Chapitre 1

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Enfin. Toute leur vie était enfin déménagée dans cette nouvelle maison. Le temps avait semblé infini jusqu'à ce qu'ils posent le dernier carton dans le salon. Il fallait encore tout ranger, évidemment, mais cela pouvait attendre demain. Ils s'affalèrent sur le canapé avec des soupirements de fatigue. Thierry regarda Aimée avec un sourire tendre, qu'elle lui rendit. Aucun mot ne pouvait exprimer ce qu'ils avaient vécu pour pouvoir s'assoir là, sur ce canapé pourri, dans le salon de cette maison délabrée anciennement squattée par un groupe de junkies. Le soulagement, plus que le bonheur, se lisait dans leurs yeux. Mais le calme qui s'était installé pendant quelques secondes fut interrompu brusquement.

Deux enfants déboulèrent dans la pièce et foncèrent dans les bras d'Aimée en poussant des cris indistincts.

- Stop ! On arrête de crier, on se calme ! Qu'est-ce qu'il se passe ? Ambre, j'espère que tu n'as pas encore frappé ton frère ?

Ambre ouvrit la bouche mais fut prise de vitesse par un Jules en larmes :

- Ambre elle m'a tapé, elle voulait ma chambre, mais je lui ai dit non, et je lui ai dit que c'est Thierry qui avait dit que c'était ma chambre et que c'était pas à elle de décider alors elle m'a tapé !

- On a déjà décidé ce matin quelle chambre appartenait à qui, intervint Thierry. Ambre, tu as vraiment frappé Jules ?

- Mais pourquoi c'est lui qui devrait avoir la plus grande chambre ? C'est moi l'aînée ! C'est à moi de l'avoir ! Pourquoi c'est toujours Jules qui a les meilleures choses ?

Thierry prit Ambre par les épaules :

- Tu as peut-être une chambre plus petite, mais elle est plus belle et il y a moins de travaux à faire dedans. Si ta maman et moi avons décidé de te donner celle-ci, c'est pour que tu puisses la décorer comme tu le souhaites rapidement et te sentir chez toi.

- De plus, rajouta Aimée à voix basse, tu sais que ton frère fait encore pipi au lit et que sa chambre est plus proche de la nôtre. C'est plus pratique pour changer les draps en pleine nuit sans te réveiller. Tu as dit ce matin à Thierry que tu comprenais. Alors pourquoi avoir frappé ton frère ?

Ambre détourna les yeux et s'enferma dans un silence boudeur.

- Très bien, tu es punie. Après le repas, tu iras directement te coucher. Pas de télé, pas de jouet, pas de livre. Tu es consignée dans ta chambre jusqu'à demain matin, huit heures. De plus, c'est toi qui sera de corvée de vaisselle toute la journée de demain. Va dans ta chambre, nous t'appellerons quanc ce sera l'heure du dîner. C'est compris ?

La jeune fille ne répondit pas mais hocha la tête. Elle sortit de la pièce et Aimée l'entendit monter les escaliers menant aux chambres en martelant chaque marche, puis claquer une porte. Jules ne pleurait plus mais il restait collée contre elle. Thierry fixait la porte donnant sur l'escalier d'un air soucieux.

- Jules, et si tu allais ouvrir ce gros carton là-bas ? Il y a tes jouets dedans. Thierry et moi allons préparer le dîner, d'accord ?

Le petit garçon renifla une dernière fois puis se détacha des bras de sa mère. Les événements semblèrent oubliés et il poussa un cri de joie quand il sortit Barbie, Kent et leur décapotable en plastique du carton. Aimée et Thierry s'éclipsèrent dans la cuisine.

Le silence était pesant entre les deux adultes, et seul le bruit des casseroles et autres ustensiles de cuisine animait la pièce. Thierry jetait des regards insitants à son épouse, qui l'ignorait royalement. Jusqu'à ce qu'il craque :

- Tu sais ce que je vais dire. M'oblige pas à encore me disputer avec toi.

La jeune femme parut courrouçée mais baissa les yeux vers sa sauce tomate sans répondre. Thierry s'énerva pour de bon :

- Ce ne sont pas des petites bagarres de fratrie, ton fils a des bleus sur le corps, ça fait des mois que ça dure ! Je n'arrive pas à croire que tu laisses les choses se dégrader de cette manière. Après tout ce qu'on a vécu, comment peux-tu ne pas réagir ?

Elle tressaillit à ces mots :

- Justement, nous avons trop vécu, et Ambre aussi, dit-elle d'une voix sourde. C'est hors de question que je l'emmène chez un charlatan qui va briser le peu de l'enfance qui lui reste, qui va l'accuser, la replonger dans ses souvenirs... C'est non !

- Tu parles encore de toi ! Je sais que tu as morflé mais tu n'as juste pas eu de chance, tous les psys ne sont pas comme ça. Et surtout, elle en a besoin ! Je... C'est ta fille, ok ? C'est ta décision. Mais il faut qu'elle consulte. Si tu la laisses comme ça, elle va en souffrir toute sa vie.

Aimée ne répondit pas, toujours penchée sur sa sauce tomate, mais Thierry vit que ses mains tremblaient, et un rideau de cheveux l'empêchait de voir son visage. Il s'adouçit et abandonna la découpe de ses légumes pour la prendre dans ses bras. La jeune femme se laissa aller contre lui et ils restèrent ainsi jusqu'à ce que la sauce brûle dans la casserole.

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