Béni, m’entends-tu ? Béni, belle femme au regard maternel de son beau voile qu’est la forêt du l’Ituri, mes mots te parviennent-ils ? Toi qui démontres ta beauté par le Mont Ruwenzori et ta belle chevelure qu’est le Virunga. Ça y ait, ils sont là dans la nuit et ils t’ont réveillé de ton sommeil aussi brutalement qu’un enfant découvre le monde dans lequel nous vivons. Belle femme de Béni, tu as entendu les balles pleuvoir et les roquettes exploser nos maisons à cause des joyaux qui t’ornent et qui te fait briller de mille feux. S’ils sont là, c’est pour qu’à tour de rôle, ils viennent arracher bestialement tes bijoux en te laissant les marques de l’agressivité de l’humanité.

Mais qui sont-ils, Béni ? Vois-tu le visage des gens qui ont fusillés ton père et tes frères ? Vois-tu les gens qui ont mutilés des villages comme l’on mutilerait un agneau ?

Le monde ne le voit pas, certain ferment les yeux sur les plaies et le déshonneur qu’ont causés ces hommes. Ce sont les rebelles et les hommes de ta propre patrie sensés te protéger qui te meurtrissent en te rabaissant. Béni aux mains accueillantes, ils ont détruit c’est qu’est ta féminité. Femme, ils ont détruit tes principes, ils ont détruit ton identité, ton identité en tant que femme. Béni, femme du Congo, en violant ce qui t’appartient, ils ont atteint la dignité de nos mères, de nos sœurs et de nos femmes.

Qui pourra réparer le mal que tu subis ? L’humiliation perpétuelle qui fait couler sur tes joues des larmes de tristesse ? Qui pourra réparer le mal fait par l’Homme cruel ? Ils ont fermé les yeux, te voilà abandonné à ton malheureux sort. Tu n’as plus de toit, tu te vides de ton sang…

Béni, qui pourra sécher tes larmes ? Une personne a su voir ta détresse aux dépens de sa propre vie. Un seul homme sur les milliards de personnes ici sur terre qui ne te connaissent pas et ne veulent pas connaitre ta valeur. Belle femme de Béni, belle femme congolaise, tu connais son nom, tu connais le nom de l’homme aimant et chaleureux qui plaide ta cause. Docteur de l’âme et de ton corps, père de famille et ton ami, Denis Mukwege.

Je salut les martyrs qui ont aidé à te réparer dont seules les victimes connaissent le nom. Je salut ces gens qui font preuve de sacrifice pour défendre ce que tu es. Je salut ces courageux qui pointe du doigt les véritables bourreaux de ton mal-être.

Malgré les efforts de ces bienfaiteurs, tu souffres encore, toi qui es si belle. On demande de toi d’être forte mais combien de temps sauras-tu supporter la douleur, le dédain, le mépris et l’irrespect de ce que tu es ?

Tu as vu le sang, tes enfants sont mouillés de tes pleures comme la pluie qui arrose un cimetière. J’en ai vue qui n’ont pas survécu à cette abomination. Elles sont là sous terre et personne n’est là pour les pleurer.

Femme enchainée, je veux te libérer. Tu es belle, tu es forte et tu cherches la lumière de la liberté. Te voilà comme la lionne qui gémit et réclame justice de son petit. J’entends vos chants mais les entends-t-ils eux ? Tristesse et agonie sonnent comme l’amertume dans ta bouche et les hommes et les femmes marchent dans les rues dans la violente colère qu’est de perdre une partie de soi.

Que c’est horrible de devoir voir le corps inanimé de son enfant qu’on a porté neuf mois dans son ventre baigné dans une marée de sang. Que c’est cruel de devoir voir un père levé la tête de son fils qu’il n’aura plus la chance d’embrasser le soir avant qu’il n’aille dans ses beaux rêves insouciants. Que c’est amer d’observer ce qui fait de toi une femme déchiquetée par le viol, arme redoutable, arme de guerre pour affliger la patrie.

Belle femme du Kivu, je ne saurais laver tout le sang qui souille ton magnifique voile et ta belle chevelure. Nous ne pouvons effacer l’atrocité qui me peine et qui te désole. Je chante avec toi aujourd’hui et par ses lignes, je joins à une voix unanime, le chant déchirant de ta détresse.