lâcheront pas l’affaire.

— Mais par qui alors ? S’ils gardent si précieusement leurs informations, cela m’étonnerait que leur famille soit au courant d’énormément de choses !

— Certains n’ont pas de familles, intervint Maryline alors que tout le monde se tournait vers elle pour savoir où elle voulait en venir. Iris, tu m’as dit toi-même que Kilian ne compte plus parler à ses parents et rester avec son petit-ami, et il y a aussi le fils de conseiller Baptiste qui est tout le temps avec eux en ce moment. Il remplace sûrement Bertrand…

— Il est hors de questions que l’on kidnappe Fred ou qu’on lui fasse quelque chose ! s’opposa Iris même si elle se demandait s’il pouvait obtenir des informations. Vous ne connaissez pas Kilian, si vous lui faites cela, il n’hésitera pas à nous faire tuer s’il le fallait. Fred c’est tout ce qu’il lui reste.

— Il reste toujours le fils du conseiller Baptiste. S’il remplace réellement le conseiller Bernard, il sait sûrement certaines choses qui pourraient nous être utile, proposa Maryline.

— Je ne sais pas si le kidnapping est une solution parfaite, répliqua Samuel. Fin… je veux dire, si c’est mal fait cela pourrait être traumatisant pour lui-même s’il a notre âge… en plus, ça se trouve, il ne sait pas ce qui se passe vraiment avec les conseillers même s’il est proche d’eux.

— Je vois mal Kilian mettre en danger Fred comme cela, après, peut-être qu’il ne se doute pas que les gens veulent savoir ce qu’ils trafiquent.

— On ne peut pas prendre ce risque, commença Amanda. Cela nous ferait remarquer pour rien, et avec le numéro de Mme. Keys lors de l’annonce, on en a déjà donné. On doit faire profil bas, en tout cas ne pas se faire choper encore une fois. Et kidnapper un proche des conseillers n’est pas judicieux pour nous et notre sécurité.

— Bien évidemment qu’il y a des risques, mais c’est peut-être le seul moyen de découvrir les cachotteries des conseillers ! rétorqua l’homme haut-dirigeant de l’association.

— Cela peut attendre, on n’est pas à un jour près. La guerre s’étalera sûrement encore sur de longues années. Quand le moment sera propice, on aura tout le temps d’organiser cela. Ses informations ne sont pas vitales, on peut encore attendre un peu.

— Amanda a raison, affirma la vieille dame. Le plus important pour le moment, est de continuer à mener à bien nos activités et de s’allier entre organisation en accord et choix communs pour obtenir plus de moyens et réaliser encore mieux ce que l’on souhaite faire.

Elle ne ressemblait pas à Mme. Keys mais elle était très intelligente. Amanda trouvait ses choix et ses réflexions justes et ses idées étaient souvent les plus pertinentes. Si la défunte n’avait pas absolument voulu la voir aux commandes, cela serait sûrement elle qui aurait hérité du poste. Elle avait la tête sur ses épaules, et c’était pour cela qu’Amanda l’appréciait et lui faisait confiance. La vieille dame lui offrit un sourire et Amanda hocha la tête, considérant que ce sujet-là était clos. Pas de kidnapping pour le moment.

— Maintenant, reprit son frère sérieusement. Si vous avez besoin de plusieurs personnes pour des missions, je peux vous confier quelques soldats qui pourraient vous aider.

Amanda sortit une feuille pour consulter les missions actuellement en sous-effectif.

— Celui qui devait rejoindre Marianne en Siar s’est blessé, l’informa Samuel. Je sais bien que Marianne est une grande fille et qu’elle est capable de faire beaucoup de choses toute seule, mais je pense que cela serait bien de lui trouver un coéquipier pour qu’elle ne rentre pas fatiguée comme jamais.

— Tu as raison, confirma Mme. Keys qui voulait aussi que son amie soit surveillée. Si vous avez quelqu’un pour la rejoindre le plus vite possible, cela serait cool. Elle expliquera en quoi consiste sa mission. Il ne faut juste pas que la personne ait peur de voyager puisque ce n’est pas en Opartisk.

— Je veux bien y aller, suggéra Arthur en redressant la tête vers Amanda. J’ai toujours voulu voyager.

— Non je te l’interdis ! refusa son frère. Je vais dire quoi aux parents, moi ? Tu crois vraiment qu’ils vont bien le prendre ? Tu vas finir par les tuer de peur.

— Tu n’es pas le mieux placer pour me dire cela, argua Arthur sachant très bien qu’il avait raison. Je te l’ai déjà dit, c’est compliqué entre les parents et moi, mais je ne leur dois rien. Je suis majeur, et je fais ce que je veux. Je peux rejoindre votre amie quand vous voulez.

— Avant, on va en parler ensemble Arthur, avec les autres. Puis on verra qui on enverra pour cette mission. Il ne faut pas se précipiter. Tu as peut-être très envie de te rendre utile, mais nous devons y réfléchir.

— Bien sûr, cela me paraît totalement évident, soutint sa petite-sœur. Je ne vous force en rien, mais je trouve cela important que l’on s’entraide et que l’on puisse rassembler nos efforts pour ne pas s’éparpiller. Si on peut faire quelque chose pour vous aider, n’hésitez pas à demander, on essayera de faire au mieux.

Son frère la remercia en réfléchissant, et Damien débarqua dans la salle après avoir toqué à la porte pour prévenir à Iris qu’ils devaient partir. Samuel se leva avec elle pour l’accompagner. La jeune surdouée lui fit la bise ainsi qu’à Maryline et fit un signe de la main aux autres alors que Samuel signala qu’il reviendrait. Amanda les regarda partir alors que Damien salua tout le monde avant de partir. Il y eut un blanc pendant un instant avant que Victor prît la parole :

— Il faut que l’on garde contact Amanda. Avez-vous un numéro ou un mail ? Quelque chose qui puisse nous laisser garder le contact entre nous deux.

Malheureusement, à part les messages, Amanda ne savait pas comment ils pouvaient garder contact. Les conversations téléphoniques pouvaient facilement être écoutées, ce n’était donc pas sûre. La scientifique se creusait la tête pour trouver un moyen de communiquer. Cela dura si longtemps que Samuel eut le temps de revenir et proposa de continuer d’aller chez leur parent mais Victor si opposa, ne voulant pas les mettre en danger. Amanda était totalement d’accord avec lui.

— Puis, j’ai une mission en Thuath à confier à Samuel s’il le veut bien.

— Et après c’est moi qui veux prendre des risques insensés, marmonna Arthur.

— C’est à propos de quoi ? demanda le surdoué en ignorant la pique de son frère.

— Cela serait pour reprendre mes recherches contre la maladie. C’est le roi qui le demande et je ne peux pas reprendre comme cela alors que j’ai l’association à faire tenir. Je ne peux pas faire les deux en même temps. Puis… je crois que tu es très motivé pour essayer de contrer la maladie.

— J’irai, assura Samuel.

Effectivement, la jeune femme sentait bien que la mort de Peter le marquait toujours. Pour trouver un antidote s’il y en avait, il valait mieux quelqu’un de déterminer. Qu’importe qu’il soit concerné ou non. Et Samuel répondait parfaitement à ses critères. De toute manière, elle n’avait pas vraiment le choix, c’était le roi de Thuath qui le demandait. Le roi. Amanda ignorait ce qu’il pouvait bien faire pour l’obliger à envoyer quelqu’un, mais elle préférait ne pas tester ces limites-là. Même si la Thuath était en déclin, le roi semblait vraiment déterminé, et la détermination permettait de faire beaucoup de choses, qu’importe les moyens… la scientifique et son frère déterminèrent que pour communiquer, deux agents de leurs organisations respectives se rencontreraient dans des endroits normaux et que ce ne seraient pas les mêmes à chaque fois pour n’émettre aucun doute pour les fans des conseillers qui trouveraient leur comportement suspect. Ils étaient d’accord sur un point : la sécurité de chaque personne était importante. Leur réunion se finit sur cette décision, et Samuel proposa aux autres de les raccompagner à la sortie, sûrement pour passer le plus de temps possible avec son frère. Ils se levèrent tous et se saluèrent.

— J’étais ravie de te revoir, avoua M. Past en lui serrant la main. Je t’ai cru morte tu sais.

— C’était le but, affirma Amanda. Mais je ne le suis pas. Je suis devant toi aujourd’hui… je suis contente que tu te sois rendu compte que les conseillers nous cachaient des choses beaucoup trop importantes et qu’ils faisaient certaines choses plutôt mal.

— Je ne sais pas si c’était une bonne chose que je m’en rende compte. Cela me perturbe pas mal ses histoires, avec les adolescents qui exécutent des missions pour les conseillers et autres…

— Je crois bien, que l’on est tous un peu perturbé par tout ce qui se passe en ce moment. On a vécu des moments plus paisibles, beaucoup plus.

— Ouais, ça c’est sur…

— Nico ! Tu viens ! le coupa Victor en hurlant.

— À la prochaine, souffla-t-il avant de partir.

Contrairement à beaucoup de personnes, Amanda faisait partie de cette catégorie avec laquelle M. Past optait pour une attitude correcte et traitait bien autrui. La jeune femme avait eu cette chance par rapport aux surdoués dans les bâtiments, sûrement dû au fait d’être une adulte. La cheffe de l’association ne les regarda pas partir et commença à marcher vers dans son bureau. Néanmoins, à la moitié de son trajet, elle fut interpellée par Maryline qui l’appela plusieurs fois d’un coup. La scientifique fronça les sourcils et se retournant instantanément après tant d’insistant. Surtout de la part de Maryline, ce n’était pas son genre.

— Que se passe-t-il ? demanda l’adulte.

— Amanda, s’il-te-plaît, reconsidère ma requête… au moins, réfléchis un peu plus à mon idée ! Je suis certaine que cela vaut le coup d’y réfléchir un peu !

— Es-tu certaine que tu ailles bien ? Maryline, on ne peut pas enlever quelqu’un comme cela, du jour au lendemain, tu en es consciente, non ? Surtout quelqu’un qui est si proche des conseillers, c’est dangereux pour nos couvertures et nos positions.

— Mais c’est nécessaire ! s’écria la blonde. On pourrait enfin savoir vraiment pourquoi on est entré en guerre comme cela ! Ma tante, ma cousine et d’autre personne de ma famille sont mortes à cause des bombes. On a tous failli y passer la dernière fois aussi.

Maryline n’avait pas tort et face au désespoir de la jeune fille, Amanda n’avait pas le cœur pour la remballer comme cela. Personne n’avait pu remarquer à quel point Maryline souffrait mise à part Théo. La surdouée avait été emprisonnée un long moment et avait vu des choses traumatisantes qu’elle n’avait racontées à personne d’autre que Théo. Tout ce qui lui était arrivé, tout ce qu’elle avait vu lui avaient forgé une immense haine sans faille envers les conseillers. Un trop-plein d’actions qui finiraient par la poussée à commettre des choses dangereuses même si elle n’avait pas le droit. Amanda en était consciente, et elle allait devoir lui assigner une surveillance sans qu’elle ne s’en rende compte pour qu’elle ne fasse pas de bêtises. Jamais elle n’aurait pensé ne pouvoir arriver là.

— Écoute, je ne peux rien te promettre, cette décision ne m’appartient pas totalement et je respecte les autres avec qui je collabore, mais… je vais y réfléchir et je vais voir ce que je peux faire, mentit Amanda.

Maryline hocha légèrement la tête et Amanda la serra dans ses bras comme si cela pouvait apaiser son mal-être.

— Cours rejoindre Théo s’il n’est pas trop tard, je crois bien que tu as besoin d’un peu de bonheur en ce moment.

La surdouée ne répondit pas mais se précipita en courant vers l’opposé du bureau, sûrement pour essayer de rattraper les autres qui allaient partir d’un moment à un autre. Amanda commençait vraiment à s’inquiéter pour son amie. Elle interpella un homme et lui demande de lui ramener Sandra et Lilian dans son bureau alors qu’elle y rentrait elle-même. Ils ne mirent pas longtemps à y arriver. Les deux amis la regardèrent inquiets, comme s’ils redoutaient une mauvaise nouvelle.

— Ne paniquez pas, je n’ai pas quelque chose de grave à vous annoncer même si ce que je vais vous dire est très sérieux.

— Que voulais-tu nous dire ? questionna Lilian.

— Je voudrais que vous surveilliez attentivement Maryline.

— Pourquoi ? répliqua la jeune fille.

— Je pense qu’elle a vécu plus de traumatismes qu’on ne le pense lorsqu’elle a été emprisonnée. Je ne veux pas qu’elle fasse de mauvaises choses, que ce soit envers elle ou envers d’autres personnes. Bien-sûr, vous ne pouvez pas l’arrêter, mais vous êtes proches d’elle, donc vous pouvez me prévenir. Est-ce que je peux compter sur vous ?

— Bien évidemment, affirma Lilian. En plus c’est pour aider une amie. On fera ce qu’on peut.

Amanda les remercia et les laissa partir. La jeune femme resta un moment pensive sur son siège du bureau. La jeune femme baissa sa main pour la coller à son ventre. Elle n’en revenait pas, et elle ne se sentait absolument pas prête pour cela, encore moins dans une telle période. Elle soupira et sortit un cadre qu’elle avait rangé avant que son frère débarque. Une photo de Marin. Amanda tenait particulièrement à ce que personne ne la voit, et encore moins son frère. Sa relation avec Marin n’avait jamais été officielle, et elle savait que lorsque son ventre se verrait, il y aurait plein de rumeurs. La femme ne voulait pas crier sur tous les toits que le père était Marin. Elle ne voulait pas susciter de la tristesse, de la pitié et de l’empathie. Elle ne désirait rien de tout cela car ce n’était pas cela qui le ferait revenir auprès d’elle. Il était mort. Et elle allait devoir s’y faire. Elle ressortit la lettre que Marin lui avait adressée et la relit mainte et mainte fois. Néanmoins, elle dut s’arrêter lorsque l’on toqua à la porte, ce fut Samuel qui débarqua.

— Tu ne m’avais pas parlé de cette requête du roi, déclara-t-il.

— C’est arrivé avant la réunion, pendant que je parlais à mon frère. Je ne m’attendais pas vraiment à cela, mais j’ai pensé à toi.

— Merci de ta confiance… tu es sûre que cela va ? Tu ne l’avais pas lu avant sa lettre ?

— Oui, oui je vais bien. Juste un peu fatiguée, tu sais, je gère beaucoup de choses. Si, mais je la relis… tu pourras parler à Iris avec la tablette quand tu seras en Thuath. Je ne sais pas si elle s’attendait à te voir venir après elle… tu peux attendre qu’elle arrive en Dheas pour lui expliquer ta mission.

— On a parlé avec Iris, elle sait que c’est dur pour moi là-bas et que je ne veux plus y venir. Elle comprendra pourquoi je suis parti en Thuath.

— Bien… je l’espère pour vous deux, parce que ta mission est très importante.

Importante, pour le monde entier.