Chapitre 45

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Cela faisait déjà deux mois qu’Océane et moi préparions notre mariage. Depuis tôt ce matin, le château était devenu une fourmilière. En cuisine, personne ne voulait prendre de pause. Tout devait être parfait. La salle du trône quant à elle s’était métamorphosée. Une centaine de bancs en bois de chêne avaient été installés le long d’une Grande Allée où un tapis rouge avait été déroulé. Des bouquets de fleurs, accrochés aux deux extrémités de chaque banc et les drapeaux du royaume déployés de chaque côté de la pièce sur toute la longueur. De fines banderoles blanches suspendues au plafond tombaient en s’arrêtant aux quatre coins de la pièce.

Au fond de la salle, un deuxième trône était à présent en place et la nouvelle couronne d’Océane était délicatement posée sur un petit coussin rouge mis en évidence par un piédestal. Je la pris dans mes mains afin de l’examiner. Elle était faite en or pure. Des éclats de rubis, saphir, diamant et d’émeraude illuminait chaque pointe. La couronne avait été coulée spécialement pour Océane par les meilleurs joailliers du royaume. En même temps, c’était la première fois qu’il allait y avoir deux Impératrices au pouvoir. Absorbé par la beauté de la pièce, je n’entendis pas Emma me rejoindre.

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— C’est incroyable, lui répondis-je surprise par son arrivée. Je n’ai jamais vu le château aussi… vivant. Même pour mes anniversaires avec ma mère.

— C’est normal, aujourd’hui est un grand jour et ça fait deux mois que tout le monde attend avec impatience.

— D’ailleurs tu ne devrais pas être en cuisine ?

— Non, je suis avant tout la gouvernante du château et ta femme de chambre. Je vais m’occuper de toi, uniquement.

— Et Océane ?

— Ne t’occupe pas d’elle. Elle se prépare chez elle avec les plus grands coiffeurs et maquilleurs de l'Empire sous la surveillance active de son frère et de quelques gardes. Vous ne pourrez pas vous croiser avant la cérémonie.

— Ça me rassure.

— Allons te préparer. Une Impératrice se doit d’avoir une tenue incroyable le jour de son mariage. Tous les habitants auront les yeux braqués sur toi à travers leurs télévisions.

— Tu as raison.

Emma m’aida à mettre ma robe confectionnée par les villageoises et attacha le fil unique qui parcourait tout mon dos. En me regardant dans un miroir, je remarquais plein de détails que je n’avais pas vu le jour de mon anniversaire. Elle mettait en valeur ma poitrine avec une seule bretelle. Les jupons tous plus grand que les autres étaient parsemés de poussière de diamants qui brillait sous la lumière. Emma attacha mes cheveux en une coiffure des plus sophistiquée, avec une multitude de nattes. Elle y mit un nombre incalculable de fines barrettes pour retenir la moindre mèche de cheveux. Pour finir, elle ajouta de la laque pour faire tenir la coiffure avant de mettre une fine couche de paillettes bleues. Pour le maquillage, elle resta sobre, mais je n’en fus pas moins belle. Juste avant de fini, on frappa à la porte de ma chambre.

— Elena ? C’est ton père, je peux entrer ? demanda-t-il à travers la porte.

— Bien sûr.

— Tout est en place, il…, il arrêta de parler en me voyant. Tu es sublime.

— Merci père. Emma est incroyable pour ça.

— Quelle chance tu as ! Même ta mère n’était pas aussi belle à notre mariage, expliqua-t-il en commençant à pleurer.

— Ne pleurez pas, père, où je vais faire de même.

— Tu as raison, ce n’est pas encore l’heure. Je reviens te chercher quand la cérémonie commencera. Océane sera déjà devant l’autel.

— Merci.

— Et n’oublie pas de sourire ma chérie, tu seras filmée.

— Ne vous inquiétez pas pour ça. Je ne sais comment te remercier Emma, lui dis-je une fois que mon père fut parti.

— En épousant Océane, en étant heureuse avec elle et en fondant une belle famille.

Presque une demi-heure plus tard, mon père arriva. Emma nous laissa seuls. Je mis ma couronne sur la tête ainsi que mon écharpe aux couleurs du royaume. Mon père me tendit son bras que je pris immédiatement. On resta une minute devant les portes fermées, j’étais nerveuse. J’ordonnais ensuite aux deux gardes d’ouvrir les portes. À leurs ouvertures, toutes les personnes présentes, homme de la cour comme homme du peuple se levèrent à l’unisson et se tournèrent vers moi ainsi que quelques caméras. Lentement, j’avançais le long de l’allée centrale en regardant droit devant moi en souriant et en n’oubliant pas de respirer, ce qui fut plus difficile que prévu.

Plus je me rapprochais d’Océane, plus j’étais époustouflée par sa robe et sa coiffure. Sa robe blanche reflétait les rayons du soleil qui passait à travers les fenêtres, elle n’avait aucune bretelle. De la dentelle y était brodée et des paillettes bleues illuminaient la robe telle une boule de cristal. Sa coiffure était complexe, mais des mèches de cheveux retombaient en cascades sur ses épaules. Une broche en forme de fleure argentée retenait une multitude de nattes ensemble. Je me rappelais alors la première fois que je l’avais vue et n’en fus que plus heureuse d’en être arrivée là. J’arrivais devant l’autel cinq minutes plus tard, mon père déposa un baisé sur mon front avant d’aller s’asseoir au premier rang aux côtés d’Emma. Je pris ensuite les mains d’Océane et elle me souffla de ne pas oublier de respirer comme à la plupart de nos rendez-vous. Je lui répondis par un sourire.

— Si nous sommes aujourd’hui réunis en ce lieu magique, c’est pour unir l’Impératrice Elena à la femme qu’elle a choisi d’aimer, commença Stephania.

Le choix de Stephania comme Maître de Cérémonie avait été une évidence pour nous deux. C’était grâce à elle que j’avais pu avouer mes sentiments à Océane et elle n’avait cessé de me conseiller que ce soit vis-à-vis de l’Empire, d’Océane, voir même de Marc.

— Cela fait plus de vingt ans que le peuple d’Eryenne n’a pas connu de journée aussi importante. La plupart d’entre vous ont vu grandir notre Impératrice malgré son incapacité à sortie de ce château. C’est en son sein que tout a commencé entre ses deux femmes et c’est en son sein que tout se terminera. Nous allons maintenant écouter les vœux. Mademoiselle Luisard, si vous voulez bien commencer.

— Merci. Elena, sans toi, nous ne serions pas là aujourd’hui. Sans toi, je ne serais même plus de ce monde. Entre les cachots du château qui est aujourd’hui chez moi et mon petit-ami violent, tu m’as sauvé la vie plus d’une fois. Cependant, plus d’une fois j’ai fait le contraire en ne prenant pas soin de toi. J’ai essayé de toujours te faire passer en priorité, mais pas facile quand toi, tu veux faire passer l’Empire avant tes propres besoins. Mais à partir d’aujourd’hui ce sera différent. Je prendrais soin de nous, de toi et de nos futurs enfants. Tu es la femme qui va me redonner une famille après la mort de mes parents. Je t’aime plus que tout au monde.

— Majesté, c’est à votre tour.

— Que dire après ce joli discours ? J’ai beau détester ma mère, mais sans elle nous ne nous serions jamais rencontrés. Avant de te rencontrer, j’étais perdue. Je ne connaissais pas mon peuple, je ne savais pas ce qui était arrivé à mon père. J’étais une princesse prisonnière d’un monde qui lui était inconnu. Avec toi, j’ai découvert de multiples sentiments dont j’ignorais même l’existence. L’amour, le regret, la peur, mais surtout le bonheur. Le jour où tu t’es réveillé après plusieurs mois de coma, ce fut une renaissance, un soulagement, mais aussi la douleur de ne pouvoir t’aimer. La loi nous l’interdisait alors. Grâce à toi j’ai survécu à Marc, j’ai retrouvé ma grand-mère et j’ai découvert ce que voulait dire aimer et être aimé, être chérie et je t’en remercie du plus profond de mon cœur. Je n’ai vraiment compris qui j’étais que le jour où tu m’as dit Je t’aime malgré le danger de ses deux mots. J’ai compris la force de mon amour pour toi le jour où tu es tombé dans le coma ? Et aujourd’hui grâce à nous, les mentalités changent, notre liaison n’est plus secrète ni interdite et nos enfants auront une vraie famille. Je t’aime Océane.

En face de moi, je vis Océane laisser couler la toute première larme pendant que j’en faisais tout autant.

— Il est maintenant temps de vous dire oui pour toujours.

Estelle approcha en trottinant avec les alliances et je ne pus retenir un sourire en l’embrassant sur le front.

— Océane Luisard, fille de Stéphane et Marie Luisard, voulez-vous prendre pour épouse l’Impératrice Elena de Stinley ?

— Je le veux, répondit-elle tandis que je lui mettais la bague aux doigts.

— Elena De Stinley, Impératrice de ce grand royaume qu’est le nôtre, fille de Léo et Julie De Stinley, voulez-vous prendre pour épouse Océane Luisard ?

— Je le veux.

— Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare femme et femme unies par les liens du mariage. Vous pouvez vous embrasser.

On s’embrassa pendant une longue minute sous les applaudissements du public. J’invitais ensuite Océane à se mettre à genoux devant le trône qui lui était destiné avant de prendre sa couronne.

— Océane, acceptes-tu de devenir Impératrice d’Eryenne à mes côtés ?

— Je l’accepte.

— Jures-tu de protéger l’Empire au péril de ta vie ?

— Je le jure

— Promets-tu de gouverner de façon juste, équitable et de penser aux intérêts de ton peuple avant le tien ?

— Je le promets.

— Reconnais-tu cet Empire et ses habitants comme relevant de ta propre responsabilité ?

— Je le reconnais.

— Par ses serments, je déclare Océane Luisard, Impératrice d’Eryenne.

Terminais-je en déposant sa couronne sur sa tête. Tous les invités s’agenouillèrent quand elle se retourna face à eux et je fis de même. Ensuite, ils sortirent de la pièce pour se rendre dans la salle de bal où se poursuivait la fête suivie de nous deux, main dans la main. Les tables étaient installées le long de la salle, laissant une grande piste de danse en son centre. Quand on entra, on fut accueillie par des applaudissements et les invités venaient nous féliciter chacun leur tour.

— Tous mes vœux de bonheur, Majestés, commença le frère d’Océane avec une révérence en s’adressant à elle.

— Merci frérot, lui dit-elle en l’embrassant

— Les parents seraient si fiers de toi. Ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’épouser une Impératrice.

— C’est moi qui ai la chance d’épouser ta sœur, les coupais-je

— Soit. Si un jour on m’avait dit que je deviendrais le beau-frère de l’Impératrice, je n’y aurais jamais cru.

— Tu sais que tu peux venir habiter ici, si tu le souhaites, ajoutais-je.

— C’est gentil, mais il est temps pour moi de prendre mon indépendance. La maison familiale m’ira très bien.

— Si tu le dis.

Après avoir été félicitée par tous les invités, Maria vint enfin nous voir. Je remarquais immédiatement que ses yeux brillaient par les larmes.

— Majestés, toutes mes félicitations.

— Merci d’être venue malgré la distance Maria. Tu fais partie de la seule famille qu’il me reste, la tutoyais-je pour la première fois.

— Je n’aurais loupé se mariage pour rien au monde, jeune fille. Pouvoir assister au mariage de l’Impératrice et de la triple championne de l’Empire de Karaté est mon plus beau rêve. Vous êtes toute les deux magnifiques les filles.

— Merci, répondit Océane en même temps que moi. On vous a laissé une place à la table d’honneur à côté de mon beau-père et de la Reine Stephania. Si cela ne vous dérange pas.

— Au contraire. J’ai toujours apprécié mon gendre et ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue. Quant à la Reine, ce sera notre première rencontre.

— Parfait alors ! enchaînais-je.

Le repas se passa de la plus grande festivité. Juste avant la pièce montée, j’ouvris le bal avec Océane sur un slow. C’était la même musique que sur laquelle on avait dansée tant de fois. En cet instant, j’étais la femme la plus heureuse au monde, une femme accomplie.

— Puis-je vous emprunter ma fille le temps d’une danse ? demanda mon père à Océane à la fin de la musique.

— Je vous la laisse. Je vais aller me rafraîchir un peu.

— Je suis ravie que vous ayez fait le déplacement, père.

— Je le suis également.

— Combien de temps restez-vous ?

— Je repartirai demain matin en début d’après-midi. Je suis attendu, mais pas presser.

— Avez-vous retrouvé quelqu’un ? Une famille ?

— En quelque sorte. Je suis le parrain d’un orphelinat et les enfants m’attendent avec impatience.

— Très beau geste venant de votre part. Vous qui avez été un grand Empereur.

— Mais tu es une plus grande Impératrice que moi, Elena. Je suis très fier de toi. Malgré tout ce que tu as enduré, tu as su rester forte.

— Merci père.

Ce fut Emma qui apporta la pièce montée, sourire aux lèvres. Durant le repas, elle n’avait pu rester à mes côtés, mais maintenant elle le pouvait.

— Toutes mes félicitations, Elena, commença-t-elle en me serrant dans ses bras.

— Merci. Le repas était délicieux et la pièce montée est incroyable. Tu as effectué un travail formidable.

— C’est normal, c’est ton mariage. Il fallait que ce jour soit incroyable et inoubliable. Aller, profite de ta soirée avant de redevenir une Impératrice, de devenir une mère et avant que les dures joies de la vie conjugale n’arrivent.

— Moque-toi, va. Toi aussi tu devrais te trouver quelqu’un. Tu ne vas pas passer toute ta vie à mon service, au château.

— J’y songe, j’y songe.

— C’est bon je rigole. Mais il y a plein de beaux jeunes hommes sur la piste de danse.

— Tu es mariée Elena !

— Mais je parle pour toi voyons, rigolais-je en partant en lui adressant un sourire.

— Toute mes félicitations, Majesté, nous interrompis un beau jeune prince d’environ vingt-cinq ans quand Emma s’éloigna.

— Merci, Votre Altesse.

— Dite Majesté. C’est délicat de vous demander ceci, mais votre servante est-elle déjà promise à un autre ?

— Emma ? Non, Votre Altesse, mais si rien ne vous en empêche, je veux dire puisque vous êtes prince, pourquoi n’irez-vous pas lui parler ?

— Sérieusement ? Je ne voudrais pas vous priver d’une servante capable de vous faire une coiffure aussi incroyable.

— Emma est avant tout mon amie.

— Merci Majesté.

— Dépêchez-vous avant qu’elle ne retourne en cuisine. Votre Altesse.

On s’amusa le reste de la soirée, heureuse, en oubliant tous les petits soucis de la vie. Alors qu’on s’embrassait sur la demande des invités, ils s’écrièrent en chœur, Longues vies aux Impératrices ! Longues vies aux Impératrices !

Fin du Tome 2

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