Chapitre 40

11 minutes de lecture

À mon réveil, Estelle mangeait un bout de gâteau, sous la surveillance de David. Il essayait de la faire parler, pour savoir comme elle allait, mais elle ne lui disait pas le moindre mot.


— Bonjour, Votre Majesté, enchaîna en me voyant réveiller.

— Bonjour David. Combien de temps ai-je dormi ?

— Nous sommes le lendemain matin, huit heures.

— Emma n’aurait pas mis un somnifère dans mon thé par hasard ?

— Non. Vous aviez juste besoin de beaucoup de repos.

— Merci de t’être occupé d’Estelle.

— C’est normal.


Estelle rendit son verre d’eau à David avant de se tourner vers moi. Elle avait retrouvé un petit sourire, mais semblait toujours autant fatiguée. Comme moi en fin de compte.


— Bien dormis ? m’interrogea-t-elle

— Oui et toi ?

— Moyen. Ma maman me manque.

— Tu as des frères et sœurs ? Des grands-parents ?

— Non et mes grands-parents sont morts.

— Qu’est-ce que tu aimes faire quand tu es avec tes parents ?

— J’adore jouer à la princesse. J’ai plein de belles robes.

— Tu sais que c’est compliqué d’être une princesse ? C’est un travail plutôt fatigant.

— Un travail ? Mais je croyais que des domestiques faisaient tout pour la princesse et l’Impératrice.

— C’est vrai que j’ai des domestiques qui s’occupe de mon repas, du château, mais personne ne peut créer des lois à ma place. Personne à part moi ne peut décider de construire une école, un hôpital ou un parc de jeu pour enfant. Dès qu’il y a un problème, c’est à moi qu’on s’adresse. Je suis censée tout savoir.

— Je ne jouerais plus à la princesse maintenant. Je ne veux pas faire ça.

— Tu as le droit de jouer à la princesse et de faire ce que tu veux. Tant que tu respectes ceux qui t’aident.

— C’est ce que tu fais toi ?

— Pourquoi aurais-je accepté d’aider tous ses pauvres gens si je ne les respectais pas ? Mon rôle est de les protéger, de te protéger et de faire en sorte que tous soient heureux.

— C’est pour ça que tu n’es pas en train de chercher la gentille dame ?

— Oui, mais ne t’inquiète pas, les soldats l’ont retrouvé et les médecins s’occupe d’elle.

— Quand l’accident a commencé et que les masques à oxygène sont tombés, le mien est resté coincé alors elle m’a donné le sien. Est-ce qu’elle va survivre ?

— Tu n’as pas à te préoccuper de ça. Mais j’espère qu’elle va survivre. J’ai une famille à construire avec elle.

En avouant ça, ma main se posa instinctivement sur mon ventre. Estelle le remarqua et comprit.

— Y a un bébé ?

— Oui, même deux. Une fille et un garçon.

— Ce serait bien d’avoir une maman comme toi. Même si j’aime ma maman.

— C’est gentil de me dire ça. Le principal c’est que tu aimes ta maman. Je n’ai pas eu cette chance.

— Pourquoi ?

— Oh non, je ne vais pas m’engager sur ce terrain-là. Tu es trop petite pour savoir. Tu devrais essayer de te rendormir. Lui dis-je alors qu’elle bâillait.

— Bon d’accord.


Elle s’installa dans mes bras et posa sa petite tête contre ma poitrine, et prenant son pouce dans sa bouche. Je déposai un baisé sur son front tandis qu’elle s’endormait. Quelques minutes plus tard, Emma vint me voir avec un panier de fruits.


— Tu veux manger quelque chose ? Me demanda-t-elle

— Non, merci. Je n’ai pas vraiment faim.

— Je t’ai quand même préparé une tasse de thé. Les bébés, tu penses que ça va ?

— Merci. Je n’en ai aucune idée. À partir de quand on les sent bouger ?

— À partir de 10 semaines en général. Je suis sûr que ça devrait bientôt arriver. Comme tu ne les avais pas acceptées… ne t’inquiète pas pour ça d’accord ?

— Si tu le dis.

— Au fait, la mère de la petite est arrivée durant la nuit. Elle est assise près de la porte. Elle a demandé à toutes les domestiques où était Estelle.

— Que lui as-tu dit ?

— Je lui est dit qu’elle était en sécurité avec toi, mais que vous dormiez toutes les deux.

— Merci Emma. Terminais-je en lui rendant la tasse de thé. Tu peux lui dire de venir. Je ne me sens pas assez bien pour me lever pour le moment.

— Je lui dis.


Je suivis Emma du regard jusqu’à remarquer une femme d’environ trente ans, les cheveux blond comme la petite, mais noirci par la poussière de l’accident. Du sang avait coulé de sa tempe. Quand Emma lui expliqua que je l’attendais, elle se leva aussitôt et me rejoignit.


— Bonjour, Votre Majesté, commence-t-elle timidement.

— Bonjour Madame, asseyez-vous, je vous pris.

— Vous avez le teins pâle, ça ne va pas ? me questionna-t-elle après avoir remarqué sa fille endormie dans mes bras.

— C’est un peu compliqué oui. Ma grossesse ne m’aide pas. Mais assez parlée de moi, votre petite Estelle est adorable.

— Quand votre gouvernante m’a dit qu’elle était avec vous, je ne l’ai pas cru.

— Et je vous comprends. Je suis restée avec elle depuis que je l’ai trouvée. Vous voulez la prendre ?

— Non, gardez là. Je ne voudrais pas la réveiller.

— Avez-vous retrouvé votre mari ?

— Elle vous a parlé de nous ? Elle ne parle à personne en général.

— Oui. Elle m’a dit que vous étiez tous les deux professeurs.

— C’est exact. Malheureusement il n’a pas survécu.

— J’en suis navrée. Ma petite amie se trouvait aussi dans l’avion. Des médecins s’occupent d’elle. Il se peut que sans elle, votre fille n’ait pas survécu.

— Océane ? Elles ont discuté pendant tout le trajet. Et comme je vous les dis, en général elle ne parle à personne d’autre.

— Si elle s’est adressée à moi c’est parce qu’elle ma reconnu. Océane lui avait dit qu’elle était dans l’avion pour moi. Elle a dû penser qu’elle pouvait me faire confiance après avoir parlé avec Océane.

Je continuais de discuter avec la mère d’Estelle pendant une heure. Jusqu’à ce que la petite se réveille.

— Tu as retrouvé mes parents ?

— Regarde qui est à côté de moi.

— Maman ! S’écria-t-elle en se dégageant de mes bras pour sauter dans les siens.

— Je suis là ma chérie. C’est fini. Merci de vous être occupée d’elle, Majesté.

— Tout le plaisir est pour moi.

— Maman ? C’est quoi le prénom de l’Impératrice ? la questionna Estelle en chuchota, ce qui me fit rire.

— C’est Elena, ma puce.

— Dit, se tourna-t-elle ensuite vers moi, je peux t’appeler Elena ?

— Bien sûr.

— Merci d’avoir retrouvé ma maman, Elena. Ajouta-t-elle en déposant un bisou sur ma joue ?

— Je n’ai fait que mon travail, comme je te l’ai dit tout à l’heure.

— Je vais croiser les doigts pour que la gentille dame guérisse vite.


Pour faire plaisir à Estelle qui voulait à la fois être à côté de sa maman et de moi, j’invitais la famille à s’installer à côté de moi. David a compris rapidement mes attentions et les aida à s’installer.


— Votre Majesté, Océane vient d’arriver, elle vous cherche.

— Aide-moi à me lever, David, tu veux bien ?

— Bien sûr.


Il m’aida à me relever doucement pour éviter des vertiges et j’aperçus Océane debout devant la porte avec seulement un bras en écharpe. Je ne pus m’empêcher de pleurer et de la serrer dans mes bras avant de l’embrasser.


— Tu m’as fait tellement peur ! Comment tu vas ?

— J’ai juste l’épaule déboîtée, rien de grave. J’ai reçu un coup à la tête qui m’a assommé c’est pour ça qu’on m’a retrouvée inconsciente. J’ai eu un léger manque d’oxygène, mais tout va bien maintenant.

— Ça me rassure.

— C’est incroyable comment tu as su gérer la situation. Prendre ainsi en charge les passagers était une bonne idée.

— En parlant des passagers, il y a une petite fille qui s’inquiète pour toi.

— Estelle ? Tu l’as rencontrée ?

— Oui, c’est moi qui l’ai sorti de sous les débris et je l’ai gardé auprès de moi jusqu’à ce qu’on retrouve sa mère.

— J’irais la voir. Et toi comment ça va ?

— Je suis un peu fatiguée. Pas mal de nausées et de vertiges, mais je fais avec.

— Tu as vu un médecin ?

— Non, ils sont tous occupés, mais j’essaie de me ménager.

— Ça va alors.


Ses yeux glissèrent sur mon ventre et un sourire coquin apparut sur son visage.


— Mais c’est que ton ventre a grossi.

— Ah bon tu crois ? Je n’ai rien remarqué.

— Tu les as enfin acceptées ?

— J’ai beaucoup réfléchi pendant ton absence et oui. Ils n’ont pas à payer pour Marc.

— On les élèvera ensemble, c’est promis.


Océane m’embrassa avant d’aller retrouver Estelle et sa mère. En essayant d’en faire le moins possible pour ne pas trop me fatiguer, je vérifiais, durant toute l’après-midi, avec les domestiques qu’ils avaient tout ce dont ils avaient besoin.


Quand la deuxième nuit commença à tomber, le Dr Langstone, qui était rentré au château, m’informa qu’il n’y avait plus aucun passager sur le lieu de l’accident. Vingt personnes étaient décédées et deux était encore en état critique dont aucun enfant. Alors que je discutais avec des familles, je commençais à perdre l’équilibre et dus me tenir au plus proche et ma vision se troubla. J’avais de nouveau des vertiges. Je dus m’asseoir rapidement sur un matelas et Océane arriva à ce moment-là.


— Elena ?

— Ça recommence.

— Tu exagères, tu devrais plutôt te reposer.

— Ça va passer.

— Ce n’est pas ce que je vois. Tu as failli t’évanouir, cette fois-ci. Elle fit signe au Dr Langstone de nous rejoindre.

— Mlle Luisard ? Que se passe-t-il ?

— Elena s’est encore fatigué pour rien. Elle ne va pas bien.

— Juste quelques vertiges, comme d’habitude, rien d’important. Enchaînais-je

— Quelques vertiges ? Je t’ai vu t’écrouler Elena ! ajouta-t-elle en haussant le ton.


Je vis la mine inquiète de toutes les personnes présentes, tout le monde ici savait que j’étais enceinte, mais aussi ce qu’il s’était passé avec Marc, dans les grandes lignes.


— Avez-vous mangé aujourd’hui, Majesté ? demanda le Dr Langstone en prenant ma tension.

— Un peu oui. Je ne pouvais rien avaler de plus.

— Vous êtes-vous au moins reposé un minimum ?

— Oui. J’ai fait attention depuis le début.

— Votre tension est un peu élevée. Vous devez vous reposer et faire un peu plus attention à vous, Majesté. Vous êtes plus fragile que d’autres.

— C’est ce que je fais déjà, Docteur.

— Il a raison, Elena. Tu devrais faire attention à toi. Tu ne devrais pas rester debout toute la journée ! enchaîna Océane.

— Je suis enceinte, Océane, pas malade ! m’écriais-je. Je ne pouvais pas rester là à ne rien faire tandis qu’ils avaient besoin de moi ! Je ne pouvais pas te laisser mourir ! J’ai fait mon maximum pour me reposer, mais c’est mon rôle d’Impératrice d’être présente pour mon peuple quand il en a besoin.

— Elena…


Je quittai la salle avant qu’elle ne pût ajouter quoi que ce soit. Je ne voulais pas me disputer avec Océane, encore moins devant tout ce monde. Au moment où je passai la porte, je sentis une petite main se placer dans la mienne et vit que c’était Estelle. Je m’asseyais les marches menant à la cour et elle fi de même sur mes genoux et sécha mes larmes avec ses petites mains.


— Tu sais, ma maman elle réagit de la même façon que la gentille dame quand elle s’inquiète.

— Mais moi aussi je me suis inquiété pour elle.

— Estelle ? Tu veux bien retourner dans la grande salle ? Nous interrompîmes sa mère.

— Oui maman. Obéit-elle en baissant la tête ?

— Alors vous êtes enceinte ?

— Vous ne saviez pas ? Mon ex-mari a pourtant fait une déclaration publique.

— Je n’ai pas la télévision et n’étais pas là le jour de l’annonce. Votre amie ne fait que s’inquiéter pour vous et elle a raison. La première grossesse est souvent là plus compliquer.

— Vraiment ? Je peux comprendre, mais j’ai eu tellement peur pour elle.

— Vous l’aimez ?

— Plus que tout. J’ai déjà failli la perdre plus d’une fois et je n’avais pas envie que ça recommence.

— Vous vous protégez toutes les deux mutuellement sans penser à ce que l’autre fait pour vous. Vous n’auriez pas dû réagir de cette façon.

— Vous avez raison.

— Aujourd’hui vous avez fait plus que n’importe quel souverain depuis la naissance du royaume. Je suis prof d’histoire et jamais je n’ai dû enseigner à mes élèves qu’une Impératrice avait accepté d’accueillir une centaine de passagers victimes d’un accident. Une femme enceinte et censée se reposer et non faire ce que vous avez fait toute cette journée.

— J’ai essayé de me reposer.

— Pas assez visiblement.

— Mais merci. Vos conseils sont précieux. Vous vous êtes mère, vous savez quoi faire alors que je n’en ai aucune idée.

— Au contraire, vous savez exactement quoi faire. La preuve avec Estelle. La preuve avec tous ses enfants que vous n’avez pas arrêté de couver depuis le début de la journée. Vous avez un don pour ça, Majesté.

— Comment ? Après tout ma mère est le seul modèle que j’ai eu.

— Et c’est justement parce que vous n’avez pas envie de faire comme elle que vous réussissez très bien avec ma fille. Votre mère vous ignorait alors que vous, vous veillez sur ses enfants.

— Si vous le dites.

— Croyez-en mon expérience, Majesté. Vous devriez aller parler avec votre compagne avant qu’il ne soit trop tard.

— Vous avez raison. Merci.


Je restais une minute dehors après son départ à réfléchir à ce qu’elle venait de me dire. Finalement, je retournais dans la grande salle et vis Océane allongée sur un lit de fortune, dos à moi. La salle était toujours silencieuse, ils ne parlaient qu’en chuchotant et tous les regards étaient braqués sur moi. Ils voulaient sans doute savoir la suite. Quand j’entrais, le silence total se fit dans la pièce, mais Océane ne bougea pas. Lentement, je me rendis jusqu’à elle et m’assis à ses côtés, dans son dos.


— Est-ce qu’on peut parler ? lui demandais-je gentiment en sachant que j’allais ensuite devoir faire face à une tempête de colère.

— Là pour parler on va parler ! dit-elle en se redressant vivement.


Je la laissais s’énerver contre moi malgré tous ceux qui nous regardaient. J’avais eu tort, et je devais aussi montrer à mon peuple que je savais reconnaître mes torts.


— Je ne fais que m’inquiéter pour toi Elena. Tu ne sais pas le nombre de femme que j’ai vue mourir pendant leur grossesse ou à l’accouchement ! Tu es plus fragile que la plupart des femmes enceintes et je ne veux pas que cela t’arrive. Je ne supportais pas de te voir mourir et de devoir élever seule ces enfants. Pas après tout ce qu’on a dû surmonter pour pouvoir être ensemble. Je ne supporterais pas de te perdre et tu as été injuste avec moi !

— Tu as raison j’ai été injuste.

— Tu… vraiment ? Ajouta-t-elle en reprenant son calme ?

— Oui, je n’ai pensé qu’à moi et à la peur de te perdre dans cet accident. Jamais je ne me suis posé la question de ce que toi tu pouvais ressentir face à ces enfants que je t’imposais. Je n’ai pas envisagé que tu pouvais t’inquiéter à ce point pour moi. Tu es la première à le faire et je ne veux pas te perdre ni te forcer à élever des enfants qui ne sont pas le tien. Avouais-je en baissant la tête.

— Elena… je te l’ai déjà dit. On formera cette famille ensemble et c’est tout ce qui compte. Et laisse-moi m’inquiéter un peu pour toi. S’il te plaît. Ajouta-t-elle avec un moût qui me fit craquer et sourire.

— Si tu veux.


Terminais-je en l’embrassant, heureuse d’avoir réussi à désamorcer la bombe. Océane informa le Dr Langstone qu’elle s’assurerait personnellement que je dormirais suffisamment longtemps. Une dizaine de minutes plus tard, Emma arriva avec une tasse de thé. Océane s’allongea dans mon dos en passant un bras autour de ma taille et resta éveillée jusqu’à ce que je m’endorme.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0