05h

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Keisuke a garé sa moto entre deux bâtiments, devant le port de Shinagawa. Il se craque les doigts tout en tapant nerveusement son pied sur le bitume. L’intensité de la course l’a sorti de son état d’engourdissement, et Jason, tout comme lui, voit ses sens aiguisés sous l’effet de la cocaïne. Les deux peuvent entendre, presque imperceptiblement, la brise maritime se faufiler entre les dépôts et les hangars qui peuplent le terre-plein industriel sur lequel ils se trouvent. Jason observe, derrière eux, sur la terre non-artificielle, les grandes tours résidentielles qui se dressent majestueusement le long de la digue. Des résidents ont déjà allumé les lumières de leur petit bloc appartement et se préparent pour une journée de plus. Jason soupire d’un air envieux : ces gens, ils doivent avoir un beau panorama sur Tokyo, tout là-haut ! Cette baie silencieuse, qui brille de mille feux, on dit qu’elle est si belle que certains en font l’objectif de leur vie, s’installer dans un tel appartement qui surplombe le Rainbow Bridge. Jason, agité et rêveur, s’imagine, l’espace d’un instant, un quotidien où il se réveillerait chaque matin face à cette vue légendaire de Tokyo : cela le rendrait terriblement contemplatif, si bien qu’il passerait sûrement ses matinées entières à compter les bateaux aller et venir de la baie jusqu’au port, et qu’il regarderait avec attention chaque container être chargé puis déchargé des gigantesques cargos qui affluent continuellement, tout en sirotant son café ou en grignotant des biscuits. Oui, c’est définitivement à ça qu’il passerait ses journées, dans un tel appartement.

- On devrait se bouger, le soleil ne va pas tarder à se lever, avise Keisuke.

Les deux marchent jusqu’à atteindre le grillage entourant l’espace réservé à l’immense terminal du port de Tokyo. Des pancartes « accès interdit » sont placardées sur toute la longueur.

- T’es sûr qu’il y a personne ? demande Jason, le regard vissé sur l’obstacle.

S’ils venaient à se faire contrôler par la police, ce ne serait plus en grammes d’alcool dans le sang, mais en grammes de sang dans l’alcool qu’on exprimerait le résultat de leur analyse sanguine : c’est pour cette raison que Jason demeure incertain à l’idée de s’aventurer dans le port.

- C’est sans risque, fais-moi confiance, lui répond Keisuke, sourire moqueur aux lèvres.

Jason s’appuie sur le genou ployé de Keisuke pour atteindre le sommet de la grille, puis se réceptionne sans trop de difficulté au sol. Keisuke escalade ensuite l’obstacle en s’appuyant sur les barreaux de la grille, qui tremble bruyamment sous son poids, le son se réverbérant entre les différents containers qui se trouvent de l’autre côté de celle-ci. Ils atteignent la voie principale de l’air de stockage, séparée par deux rangées de containers, tous disposés de façon parfaitement parallèle.

Le bitume parfaitement entretenu s’étend jusqu’à la digue. Il n’y a personne. Aucun navire n’est stationné, mais des containers bleu, orange et rouge sont disposés en longues rangées. Jason cache ses yeux, ébloui par la lumière jaune sale qui inonde le port. Keisuke s’avance vers la baie, et Jason le suit à pas feutrés, passant ses doigts contre la surface métallique des containers qu’ils longent. Il se demande quelle sera leur destination : Singapour, Dubaï, ou peut-être Rotterdam ?

Après avoir traversé le port d’un bout à l’autre, Jason et Keisuke aperçoivent la mer. Ils peuvent enfin poser leurs yeux sur la splendide baie de Tokyo, dont les eaux sombres s’étirent jusqu’à fusionner avec l’horizon de la nuit. De chaque côté, de gigantesques portiques de manutention aux multiples poutres d’acier sont attroupés le long du chantier naval, comme de grands robots animaloïdes, leurs grappins, câbles et moteurs se reposant jusqu’au matin, éclairés par de puissantes lumières orangées. De grands cargos rampent au loin, si lentement qu’on ne peut distinguer s’ils s’approchent ou s’éloignent.

- C’est beau, pas vrai, soupire Jason, ému de retrouver ce paysage.

Keisuke pose la main sur son épaule et lui sourit, mais Jason ne décroche pas ses yeux de la baie, alors Keisuke ajoute :

- On aura une meilleure vue de là-haut.

L’index de Keisuke pointe un container blanc, situé à quelques pas, à l’écart des autres et face à la mer. Un cercle rouge se démarque au milieu de la peinture blanche. Ce container est peint aux couleurs du drapeau japonais. Jason, amusé par ce détail, s’avance à pas enjoués dans sa direction, et Keisuke le suit, emportant avec une lui un caisson qui leur servira à escaler le container.

Jason, une fois au sommet du container, profite de la hauteur pour observer les alentours. Il aperçoit, par-delà les rangées d’immeubles, de l’autre côté des docks, les premières lueurs du jour se fondre dans l’obscurité de la nuit. Keisuke le rejoint et se positionne devant lui, irradiant son champ de vision de sa présence. Il passe son bras par-dessus les épaules de Jason, et frôle du bout des doigts sa poitrine, d’une façon faussement amicale, avec une pointe de romantisme si subtile que sa force en est décuplée. Jason sourit et inspire l’air à plein poumons. La brise venue de la mer, d’une pureté trop rare pour Tokyo, vient chatouiller ses narines et ses tempes engourdies. On entend le bruit de la mer, les voitures circuler sur l’autoroute, les premiers volets claquer : la ville se réveille avant même que le jour ne se lève. Keisuke semble humble devant ce paysage. Les yeux posés sur le Rainbow Bridge multicolore plus loin, Jason s’avance, l’allure endormie, jusqu’au rebord du container qui fait face à la baie. Keisuke le suit de près, main par-dessus la sienne, surveillant chacun de ses pas, puis le fait s’asseoir au bord avec lui. Ils sont maintenant côte à côte face à l’immensité de l’océan. Jason, les pieds et le cœur dans le vide, suit du regard le premier train de la ligne Yurikamome traverser le Rainbow Bridge jusqu’à Odaiba. Le vacarme du train se distille dans la distance. Keisuke allume une cigarette et prend aussitôt une longe taffe, qu’il inspire d’un air pensif et absent. On entend la cigarette brûler. Les néons grésillant, les écrans géants, les panneaux de signalisation, les bureaux encore éclairées, les vitrines des magasins, tout ce dont la ville avait à nous inonder, tout se reflétait sur la surface obscure de la baie de Tokyo. Elle en deviendrait presque multicolore, mais toutes les lumières s’apprêtent à s’envoler avec le voile la nuit.

Un faisceau orangé, d’origine inconnu, peut-être d’un train ou d’un panneau publicitaire, se réverbère de surfaces en surfaces jusqu’à éclairer le visage de Jason. Cette lumière surnaturelle attire le regard de Keisuke, qui a comme l’impression qu’elle vient poétiser la conclusion de cette nuit qu’ils ont passée ensemble. Les lumières de Tokyo brillent dans les yeux amoureux de Jason, et Keisuke le regarde, presque jaloux. C’est d’une beauté à s’en déchirer le cœur.

- Merci pour cette soirée, sourit Jason.

Keisuke ressent, pour la première fois depuis longtemps, un léger vacillement traverser son estomac. Il pose, d’une main tremblante, la cigarette qu’il fumait sur le container, puis se confie à Jason :

- Je ne sais pas comment te dire ça, mais tu sais, par rapport à la conversation au bar, tout à l’heure…

Jason croise Keisuke du regard l’espace d’un instant. Jason n’en revient pas : c’est la première qu’il fois qu’il peut y lire autre chose que de l’indifférence ou de la concupiscence.

- Quand tu m’as demandé ce que je te trouvais de bien, je t’ai dit qu’on en reparlerait plus tard, continue Keisuke.

On entend le bruit d’un autre train au loin. Nostalgique.

- Et bien, justement, à ce sujet, je voulais te dire que…

- Je sais, pas la peine de m’en dire plus, coupe Jason avec assertivité.

Keisuke est surpris. Jason ne lui a jamais coupé la parole de cette manière, sans innocence et maladresse.

- Qu'est-ce que tu sais ? interroge Keisuke.

- Ce que tu vas dire… Je le sais déjà.

Keisuke ferme les yeux. Il a remarqué que Jason n’a pas réussi à contenir ses émotions jusqu’au bout de sa phrase, et Jason sait malheureusement que Keisuke l’a remarqué, et comme cela le rend encore plus émotif, Jason cache nerveusement son visage de ses mains, mais trouvant son geste trop dramatique, décider de les reposer aussitôt sur ses cuisses, par crainte d’agacer Keisuke avec son émotivité.

- Tu le sais déjà alors… médite Keisuke, pensif.

- Oui.

Jason, ne pouvant pas se sentir plus vulnérable, se résout à montrer toute l’étendue de son sentiment à Keisuke ; à travers ce dernier regard qu’il lui adresse. Keisuke, pris d’un élan de courage, plonge alors ses yeux coupables dans les siens. Jason a la tête qui vibre de haut en bas, comme pour dire un « oui, je t’aime » d’une façon mi-colérique, mi-désolée. Keisuke baisse les yeux puis se pince les lèvres. En temps normal, son spectre émotionnel n'est composé que de deux émotions, parfois trois, mais ce soir, Jason peut lire pour la toute première fois une certaine gêne sur son visage, habituellement si inexpressif. En fait, Keisuke et Jason peuvent percevoir une multitudes d’émotions sur le visage de l’un et de l’autre. Toutes les choses qui ne seront pas dites, toutes les choses qui feront pourtant que tout est fini. Jusqu’à aujourd’hui, jamais Keisuke n’avait trahi son art, celui de se montrer désabusé en toutes circonstances, alors si tout doit se terminer ce soir, Jason peut se targuer d’être parvenu à lui arracher une émotion ou deux. C’est une victoire.

Le silence qui s’est intercalé dans la discussion est devenu assourdissant.

- Désolé, soupire Keisuke.

Cerné par les containers et les immeubles, ce mot n'avait nulle part où aller. Il flottait dans l'espace, au-dessus de l’eau, à résonner entre les caisses métalliques, où les échos demeurent. Jason pourra l’entendre à nouveau, ce « désolé », si un jour, il revient sur les docks. Il peut déjà l’entendre une fois de plus. Une larme lui monte à l’œil, mais il se retient.

- Tu sais… commence-t-il à s’exprimer, sans parvenir à terminer sa phrase.

Jason croise ses mains devant lui puis pose son menton contre ses pouces. Ses deux index se dressent furieusement vers le ciel, devant ses lèvres tremblantes, comme pour sceller des mots qu’il ne pourra pas expulser de toute manière. Keisuke, coupable, détourne les yeux. Cette scène lui fait de la peine, mais il comprend sa réaction : la première fois qu'il allait lui confier ses sentiments, c'était pour lui dire cela, qu'il valait mieux s’arrêter. C'est un peu triste, oui, il le reconnaît. Les lèvres tremblantes de Jason ne peuvent plus retenir ces paroles qu’il peine à formuler :

- Ce-ce n’est pas grave. Je trouverai quelqu’un d’autre, je-je trouverai bien quelqu’un d’autre. Tu sais, je ne suis même pas triste, je suis simplement désolé d’en avoir attendu plus. Maintenant, au moins, je sais que je n’ai pas besoin de grand-chose : un balcon sur lequel observer la ville, un futon à partager, des brochettes de poulet, un roman à bouquiner, des nouilles sautées, une discussion autour d’un verre ou d’un café, une promenade de temps en temps, oui, je n’ai pas besoin de beaucoup de choses, je le sais désormais.

Des silences s’intercalent entre chaque mot. Sans doute Jason ne sait-il plus très bien ce qu'il raconte, mais il continue, d'une voix complètement endormie, douce-amère, à mettre des phrases bout à bout :

- J’ai toujours aimé les étrangetés comme toi : quand j’étais petit, le seul endroit qui sortait de l’ordinaire près de chez moi, c’était la fête foraine qui passait l’été. Il y avait de drôles gens, mais je les trouvais tous beaux d’une certaine manière. Là-bas, je pouvais enfin m’émerveiller, j’adorais les lumières psychédéliques, l’atmosphère, les saveurs et les bizarretés qu’on y trouvait. Avec le temps, la magie s’est estompée, mais j’ai retrouvé ce sentiment le premier été où je suis venu Tokyo, il y a deux ans. Quand je me suis habitué à la ville, j’ai pu expérimenter cet émerveillement une fois de plus, à tes côtés, à Komaba-Todaimae. Maintenant, je suis presque certain que je pourrais m’émerveiller des choses du quotidien. Tu sais, je pense que je suis devenu un peu comme toi, mais j’ouvrirai un bar, il y aura un projecteur, des noix de cajou, et du tabac à la vanille.

Le discours de Jason s’achève ainsi. Il n’y a rien à dire. Encore plus que toutes les autres fois. Il n’y a plus rien à dire.

- On rentre… ? propose Keisuke, comme si de rien n’était.

Jason esquisse un sourire mitigé, mais lui fait signe de s’en aller. Keisuke hausse les épaules et pousse un léger soupir, puis s’approche de Jason pour lui pincer la poitrine.

- Bon, t’en fais pas trop hein, on se voit un de ces quatre, je te fais cadeaux de la weed, mais consomme pas tout hein, consomme-les ou vends-les, mais reste prudent.

Jason hoche la tête, et la soudaine trivialité de l’attitude de Keisuke lui redonne le sourire. C’est peut-être la fatigue. C’est peut-être qu’il l’aime tout simplement. Keisuke agite la main pour le saluer, mais Jason se contente de garder son triste sourire. L’étrange affinité qu’ils ont bâtie ensemble, jusqu’à aujourd’hui, se concentre dans cette dernière interaction si banale et non-partagée.

Keisuke se lève, et Jason détourne le regard. Il ne veut pas le voir partir. L'entendre s'éloigner sera suffisant. Ses pas résonnent un à un, vibrant sur toute la surface du container. De haut en bas, droite à gauche - boum, boum, boum - puis les mouvements se font plus agiles, plus éloignés : Keisuke s'élance et se réceptionne au sol. Ses baskets frottent contre le bitume à l'atterrissage. Rien qu’un scratch sec et brutal suivi de légers pas. Jason, maintenant prostré, reste ainsi et continue de contempler le paysage. Ses yeux se sont emplis de grandes larmes, et la baie de Tokyo se trouble tout autour de lui, transformée en d’innombrables prismes dorés et argentés aux éclats adamantins. Quelques mouettes raillent au loin, leurs pleurs se propageant en échos d’une rive à l’autre.

Quelques instants après, le moteur de la bécane de Keisuke rugit, encore plus fort que toutes les autres fois, puis se dissipe progressivement dans les autres bruits de véhicules au loin. Sa présence qui signifie tant a disparu. Le sillon des phares qui, sur la voie rapide, s’éloignent, semble si familier à Jason, cela lui rappelle quelque chose, une chose qui lui échappe sans cesse.

Jason, noyant son attention sur la baie, remarque l’ombre d’un navire émergeant à l’horizon. Il l’observe, l’air absent, flotter lentement en direction de la jetée. Les contours du navire se font de plus en plus distincts à mesure que l’aube se lève. C’est un grand pétrolier, probablement long de plus de 300 mètres. Jason soupire : si les pensées qui l’émeuvent présentement étaient matérielles, alors un tel mastodonte ne pourrait même pas les transporter. Ces pensées, elles planent sur Jason comme un brouillard qui lui voile la conscience. Jason, confronté au silence marin, se rappelle soudainement qu’il ferait mieux de quitter le terminal du port avant que les premiers ouvriers n’arrivent.

En se retournant, debout sur le container, Jason entrevoit un fragment de rayon de soleil. Il vient transpercer les nuages pour s’imprimer sur sa rétine. Jason se cache les yeux un instant, puis les rouvre sur le ciel de Tokyo, qui vient de retrouver quelques nuances de couleurs. Le port, la mer, les docks, les bateaux, tout brille dans un gris argenté. Le paysage, d'habitude écrasé par la chaleur estivale, semble respirer doucement désormais. La lumière rasante du matin vient faire éclore les ombres des immeubles. Jason, respirant l’air chargé de sel, contemple les lumières de la ville s'éteindre une à une, chaque néon sur les immeubles, chaque lampadaire sur les avenues, et avant qu’il ne puisse finir de compter, voilà que la nuit s’achève. Le pays de néons a disparu.

Jason bondit du container et se réceptionne au sol. Il marche ensuite d’un pas ferme jusqu’à la grille, qu’il escalade sans effort. C’est à ce moment précis que Jason réalise qu’il n’avait pas besoin de Keisuke pour franchir un obstacle. Peut-être n’a-t-il pas besoin de lui tout simplement, ni de quiconque. Devant l’entrée du terminal, les premiers camions défilent sur la rue, remuant l’air et la poussière sur leur passage. Jason continue de s’éloigner du port et marche jusqu’à regagner la rive, errant dans l’aube matinale qui sillonne le paysage urbain. La tiédeur des larmes qui coulent sur ses joues le réchauffe, et son visage irradié de lumière resplendit d’une belle expression de tristesse. Jason ne peut même pas lui en vouloir. Il est le seul responsable de ses sentiments. C’est lui qui a cristallisé l’image de Keisuke. Il le sait. Il l’a toujours su. Quand on joue avec des garçons à la froideur d’un néon brisé, on se coupe.

Arrivé sur la rivé, le parc en bord de mer est désert. On peut déjà entendre des cigales pleurer à travers le feuillage des arbres. Jason s’assoit sur une balançoire, à regarder tantôt devant, tantôt derrière lui : Tokyo l’entoure, et ce, où qu’il tourne la tête… Un sachet plastique, emporté par une bourrasque, virevolte dans l’air, passe par-dessus la barrière et vient se poser à la surface de l’eau. Jason, comme attiré, avance et se penche une fois de plus sur la baie de Tokyo : le sac flotte à la surface, avec quelques feuilles mortes. Jason se souvient soudain d’un détail. Il retire aussitôt son sweater, dont l’odeur lui rappelle déjà Keisuke, et, d’une expression résolue, le jette par-dessus la barrière de sécurité, découvrant ainsi ses bras nus.

Jason sait que son amour ainsi que sa reconnaissance pour Keisuke ne feront qu’enfler davantage avec le temps, jusqu’à consteller son imagination jonchée de désirs. La réponse est oui, Jason y a déjà songé : si Keisuke venait, un jour, à faire demi-tour et revenir, même des années après, Jason coucherait avec lui de nouveau, qu’importe ce qu’il dirait, encore et pour tout jamais. C’est pour cette raison qu’il fallait s’en débarrasser.

Le sweater dérive péniblement sur l’eau stagnante avant de disparaître dans les profondeurs. Jason, les mains sur la barrière, contemple le ciel devenu azuré, inspirant à grandes bouffées l'air relativement frais du matin. De nombreux bateaux se sont approchés et manœuvrent autour des docks. Les grandes machines se réveillent, et les containers fourmillent dans tout le port. Jason a l’impression de n’être qu’une variable insignifiante. Le flux des voitures s’intensifie derrière lui, la ville tout entière est en mouvement. Quelques terre-pleins plus loin, on aperçoit de grands avions aller et venir vers la piste de l'aéroport d'Haneda. Un Boeing s’engage dans le ciel et disparaît dans les nuages. Où ces avions peuvent-ils bien aller ? Et si quelqu’un l’attendait autre part ? Jason croise les bras instinctivement. Sa peau blanche est désormais nue, exposée à la fraîcheur et au vent forcissant. Jason peut sentir tous les pores de son corps se dilater, tandis qu’il éprouve une satisfaction mitigée, le soulagement de savoir que quelque chose s’est finalement achevé, qu’il fallait s’y attendre et en profiter, comme un séjour paradisiaque dans un pays de rêves.

- J’aurais voulu continuer à rire avec toi, à mesure que l’été se rafraîchira.

Les sentiments s’envolent comme la chaleur estivale qui s’évapore, car l’été est fait pour chérir puis partir. Il est 5h, le moment est venu de rentrer. Jason fait ses adieux au paysage avant de prendre la route de son domicile, qu’il regagnera à la force de ses jambes une fois de plus, afin d’observer, le sourire aux lèvres, les rues de cette ville de Tokyo dont il ne se lassera jamais.

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