Chapitre 28 : Le courant des aiguilles

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Oscar et Mircea furent réveillés par le son strident du sifflet de Skytte, qui sonnait l’alarme sur le pont. La cale était plongée dans la pénombre, illuminée de temps à autre par les lueurs des éclairs. Le Renard tanguait dangereusement, et les barils ayant beau avoir été arrimés avec soin, certains s’étaient détachés et roulaient de bâbord à tribord au rythme du tangage du cotre. Les deux garçons sautèrent de leurs hamacs et grimpèrent sur le pont aider les autres membres d’équipage. Ils furent témoins d’une scène chaotique. Un éclair avait fait sauter les réparations de fortune apportées par les jumeaux au mât du Renard, et ce dernier s’était couché sur le côté, sa grand-voile et son hunier complètement immergés menaçant de faire couler le navire. Le courant des aiguilles, connu pour ses déchaînements de violence, avait pris pour cible le cotre corsaire, et était proche d’en venir à bout.

— Il faut stabiliser le navire ! Hurlèrent Tag et Heuer au milieu de la cohue. Alizée, va avec tes hommes sur le mat et coupez les cordages de la grand-voile, ou son poids risque de nous envoyer par le fond. Andy, prends l’Argonaute avec Törmund et Amund, et ramez jusqu’à l’extrémité du mât, afin de la sortir de l’eau et de l’arrimer sur le mât du misainier.

La barque d’Azimut fut mise à l’eau et sa proue amarrée à un affût de canon de poupe du Renard, afin que les forts courants ne l’éloignent trop du cotre et que ses occupants ne soient condamnés à dériver pour l’éternité sur l’Océan Indien. Les trois colosses se mirent à souquer ferme, ramant de toutes leurs forces pour braver les éléments et rejoindre la pointe immergée du mât. Cette dernière s’enfonçait toujours un peu plus dans les eaux sombres et tumultueuses situées à la pointe Sud de l’île de Madagascar.

En équilibre sur le mât couché à l’horizontale, Alizée, Juan, Esme Hippolyte et Mériadec tentaient de sortir la grand-voile de l’eau, afin d’alléger le poids du mât qui s’enfonçait davantage à mesure que celle-ci se gorgeait d’eau.

— Il faut couper les cordages, hurla Mériadec.

— Hors de question, répondit Alizée, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre plus grande voile, ou nous ne pourrons jamais nous en tirer vivant !

La Voleuse des Voiles sectionna l’une des branches de bouline de la voile et courut sur le pont pour en faire un tour au cabestan. Rasteau, Phaïstos et Wardin se mirent autour de la roue du cabestan qu’ils commencèrent à faire tourner afin de hisser la lourde voile sur le pont. Après avoir sectionné tous les cordages de la voile, les gabiers du Renard attachèrent l’autre branche de bouline au cabestan de poupe, puis Oscar et Mircea vinrent aider Mériadec et Hippolyte à faire tourner le cabestan. Pouce par pouce, un raban après l’autre, ils hissèrent sur le pont l’immense voile d’une surface de plus de trente-deux toises.

Pendant ce temps-là, Andy, Törmund et Amund avaient rejoint la pointe du mât. Attaché par un bout au mât du petit misainier, le rameur s’immergea dans les eaux tièdes de l’Indien déchaîné, et sectionna les suspentes des vergues du hunier. La petite voile se détacha du mât et dériva lentement derrière le Renard, emportée par les flots tumultueux. Andy remonta dans la barque et les trois hommes hissèrent la pointe du mât du cotre qu’ils arrimèrent solidement à la base du mât de l’Argonaute, avant de faire signe aux Jumeaux, situés sur le pont du cotre.

— Parfait, Hurla Tag. Maintenant, Rasteau et Phaïstos, rejoignez-les à bord du misainier. Il faut que vous fassiez contrepoids.

En effet, privé de voiles, le Renard était beaucoup moins manœuvrable et plus instable face aux déchaînements de l’Océan. Les cinq colosses à bord de l’Argonaute étaient bien à l’étroit, et leur contrepoids insignifiant comparé à la masse du cotre, mais ce catamaran de fortune permit tout de même à l’équipage de voir passer l’orage plus sereinement.

L’aube se leva sur une mer calme, plate, sans un souffle de vent à l’horizon. A bord de l’Argonaute, Les cinq colosses s’étaient endormis, trempés et transis de froid, encordés les uns aux les autres pour éviter d’être jetés par-dessus bord et perdus dans la tempête. Cet étrange catamaran démâté dérivait silencieusement sur une eau claire et lisse avec le ciel pour horizon, à perte de vue.

Azimut avait beau savoir manipuler cartes et sextant, elle était incapable de savoir situer précisément le Renard. Après avoir fait le point sur les dégâts avec Tag, Heuer et Alizée, Surcouf décida qu’il était impératif pour eux de trouver une plage sur laquelle échouer le cotre afin de réaliser les réparations qui s’avéraient nécessaires. Cependant, il leur était impossible de manœuvrer le navire sans voiles, et il leur fallut trouver une solution. Wardin, le premier, arriva avec une idée audacieuse. Puisqu’il n’y avait plus de mât pour tenir les voiles, il proposa d’attacher ses oies et ses rapaces à la grand-voile qui, en s’envolant, lui permettraient de se gonfler et de pousser le navire. Nombre des pirates étaient sceptique, mais, n’ayant pas d’autre choix, ils firent sécher la grand-voile sur le pont et le Danois attacha les rabans d’envergure aux pattes de ses oiseaux. Les animaux s’envolèrent de concert, emportant avec eux l’immense toile de lin dans un bruissement d’aile frénétique. Mais la voile était bien trop lourde pour les pauvres oiseaux qui ne parvinrent pas à la hisser plus haut que quelques pieds. Ils retombèrent sur le pont, exténués par leurs efforts et Wardin les libéra, déçu. Heuer s’avança à son tour et proposa une autre solution.

— Capitaine, je propose que les hommes se relaient à bord de l’Argonaute et rament afin de tracter le Renard. Nous n’avons plus besoin de l’utiliser comme catamaran, étant donné que la tempête est passée.

— Pendant ce temps, nous scierons les restes de notre mât et l’installerons à la poupe, pour en faire un mât d’artimon sur lequel nous placerons une brigantine, renchérit Tag. Nous pourrons utiliser les vergues de la grand-voile et les place sur les bastingages bâbord et tribord pour en faire des bonnettes de fortune. Alizée, avons-nous assez de voiles en réserve ?

— Oui, et nous pourrons également placer une voile deux civadières sur le beaupré ajouta la pirate et maître voilier du Renard.

A son tour, Tuba s’avança, sortant des rangs des pirates pour proposer son aide.

— Nous pourrions utiliser le Nautilus, dit-il. Avec les améliorations que nous lui avons apportées, nous ne craignons plus la noyade, et, de toute manière, il ne sera pas nécessaire de l’immerger complètement.

Cette proposition ne fut pas du goût de tout l’équipage, la plupart d’entre eux, prenaient Tuba pour un fou et étaient peu enclins à faire confiance aux expériences de cet excentrique. Il est vrai que le sous-marinier ne devait la vie qu’au sauvetage de Surcouf, alors qu’il était enfermé dans son cercueil de bois au large de Saint-Domingue. Il fut donc décidé que seuls les volontaires iraient à bord du Nautilus, tandis que les autres se relayeraient à ramer sur l’Argonaute.

Il fallut près de deux jours à l’équipage pour mettre en place les solutions ingénieuses trouvées pour pallier au démâtage du cotre, deux jours pendant lesquels ce dernier dérivait toujours au gré du puissant courant des aiguilles. Natu accompagna Tuba dans son submersible, tandis que Mircea et Törmund montèrent les premiers avec Andy pour ramer à bord de l’Argonaute. Il avait été décidé que les rameurs se relaieraient en fonction des quarts, à raison de trois rameurs à la fois dans la barque. Les séances ne devaient pas excéder plus de quatre heures, afin de limiter la déshydratation des hommes dans ces conditions de chaleur extrême. Malgré leurs efforts les rameurs et les occupants du Nautilus ne parvinrent pas à faire avancer le Renard plus que cela, et se contentaient de le maintenir sur le même parallèle, luttant simplement contre la force du courant qui les entraînait vers le Sud-Ouest. Finalement, après deux jours de rame, le vent se leva de nouveau, et Alizée pu mettre à profit la maigre voilure installée à l’avant, à l’arrière, et sur les côtés du cotre, le rendant ainsi plus mobile et manœuvrable. La misaine fut montée à bord de l’Argonaute, et le sous-marin déplia lui aussi sa voile rétractable, soulageant quelque peu les Hommes dont les bras étaient courbaturés. Cette étrange procession put finalement commencer à remonter vers le Nord, Azimut ne sachant toujours pas s’ils se trouvaient encore sous la pointe Sud de Madagascar, ou s’ils étaient bien plus à l’Ouest, dans le canal du Mozambique.

Oscar et Mircea adoraient se retrouver dans le sous-marin de Tuba. Bien que Surcouf le leur interdise, ils s’immergeaient à quelques pieds sous la surface de l’eau et se retrouvaient ainsi isolés du monde. A la force des bras, ils actionnaient le pédalier qui faisait tourner l’hélice située à l’arrière de l’appareil et tractaient le Renard de toutes leurs forces. L’eau était claire et translucide, aussi voyaient-ils méduses, tortues, et poissons de toutes tailles et de toutes les couleurs défiler devant eux. Déviant de leur trajectoire, ils allaient parfois naviguer autour du cotre, inspectant sa coque pour prévenir Tag et Heuer d’une brèche, d’une fissure, ou de l’accumulation des coquillages. Mais de ce côté-ci, ils étaient impressionnés. La peinture à l’arsenic faisait son effet, et, en dehors de quelques rares mousses et d’une poignée de berniques aux pouvoirs extraordinaires, l’étrave du Renard était propre et vierge de toute aspérité. Lorsqu’il était épuisé, Oscar s’asseyait dos au hublot, face à Mircea, et regardait son ami pédaler à tour de bras. Le jeune adolescent avait forci durant ces derniers mois de mer, et, si sa silhouette était toujours aussi élancée et délicate, ses épaules et ses bras s’étaient épaissis au rythme des tractions des cordages, et des montées dans les voiles. Oscar, lui, restait frêle et fragile, et son corps d’adolescent n’était pas encore devenu le corps de jeune homme de Mircea. Le blondinet restait de longues minutes hypnotisé par le roulement des biceps de son ami, et la danse de ses bras autour du pédalier.

Quelques dizaines heures après le départ du Surprise, lorsque les hauts sommets de l’île de la Réunion se dessinèrent devant lui, Calloway se rendit compte que la localisation du monastère, situé « quelque part dans les montagnes de l’île » ne lui serait pas d’une grande utilité, et il s’en voulut de ne pas avoir demandé plus de précision aux sœurs. Suivant les conseils de Duncan, son maître pilote, il fit voile vers Saint-Denis, au nord de l’île, et capitale de la jeune colonie sucrière française. Dans le port de l’île, il vit la carcasse endommagée du Trincomalee, ainsi que trois frégates royales, dont la rapide Renommée. Il fut accueilli en grande pompe par le gouverneur de l’île, avertit de sa présence, qui était en compagnie de Vertongen et du méfiant De Moustier, capitaine de la Renommée.

— Amiral, quel plaisir de vous recevoir. Installez-vous, je vous prie. Désirez-vous boire quelque chose ? demanda le gouverneur d’un ton mielleux.

— Je n’ai pas de temps à perdre, gouverneur. Je suis ici à la recherche de Surcouf. L’avez-vous vu ? Il était sur l’île de France il y a encore deux jours et a fait voile dans votre direction. Vos navires l’ont-ils intercepté ?

— Hélas, non, répondit l’intéressé. Après l’arrivée du capitaine Vertongen et l’incompréhension qui a conduit à la fuite du corsaire, j’ai fait mander deux frégates qui ont fait le tour de l’île avec pour mission de retrouver le navire du corsaire. Malheureusement, ces dernières sont revenues il y a deux jours, sans avoir vu trace du Renard.

Ainsi, Surcouf serait allé directement à Flic-en-Flac, pensa Calloway, afin de déjouer la méfiance des français, et serait retournée sur l’île Bourbon une fois les recherches terminées. Cela est futé, oui, et digne des intrigues de ce maudit corsaire.

— Gouverneur. Je dois me rendre au monastère de Bois-Court, demanda l’Anglais. Pourriez-vous m’indiquer sa localisation ?

— Le monastère de Bois-Court, ce nom me dit quelque chose… réfléchit le gouverneur. Ah oui ! Le refuge des Bénédictines. C’est vrai ! Il se trouve au Sud de l’île, dans les montagnes dominant le bras de la Plaine. Il est situé à quelques lieues à peine du petit village pêcheur de Saint-Pierre.

Sans se plier aux protocoles d’usage, Calloway prit congé de ses hôtes, espérant toujours coincer le corsaire dans le port de Saint-Louis, avant qu’il ne s’évanouisse de nouveau pour on ne sait quelle mystérieuse destination.

Victarion naviguait à vue, à la lueur du croissant de lune et des étoiles qui illuminaient un ciel sans nuage. Avec la Voie Lactée pour azimut, il fendait lentement les eaux calmes du canal du Mozambique, visant la côte Ouest bras de mer pour effectuer les réparations nécessaires. L’Argonaute et le Nautilus avaient été remontés à bord pour la nuit, afin de laisser à l’équipage un peu de repos après une semaine d’une telle intensité physique. Esme, perchée sur le beaupré, guidait l’ancien pêcheur au son de sa douce voix. Alizée et Phaïstos, assis contre le bastingage bâbord, continuaient leurs cours de lecture et d’écriture, tandis qu’Amund inspectait avec Juan la cale à la recherche d’une fuite d’eau ou d’un début d’incendie. Aucun d’eux ne virent le danger invisible qui les guettait. Alors qu’Esme se penchait en avant pour voir d’un peu plus près ce qui lui semblait être le reflet de la Lune dans l’Océan, le Renard s’immobilisa soudainement avec un grand bruit, projetant la voltigeuse dans les eaux sombres du canal.

Les membres de l’équipage qui étaient de repos de quart se précipitèrent sur le pont, le sabre à la main.

— Que se passe-il ?

— On nous attaque ?

— Avons-nous heurté un récif ?

Victarion fut le premier à répondre.

— Oui, nous avons heurté quelque chose, mais nous ne savons pas quoi, et Esme est tombée par-dessus bord.

— Vite, à l’aide, un homme à la mer, hurla Skytte en se précipitant vers la proue, trois hommes sur ses talons.

Ils furent éberlués ! Là où ils s’attendaient à voir la jeune femme se débattre pour ne pas couler à-pic, ils trouvèrent Esme debout, marchant sur l’eau, et leur faisant face en souriant.

— Par quel tour de magie… commença Rasteau.

— Les amis, nous nous sommes échoués, répondit-elle, écartant les bras pour signifier qu’elle était saine et sauve.

— Échoués, c’est impossible, pesta Surcouf. D’après les cartes, il n’y a pas d’îles, dans cette région.

— Si capitaine, et je sais où nous sommes, répondit Azimut, qui sortait de la cale, en tenue de nuit, son bonnet fiché sur la tête et d’immense cernes sous les yeux. Elle tourna sur elle-même à trois cent soixante degrés, désignant tour à tour les îles qui les entouraient. Capitaine, voici l’archipel de Bazaruto ! Il est formé par les alluvions du fleuve Save, et connu pour ses bancs de sable changeants au gré du courant des Aiguilles.

— Ça alors, il nous faut nous désensabler, et vite, ordonna Surcouf.

— C’est inutile, capitaine dès demain, nous serons entourés de sable sur des dizaines de mètres. Nous n’avons d’autre choix que d’attendre que les courants nous libèrent.

— C’est impossible, qu’allons-nous faire, dans ce cas

— Nous pourrions réparer le mât, proposa Heuer.

— Oui, la région regorge de grands arbres, ajouta Tag. Nous verrons cela demain, capitaine.

Un après l’autre, les pirates allèrent se recoucher, n’ayant plus grand-chose à craidre quant à ce qui pourrait arriver à leur navire échoué.

Le lendemain matin, c’était un véritable îlot de sable fin qui s’était formé autour du Renard et qui entourait le navire sur une trentaine de pieds de diamètre. Une expédition fut menée sur l’une des îles avoisinantes à bord de l’Argonaute, qui fut beaucoup plus facile à charrier jusqu’à l’eau, avec pour but de trouver un arbre capable de faire office de mât. L’affut de canon qui servait de moyen de transport à Tag n’étant pas adapté au déplacement sur le sable, c’est donc son frère, Heuer, qui monta à bord de l’Argonaute, accompagné des deux Norvégiens et de leurs haches affûtées. L’île la plus proche se trouvait à moins d’une lieue, et foisonnait d’arbres en tous genres. L’architecte ingénieur choisi un magnifique carapa de plus de trente mètres de haut, droit comme un I. Endémiques de l’Afrique de l’Ouest, cet arbre était peu commun, de ce côté du continent noir, mais ses graines avaient dû être portées par les courants aériens jusqu’à ce qu’il s’implante, quasi miraculeusement sur cet îlot de verdure.

Il fallut une bonne partie de la matinée aux deux colosses nordiques pour venir à bout de cette force de la nature, et encore toute une après-midi afin d’élaguer le tronc des multiples branches qu’il avait à son sommet. Les trois hommes rentrèrent bredouille et revinrent le matin suivant avec du renfort afin de tracter l’énorme tronc jusqu’à la plage. Pendant ce temps, sur l’îlot temporaire, le reste de l’équipage installait le campement. L’ancien mât fut recoupé, taillé, et remisé dans la cale, afin de fournir du bois de rechange en cas de nécessité. Avec la perte du hunier et d’une partie du gréement dormant du grand mât, les cordages risquaient de manquer afin de monter le nouveau mât, et Tag demanda un inventaire de tous les cordages du bord, afin de les répartir selon les nécessités.

Après accord de Xao, ils décidèrent de se passer des cordages qui retenaient les canons en place et permettaient de les mobiliser dans leurs sabords, afin de les utiliser dans la voilure. Cela empêcherait les pirates de recharger leurs canons, étant donné qu’il leur serait impossible de remettre les pièces en batterie après avoir tiré. Alizée profita de ce moment de répit pour faire sécher et nettoyer du sel toute la voilure du Renard, qui fut étendu sur la petite plage de sable blanc. De son côté Phaïstos mit en marche son four afin de confectionner des boulets chaînés, sur les conseils de Tag et Xao. Cet ingénieux système constitué de deux boulets reliés par une chaîne et propulsés d’un seul coup, permettait de couper les manœuvres des vergues, déchirer la voilure et endommager les mâts des navires ennemis en cas de combat naval.

— Le Renard, dame-oui, nous l’avons vu. Il mouillait ici même, amarré à cet anneau, il y a près de deux semaines de cela, rapporta le pêcheur de Saint-Louis que Calloway interrogeait.

— Deux semaines, dites-vous ? Impossible, il n’a pas plus de trois, quatre jours d’avance sur moi, tout au plus. Il est parti de l’île de France il y a quelques jours à peine.

— De l’île de France, répondit le pêcheur. Et vers où allait-il ? certainement pas par ici, car c’est justement vers l’île de France que le Renard est parti, il y a de cela deux semaines, vous-dis-je !

— Comment le savez-vous ?

— Oh, il y a eu du grabuge, amiral, au moment où les pirates ont quitté Saint-Louis. Leur capitaine, je ne sais plus comment il s’appelle…

— Surcouf, le coupa Calloway.

— Oui, c’est cela. Eh bien, il avait disparu, et, il y aurait eu une mutinerie à bord. Finalement, c’est une femme qui a été élue, et elle avait pour projet de rejoindre ce… comment dites-vous ? Surcouf, sur l’île de France. C’est un gamin, un jeune adolescent, qui savait où se trouvait le capitaine.

— Oscar ! laissa échapper Calloway, plus pour lui que pour le pêcheur.

Ainsi donc, l’enfant est toujours avec lui. Tant mieux. Pour ce qui est du reste, je me demande ce que ce maudit corsaire peut bien venir chercher dans ces monastères isolés du reste du monde. Je veux en avoir le cœur net.

Après avoir fait débarquer ses hommes, c’est une troupe de près de cinquante soldats qui suivit Calloway sur le petit chemin de chèvre qu’avaient emprunté Surcouf, Oscar et Mircea quelques jours plus tôt, pour rejoindre le monastère de Bois-Court. Le serpentin rouge et blanc des Britanniques avança le long du Bras de la Plaine et grimpa sur le plateau où était installé le monastère. Il fut accueilli par l’abbesse qui le conduisit dans son office accompagné de deux gardes. Le reste des soldats durent rester en dehors de l’enceinte du monastère.

— Bonjour ma mère, commença l’Anglais. Je suis l’amiral Calloway, en mission au service de la France ! Je suis à la recherche du capitaine Surcouf. Mes informations concordent pour dire qu’il serait venu vous rendre visite il y a une quinzaine de jours de cela. Est-ce vrai ?

— Oui, en effet, le dénommé Surcouf nous a rendu visite à la période que vous dites. Pourquoi cela ?

— Pardonnez-moi de vous demander, ma mère, mais qu’est-ce qu’un corsaire français serait venu chercher dans un monastère si reculé ?

— A mon tour de vous poser une question, amiral Calloway. Comment un officier anglais, ainsi que toute une troupe de soldats Britannique, peuvent-ils être au service de la France, je vous le demande.

— Sachez, ma mère, que nos deux nations sont en paix depuis plus de quinze ans, et le traité d’Amiens, et je suis missionné par la reine Régente en personne.

— Elizabeth ? Cette catin au service du roi d’Angleterre, pesta l’abbesse en crachant aux pieds de Calloway. Elle n’aura jamais mon soutien, et vous non plus, amiral.

— C’est ce que l’on va voir, répondit l’Anglais, vert de rage. Gardes ! arrêtez-moi cette effrontée.

Ses soldats firent irruption dans le monastère et réunirent les sœurs dans la cour et les firent agenouiller. L’abbesse fut trainée au centre du cercle formé par les moniales, complètement dénudée puis fouettée devant le regard horrifié autres, mais ne dit mot. Sous les ordres de Calloway, ses soldats plongèrent sa tête dans le grand abreuvoir situé au centre de la cour, manquant de noyer la pauvre religieuse, mais rien n’y fit, elle refusa de prononcer la moindre parole.

— Tu ne veux pas parler, hein ! C’est ce que l’on va voir ! Tu as beau être insensible à la torture, mais peut-être que la souffrance des femmes dont tu as la responsabilité va te délier la langue. Gardes, prenez une de ces jeunes filles au hasard et donnez-moi un fouet. Je veux administrer moi-même ma sentence.

La jeune fille criait et hurlait sous les coups de fouet, tandis que le visage de Calloway se muait en un rictus carnassier, et que ses coups lacéraient le dos de la pauvre femme. Mais l’abbesse restait de marbre, n’offrant à l’amiral rien d’autre que son regard froid et méprisant, témoin de la haine qui bouillonnait en elle. Malgré les avertissements de ses hommes, Calloway n’arrêta pas ses coups, et continua de fouetter la jeune fille jusqu’à ce qu’elle s’écroule, inanimée, le dos en sang, couvert des marques de la fureur de l’Anglais.

— Ça suffit, ma mère, assez, dites-leur tout, supplia une des sœurs, que les soldats prenaient par les épaules et déshabillaient, l’installant à genoux devant le cadavre de sa sœur de foi.

— Non, répondit la voix froide et calme de l’abbesse.

Calloway leva son fouet, mais la jeune fille se libéra et s’agenouilla aux pieds de l’Anglais, baisant ses bottes et lui lançant un regard suppliant.

— Stop, arrêtez, s’il vous plait, je vous dirais tout, dit-elle.

— Parle, demanda l’Anglais.

— Noooon, cria l’abbesse en se débattant alors que les soldats l’emmenaient loin de cette scène.

— Parle, répéta-il en déposant son manteau sur les épaules nues de la sœur.

C’était une fille d’à peine dix-huit ans, aux longs cheveux roux et à la peau blanche comme le lait. Elle plongea ses yeux bleus dans ceux du Britannique en signe de reconnaissance, et commença son récit.

— Surcouf est à la recherche du Trésor des Bénédictines, commença-elle. Il a avec lui la carte qui montre l’emplacement des sept monastères abritant les pièces menant au trésor. Le corsaire est venu ici chercher le boîtier d’argent qui permet de recueillir les amulettes gardées sur l’île de France.

— Le trésor des Bénédictines ? répéta Calloway. Quelle quête étrange… et quel lien cela peut-il bien avoir avec Oscar ? Sais-tu où sont les autres monastères qui renferment ces pièces ? demanda l’Anglais.

— Non, je n’en sais rien, Amiral, répondit la sœur. Seul la carte permet de révéler l’emplacement des pièces. Je sais simplement que le monastère Bénédictin le plus proche d’ici est celui de Pondichéry, en Inde.

— Pondichéry, répéta l’Anglais. Encore un comptoir français… cette mission me semble de plus en plus étrange. Elle a raison, si Pondichéry renferme la prochaine pièce du trésor, c’est certain que Surcouf aura voulu s’y rendre, et, averti par le sénau marchand, ce forban aura préféré contourner Madagascar plutôt que de risque de m’affronter en pleine mer. Cela se tient. Mais avec ce détour, ce maudit français se retrouve à ma merci ! Je vais avertir Elizabeth de sa mission et attendre Surcouf près de Pondichéry…

— Amiral, que faisons-nous des sœurs ? demanda un soldat, tirant le Britannique de ses pensées.

— Elles sont à vous, faites-en ce que vous voulez, déclara Calloway. Après tout, cela fait longtemps que nous naviguons…

Il se détourna et laissa ses hommes aux regards lubriques, s’approcher des sœurs effarées, emmenant avec lui la jeune rousse qui portait toujours son manteau d’officier.

Le mât de carapa, une fois ramené sur l’îlot où était échoué le Renard, fut taillé, et coupé en deux, à une vingtaine de mètres de hauteur. La partie basse fut installée, gréée, puis on monta la plateforme de hune, avant de palanquer la seconde partie du mât, plus fine, et capable d’être hissée ou abaissée selon le vent et les besoins de l’équipage. Avec ce nouveau mât, de quinze pieds plus haut que le précédent, il était désormais possible d’installer un perroquet au-dessus du hunier, et gagner en voilure, dont en vitesse. Mais le Renard ne disposait pas encore dans ses cales d’une telle voile, ni d’un hunier de rechange, aussi ne gréèrent-ils que la grand-voile et les focs. Les boulets chaînés de Phaïstos étaient forgés, et remisés dans la cale à munitions. Sur la grève, la brigantine et le clinfoc séchaient au soleil, dernières voiles à avoir été nettoyées. La nuit tomba sur la petite île provisoire, et un effectif de quart réduit se mit en poste, inspectant le gréement fraichement renouvelé du cotre, et vérifiant que la cale, désormais à sec, n’avait pas subi de dommages. Au début de la nuit, le navire se mit à bouger, et à grincer, produisant des sons inquiétants.

— Que se passe-il ? demanda Skytte.

— Les voiles ! dit Alizée, regardez, elles dérivent !

En effet, la brigantine et le clinfoc, restées sur la grève, avaient été emportés par le courant alors que l’île était en train de disparaître aussi vite qu’elle était apparue. Bientôt, le Renard tout entier était remis à flot, et les pirates furent heureux de hisser les voiles de nouveau, ne déplorant la perte que de deux voiles d’une utilité mineure, et qu’ils auraient tôt fait de remplacer en arrivant à Djibouti.

Surcouf ordonna que l’on mette les canons en batterie, et les dix pièces d’artillerie furent chargées et installées dans leurs sabords, prêtes à faire feu. Les canons étaient devenus impossible à manœuvrer depuis que les cordages qui leur servaient avaient été utilisés pour remplacer ceux perdus dans la tempête. Surcouf savait que le sel et les embruns risquaient de mouiller la poudre et de rendre caduque l’emploi de ces canons, mais il préférait au moins se donner la chance de pouvoir tirer une bordée, plutôt que de se retrouver sans canons à sa disposition. L’opération mobilisa tout l’équipage une bonne partie de la nuit, et les pirates allèrent se coucher, fourbus, laissant au tiers tribord de Rasteau le soin de garder le cap. La nuit était noire comme l’encre et les étoiles masquées par un dense plafond nuageux, aussi naviguèrent-ils à l’aveugle, se fiant aux reliefs sombres de la côte du Mozambique, à l’Ouest du canal.

Quelques minutes avant le lever du soleil, la colombe se posa sur le pont du Renard. Zélia recueilli l’oiseau et le déposa dans sa cage, avec sa partenaire, détachant le message qu’il avait enroulé autour de la patte. Elle descendit dans la cabine de Surcouf, qu’elle trouva en pleine conversation avec Azimut. Elle lui tendit le message en disant :

— La colombe est revenue.

— Ah, merci, Zélia, répondit le corsaire dont le visage s’illumina.

— Quelle mauvaise rencontre allons-nous encore faire ? lança la navigatrice.

— Quoi ? qu’est-ce que tu dis, l’interrogea Surcouf.

— Rien, juste qu’à chaque fois que cet oiseau s’est posé sur le pont de ce navire, nous avons croisé la route d’un navire ennemi.

Elle s’éclipsa, laissant le capitaine et son second sur place, circonspects.

En effet, à l’aube un navire faisait face au Renard. Armé de sa longue-vue, Surcouf fut le premier à distinguer le pavillon Hollandais du Rattlesnake. Il ordonna à ses hommes de se tenir sur le pont, prêt à intervenir au moindre mouvement à bord de la corvette adverse. Depuis l’épisode avec le Trincomalee, il savait que les Hollandais étaient à sa poursuite, et ce navire rapide pouvait bien être celui qui aurait averti Calloway de sa ruse, convainquant l’Anglais de fondre sur L’île Bourbon.

Lorsque les Bataves identifièrent le cotre sans pavillon du Français, Surcouf put observer dans sa longue-vue qu’il se mettaient en ordre de bataille. Estimant les conditions d’un regard circulaire, le corsaire comprit rapidement que le combat était inévitable. Les hollandais bouchaient l’entrée du canal, et, le vent soufflant du Nord-Ouest, ces derniers avaient l’avantage du vent et du courant, aussi lui serait-il impossible de les prendre de vitesse. La mer était grosse et le Renard gitait sur le côté. Le bastingage bâbord du cotre ayant été arrosé toute la nuit d’embruns projetés par le vent, Surcouf savait qu’il lui faudrait attaquer son adversaire par tribord, s’il voulait se donner une chance que ses canons fassent feu. Aussi aboya-il ses ordres, et le cotre se rapprocha du vent, réduisant sa vitesse et par là même son gîte.

Surcouf convoqua Tuba et Natu, et ordonna au sous-marinier de mettre à l’eau son étrange embarcation. Les deux hommes s’installèrent aux commandes du Nautilus, et pédalèrent pour mettre en mouvement l’hélice à la poupe du submersible. Celui-ci dépassa rapidement le Renard, qui luttait, face au vent, et se dirigea tout droit vers sa cible. Pendant les réparations du mât, Tuba, Tag et Xao avaient décidé d’armer le Nautilus. A l’avant du submersible, ils avaient installé une perche de bois de vingt pieds de long au bout de laquelle était fixée une charge de poudre installée dans un boulet creux.

Avant de pouvoir être repéré par les vigies Bataves, Natu immergea le submersible à seize pieds de profondeur, suffisamment pour ne pas être repéré, d’autant plus dans une mer si agitée, mais pas trop profond, afin que les structures de bois de l’embarcation supportent la pression de l’eau. A intervalles réguliers, ils refaisaient surface, afin d’être sûrs d’avoir leur cible en ligne de mire. Ces brèves émersions ne risquaient pas de les faire repérer, ils risquaient tout au plus d’être pris pour un mammifère marin venu prendre son souffle avant une plongée. Ils arrivèrent donc sur le Rattlesnake à bonne allure, leur charge d’explosif les précédant de quelques mètres.

Le contact avec la coque de la corvette fut violent, et la bombe explosa, ouvrant une voie d’eau de près d’un mètre carré dans le flanc tribord du vaisseau hollandais, et amorçant un début d’incendie. Son forfait accompli, le Nautilus fit demi-tour, laissant les bataves en panique, alors que le Renard approchait de sa cible.

Lorsque le flanc du Rattlesnake fut à portée de canon, Xao ordonna la mise à feu et les boulets chaînés fusèrent en direction du navire hollandais. Les dégâts furent considérables. Coupant les manœuvres, déchirant les voiles, les boulets rendirent la corvette inutilisable, fauchant une vingtaine d’hommes au passage. Privé de gréement dormant, le mât de misaine s’effondra, brisant les vergues du Grand mât et s’écrasa sur le bastingage tribord, d’où les Hollandais s’apprêtaient à répliquer en tirant une bordée. La chance était décidément du côté de Surcouf, car une immense vague submergea le pont du Rattlesnake par tribord, mouillant les bouches des canons placés dans les sabords, et empêchant leur mise à feu. Dans la panique, l’incendie déclenché par l’assaut du Nautilus se répandit à bord, et les Hollandais se dispersèrent en tous sens pour tenter d’éteindre le feu. Profitant du chaos, les pirates abordèrent leur adversaire par la poupe, se protégeant des canons Bataves, et investirent le pont de la corvette. Oscar et Mircea, sabre au clair, sautèrent sur le gaillard d’arrière en hurlant « Qui qu’en grogne ! », le cri de guerre des marins corsaires.

La bataille fut rapide, et, bien que près de quatre fois inférieurs en nombre, les pirates eurent rapidement raison de l’équipage hollandais. Plus de la moitié des hommes étaient morts, et l’autre moitié blessé ou abasourdi par la vitesse et la violence de leur défaite. Certains avaient essayé de fuir à la nage, dans une tentative désespérée de rejoindre le rivage, sans succès. De son côté, l’équipage du Renard ne déplorait que trois blessés légers, dont Oscar, qui avait reçu un coup à l’épaule gauche et qui se tenait le bras, sanguinolent, et Alizée, dont l’état semblait plus sérieux. En effet, un sabre Batave avait transpercé son ventre au niveau du flanc droit. Aucun organe ne semblait avoir été touché mais elle saignait abondamment, et Phaïstos la serrait contre lui, tentant en vain de stopper l’hémorragie. Comble de malchance, c’était elle qui était devenue la chirurgienne de l’équipage.

Heureusement, le médecin de bord du Rattlesnake était un chirurgien expérimenté, et il s’occupa de panser les plaies de la jeune fille en urgence. Les prisonniers furent rassemblés dans un coin, et les quartiers du capitaine furent transformés en infirmerie de fortune. Skytte fit le compte du butin rapporté, qui n’était pas glorieux, et les pirates firent le plein d’eau et de nourriture, qui commençait à manquer, les journées de rame ayant assoiffé les hommes et leur îlot de sable n’ayant pas été d’un grand secours en termes de ravitaillement. Alizée réquisitionna les voiles qu’il lui manquait, et ils mirent la main sur les réserves des cordages, afin de pouvoir arrimer de nouveau les canons du Renard.

Le butin était trop faible pour pouvoir être partagé, et Surcouf décida de le réquisitionner pour satisfaire l’effort de guerre, ce qui ne fut pas de l’avis de tous, bien au contraire, et la grogne apaisée par les récentes victoires reprit de plus belle. Lorsqu’il refusa d’abattre les prisonniers, ce fut un nouveau tôlé, Rasteau lui rappelait le cuisant souvenir du Rio de la Plata, où la sollicitude du corsaire avait bien failli leur coûter la vie. Comme les cales hollandaises étaient pleines de vivres et de rhum, le corsaire dut se résoudre à laisser ses hommes ripailler et se saouler toute la nuit pour calmer leurs velléités rebelles.

La nuit était déjà bien avancée, lorsque Mircea, titubant légèrement, quitta la troupe des musiciens menée par Rasteau et Dents-Longues, et se rendit à bord du Rattlesnake pour rejoindre l’infirmerie. Sur le pont du Renard, les pirates, ivres, avaient entamé un chant à la gloire de leur capitaine, fêtant une nouvelle victoire éclatante.

D’un cotre pêcheur, il a fait un vaisseau

Chargé d’hommes sans peur, qui fendent les flots.

Tous pareils mais tous différents ce sont les pirates

Il y a des femmes des enfants et même un cul d’jatte !

Le Renard au firmament vole sur les mers

Ignorant tous les courants les vents et le Tonnerre !

Espagnols, Anglais, et même Hollandais,

Tous ceux qui s’y sont frottés se sont fait humiliés !

Au diable les rois, les royaumes, au diable Calloway,

Nous ne craignons qu’une chose, la colère d’Alizée.

Sonnez clairons, cloches et matines

Nous voguons vers le trésor…. Des Bénédictines !

D’un cotre pêcheur, il a fait un vaisseau

Chargé d’hommes sans peur, qui fendent les flots.

Tous pareils mais tous différents ce sont les pirates

Il y a des femmes des enfants et même un cul d’jatte !

Surcouf notre capitaine, était un corsaire

Mais il est désormais pirate et écume les mers

La boussole d’Azimut nous guide tout droit

Nous mène vers notre but et vers notre joie

De toutes les Caraïbes nous serons les rois

Lorsque nous aurons…. De l’or plein les bras !

D’un cotre pêcheur, il a fait un vaisseau

Chargé d’hommes sans peur, qui fendent les flots.

Tous pareils mais tous différents ce sont les pirates

Il y a des femmes des enfants et même un cul d’jatte !

D’un cotre pêcheur, il a fait un vaisseau

Chargé d’hommes sans peur, qui fendent les flots.

Tous pareils mais tous différents ce sont les pirates

Il y a des femmes des enfants et même un cul d’jatte !

Oscar était allongé dans la cabine du second, qui était décédé durant la bataille, occis par le szablya effilé de Wardin. Le blondinet avait un bandage tout autour de l’épaule et du bras gauche. Il dormait, mais, lorsque Mircea s’approcha, il se réveilla en sursaut et sortit son petit poignard au manche d’abeille qu’il gardait toujours sur lui.

— Ah, c’est toi, dit-il, reconnaissant son ami.

— Oui, n’ai crainte, répondit Mircea en s’approchant du lit.

Il s’assit à côté de son ami, caressa sa longue chevelure blonde, bouclée et soyeuse d’une main, et sa joue de l’autre. Il sembla se perdre pendant de longues minutes dans le regard bleu sombre d’Oscar avant de dire à demi-mot :

— J’ai eu très peur, Oscar, quand j’ai vu la lame de ce Hollandais te transpercer, et mon cœur s’est brisé en mille morceaux lorsque je t’ai vu t’écrouler.

— Je sais, répondit le jeune garçon. Et j’ai eu peur, en m’évanouissant, de ne plus jamais te revoir, Mircea.

Ils se regardèrent encore de longues minutes, puis Mircea se pencha en avant, doucement, tendrement, son cœur battant à tout rompre, et déposa un tendre baiser sur les lèvres d’Oscar. Celui-ci prit son amant dans ses bras et lui rendit son baiser avec autant de tendresse. Ils s’allongèrent côte à côte et s’endormirent, dans les bras l’un de l’autre, alors que les chants des pirates commençaient à se tarir, à quelques mètres au-dessus d’eux.

D’un cotre pêcheur, il a fait un vaisseau

Chargé d’hommes sans peur, qui fendent les flots.

Tous pareils mais tous différents ce sont les pirates

Il y a des femmes des enfants et même un cul d’jatte !

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