Chapitre 1

8 minutes de lecture

Un an. Un an que le Vatican avait révélé que nous n’étions pas seuls dans l’univers. Un an que cette vérité cosmique avait bouleversé une société sur le point de s’effondrer. En observant tous ces influencés s'implantant une puce miraculeuse, je restais perplexe devant ma télévision. Ces stellaires étaient-ils vraiment apparus pour sauver l’humanité ?

  • Personne ne viendra vous sauver. L’Humain doit retrouver sa souveraineté par lui-même.

Je sursautais.

Encore mon cerveau ? Voilà plusieurs jours que ma tête arpentait une jugeote qui n'était pas mienne. Par quelques petites claques, j'accusais mon esprit de partir, encore une fois, à la dérive. Les genoux repliés devant le journal télévisé, j'enfonçais le dos dans mon canapé de fortune. L'intensité de mon soupir masqua le plaidoyer manipulé de Michel, heureux de guérir enfin grâce à cette nouvelle technologie. Ces extraterrestres à la jeunesse parfaite avaient à peine attendu trois mois avant de nous livrer leur Savoir avancé. Trop tôt selon mon flair. Comme si tout avait été prévu d''avance…

  • Tu fais bien de douter. Continue d’écouter ton instinct, c’est lui qui te permettra de filtrer ce qui est juste pour toi.

Bordel. Déraillais-je encore ? Je mutais ma télévision, attendant une bonne minute dans le silence. En vain. Je ris enfin.

  • Hé ! T’es pas bien Lisa ! C’est tous ces changements, ça y est tu perds complètement pied.

Parler à voix haute me rassura. Il fallait dire que nous avions vécu des choses pas très jolies ces dernières années. Le nombre de proches qui partirent du jour au lendemain… Maudit vaccin…

  • Penses-tu que cette nouvelle puce sera différente ?
  • Mais ! Bon sang Lisa !

Je frappais un peu plus fort le haut de mon crâne. Une fois. Deux fois.

  • Tu délires totalement ma pauvre ! Voilà que tu te parles à toi-même.

Bosser. Je devais travailler. Seule l'occupation estompait ma shizophrénie. Je m’exécutais. Quelques pas séparaient ma kitchenette de mon salon. Je m’affalai sur la chaise de bureau, une nouvelle tasse de café en main. Les deux écrans allumés me faisant face, ravivèrent l’intensité des petites lumières murales qu’ornaient mon studio. Où en étais-je dans mon article ?

Ah oui… la fin de l’Effondrement.

Je bossais pour une start-up de la FrenchTech, secteur du développement de l’Intelligence Artificielle. Simple assistante digitale, la gestion des réseaux sociaux était mon dada.

Mais je détestais ça.

En attendant de sortir de ce bourbier de Divulgation Cosmique Planétaire, ce boulot me permettait de gagner assez de cryptos pour manger. Car l’argent physique n’était plus, l’argent sur nos comptes en banque non plus. C’était ça, l’Effondrement : sociétal, politique, économique. Et nos sauveurs galactiques débarquèrent, au prémisse d’une troisième guerre mondiale.

Ils décidèrent de transformer toutes les cryptos par leur monnaie virtuelle planétaire. Offrant à chacun un même montant pour recommencer à zéro. Nous sommes tous des êtres égaux, disaient-ils. Beaucoup le dépensèrent à mauvais escient les premières semaines. Et pour ceux dont le cœur était bien accroché et la tête encore sur les épaules, deux choix restaient : bosser pour eux ou crever. Chacun devait contribuer à la société pour qu’elle soit juste avec nous. Était-ce une façon détournée de forcer les gens à accepter d’être l'esclave de son propre esclavagisme ?

J'avais choisi de bosser pour eux. N'ayant plus vraiment le choix car J’avais dépensé leur cadeau monétaire de bienvenue pour mon frère. Atteint d’une maladie incurable, la puce n'ayant rien changé. La seule solution restante était la guérison par Med Bed, un de leur lit médical avancé. Cela avait-il marché ? Je me le demandais encore. J'avais perdu toutes traces de mon frère depuis. Il n'était jamais ressorti d’un de leur institut. Lequel ?

Je cherchais encore.

Crier, se plaindre, se rebeller quand personne ne vous écoutait, à quoi bon ? L’arrivée de ces extraterrestres fragmenta bien plus de familles qu'avant l'Effondrement. Je réitérai ma question : ces stellaires étaient-ils véritablement apparus pour sauver l’humanité ?

Oui, j’avais de la rancœur. Ô combien, elle prenait de la place. Pour moi, ces faux sauveurs n’étaient que du vent… Et ce vent, j’en semais les vérités partout où virtuellement je pouvais.

Comme pour me sortir de ma torpeur, Maks m’appela.

  • Allo ?
  • Lisa ? Comment vas-tu ? Ça fait une semaine que tu ne postes plus sur le forum. On ne t’a pas vu au Spikes non plus samedi.

Je soupirais. Que pouvais-je bien lui raconter ? Que mon cerveau me jouait des tours ? Que je n’arriverais jamais à me venger d’êtres ayant des milliers d’années d’avance sur nous ? Que je commençais à en avoir marre de jouer double jeu et que j’aimerais bien raccrocher ?

  • On fait aller.
  • Je vois. J’avais une nouvelle info à partager, mais il vaut mieux que je rappelle plus tard.

J’avais compris sa tactique. Ma curiosité ayant plus de force que moi-même, je mordis à l’hameçon :

  • Dis toujours.
  • On l’a retrouvé.

Reculant abruptement de ma chaise, mes jambes se levèrent sans moi.

  • Comment ça ? Qui ? Quoi ? Dis-moi que c’est vrai, cette fois-ci ? Dis-le-moi !
  • Oui, nous avons pu retrouver l’institut dans lequel ils ont envoyé ton frère. C’est en région parisienne. J’ai une preuve du registre d’enregistrement.

Je me laissais tomber sur le canapé, libérant un poids que j’avais tant nourri ces derniers mois.

  • En es-tu s…
  • Oui ! Lisa ! Je te jure que c’est bien vrai. Nous avons enfin une piste. Je t’envoie le reste des infos sur ton serveur privé.

Depuis quand avais-je retenu mon souffle ? Pour la première fois depuis des semaines, je savourais ma respiration, les yeux fermés.

  • Maks… Merci.
  • Samedi prochain, on se retrouve tous au Spikes pour mettre en place un plan.
  • Je n’y manquerais pas.
  • Je te laisse ma belle, prends soin de t…
  • Attends, Maks ! Com… Comment va Mélia ?

Le silence accompagna ma question si longtemps que je crus qu’il ne m’avait pas entendu. Mais sa respiration le trahissait.

- Aucun changement. À samedi, Lisa.

Mon cœur se pinça lorsqu’il raccrocha. Mélia était la petite amie de Maks et l’une des premières à avoir une puce implantée. Depuis un an, à la suite d’une énième dose de vaccin, elle commença a cumuler de nombreux symptômes de plus en plus inquiétants. Les extraterrestres nous vendirent ces gadgets comme cette puce prônant l'immortalité. Mélia tomba dans le coma et survivait sous respirateur depuis plusieurs mois. Tout comme moi, Maks fut berné en beauté et notre souffrance commune fut la raison de notre amitié cachée. Qu’avions-nous fait pour mériter cela ?

  • Les ténébreux se nourrissent de votre souffrance.

Mais bordel ! Encore ce fichu esprit tourmenté ! Continue ton article Lisa ! Retournant vers mon bureau, je sentis soudain une présence de l’autre côté, près de la fenêtre.

Je me figeais.

Un jeune homme grand, chauve et à la peau bleutée se tenait dans le recoin de mon studio. Les bras croisés dans une combinaison foncée, bien trop avancée pour notre temps ; ses yeux bienveillants d’un camaïeu vert amplifiaient son sourire. Il leva doucement l’une de ses mains qu’il secoua maladroitement comme s’il saluait pour la première fois.

  • Bonjour, Lisa. J’ai été désigné pour être ton guide spirituel, je suis ton frère galactique. Appelle-moi, Svet.

Il ne prononça aucun son, ses lèvres ne bougèrent pas. Je n’avais pourtant pas rêvé cette voix dans ma tête. Toujours sous l’effet du choc, je criais :

  • Qu… Qui ? Quoi !

L’être inhumain rigola, son torse se souleva un bref instant pour accompagner son rictus. Ce n’était pas hologramme, il avait l’air tangible.

  • Je te parle par télépathie. Tu ne comprendrais pas ma langue si tu l’entendais. Elle te ferait même peur et je dois tout faire pour que notre contact se passe en douceur.
  • En DOUCEUR ?

Il appuya dans l’une de ses oreilles, fronçant les sourcils.

  • Pas si fort ! Je ne suis pas sourd ! Réponds-moi dans ta tête, Lisa !
  • Comment ? Dans ma tête… OK.
  • Parfait. Pourquoi tu me regardes comme ça ?

J’eus comme une révélation en le scrutant et compris soudain. Depuis une semaine, ce n’était pas mon cerveau qui déconnait. C’était lui. Lui qui répondait à mes réflexions. Lui qui m’amenait vers des sujets ou des lieux pleins de vérité. C’était un extraterrestre. Donc il était comme eux, ils faisaient également partie des sauveurs.

  • Je ne te ferais aucun mal, Lisa. Je fais partie des bons, pas de ceux qui souhaitent votre domination.

Trop tard. Tout en reculant vers la petite commode à l’entrée, j’attrapais un pistolet de défense revisité par Maks. Une bombe émotive surgit de mon être et se déversa sur ce faux sauveur. Je le braquais :

  • Où est mon frère ? Qu’avez-vous fait de lui !

Il tenta quelques pas mais s’arrêta soudain. Son regard s’emplit de compassion.

  • Je ne sais pas où est ton frère. Je te l’ai dit, je ne fais pas partie des ténébreux mais de l’Alliance Galactique qui cherche à vous aider depuis le début.

Mon rictus fut jaune. Je poursuivis dans ma tête :

  • Depuis le début ? Si c’était le cas, vous étiez où quand des gens se sont effondrés dans la rue à cause de toutes ces merdes injectées ? Vous étiez où quand ils ont débarqué avec leur Dieu AI qui soi-disant nous a tous sauvé ? Vous étiez où avant même l’Effondrement ? À nous regarder trimer chaque jour pour survivre ? Elle était bien la série ? N’oubliez pas de mettre un like et d’activer la cloche surtout !

M'énerver provoqua un mal de tête et je reprenais mon souffle comme si j’avais crié. Ce Svet n’avait toujours pas bougé. Il fermait parfois les yeux et je le sentis absorber une part de ma colère. Comme si des filaments s’échappaient de ma peau pour s’infiltrer dans son cœur.

  • Je suis désolé. Tout cela n’aurait pas dû arriver. La Terre a toujours été une école pour tout être qui souhaitait vivre l’expérience de la densité mais à cause de la guerre, il y a des millions d’années… Tout a changé…

Il appuya sur son cœur et ses yeux émeraude s’humectèrent.

  • Permets-moi d’évacuer ta colère par mes larmes. Je ressens tellement tes blessures d'âme dans cette vie et celles passées.

Svet respira profondément. Ma poitrine me faisait également mal. Après quelques mantras gestuels, l'inhumain se tint de nouveau droit.

  • C’est en partie à cause de l’Alliance Galactique que vous vivez en souffrance car nous avons jadis perdu la guerre.

L’être bleuté continua d'inspirer doucement alors que la douleur de le maintenir en joue se faisait de plus en plus forte.

  • Nous sommes revenus pour réparer cette erreur. Tout comme toi. Tu as fait le choix, il y a 25 ans, de te réincarner sur Terra pour aider la planète à s’éveiller.
  • QUOI ? Je comprends rien !
  • Lisa… Je ne suis pas sourd !

Il profita de ma négligence pour avancer de deux autres pas, posa sa main sur le pistolet et plongea ses yeux bienveillants dans mes larmes de colère.

  • Tu es née dans un corps humain, mais tu viens d’une autre galaxie appelée les Pléiades. Le nom de ton âme galactique est Elnya et tu as plus de mille ans.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Papillon de Folie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0