La tension était présente dans la maison depuis que la vache était mélancolique. Un soir, alors qu’ils étaient à table, le père de Thomas grommela :

— Si les animaux ne nous fournissent plus de quoi manger, nous allons devoir les vendre !

— Ces animaux ne sont pas à nous ! s’écrie le fils meurtri avant de s’enfuir.

— Thomas, revient ici tout de suite ! s’exclama le père en colère.

— Ouvre les yeux ! Je sais que tu fais ça pour notre bien, mais tu ne peux pas te fier à la chance. Notre bonheur ne doit pas dépendre d’une vache ! Même pauvres, nous étions plus heureux qu’aujourd’hui. Si ça lui tient à cœur fait au moins le bonheur de ton fils ! dit Solange sèchement en claquant la porte.

Alors qu’elle était sur le pas de la porte, en tenant sa fille dans ses bras, Solange regarda autour d’elle et prit conscience que la tristesse de la vache agissait sur l’ensemble de la nature. Elle se précipita à la grange pour lui demander pardon, mais celle-ci murée dans le silence donna son dos. Une fois qu’elle fut partie, la vache se lamenta en soupirant :

— Où est le prince charmant qui me délivrera !

Thomas, caché derrière la grange, entendit cette phrase. Il s’en alla sans rien dire dans la forêt à la recherche des sœurs de la vache. Il n’eut pas de mal à les trouver grâce aux traces de sabots qu’elles avaient laissées sur le sol. Il revint à la ferme avec elles. La vache sans nom fut ravie de les retrouver de nouveau.

Après de chaleureuses retrouvailles, la vache sans nom leur expliqua :

— Meuuuhhh, c’est jute qu’il a peur pour sa famille ! C’est pour cela qu’après avoir réfléchi, j’ai décidé de rester vivre ici ! dit-elle d’une voix ferme.

Ses sœurs se regardèrent puis Rougette s’exclama :

— Dans ce cas, je trouve qu’il manque un peu de couleur dans ta maison ! Elle fixa un endroit, le piétina puis s’y coucha.

— Meuuuhhh que fais-tu Rougette ? demanda la vache sans nom.

— Meuuuhhhoi, je reste avec toi, le temps que ton prince charmant vienne te libérer.

— Meuuuhhhoi aussi s’exclame Bleuvette en s’asseyant à côté de Rougette. Je veux savoir comment se termine cette histoire !

— De toute façon je ne peux pas partir sans elles ! Rétorque Jaunette en s’asseyant de l’autre côté de Rougette !

— Meuuuhhh vous ne pouvez pas rester ! C’est mon destin, pas le vôtre. C’est ici ma place. Je ne fais pas partie de la forêt enchantée ! Regardez-moi et regardez-vous ! Je ne suis qu’une vache ordinaire ! Je ne vous ressemble pas ! Ma place est ici !

— Moi je vois plusieurs couleurs en toi ! s’exclama le petit garçon.

La vache sans nom choquée ne comprit pas son affirmation. Elle regarda sa robe puis l’interrogea étonnée :

— Tu n’aurais pas pris trop de soleil teuuuhhhhoiiiiii ?

— En toi, je vois la couleur rouge, car ta curiosité t’a amené à moi. En toi, je vois la couleur bleue, car tu as égayé ma vie par tes histoires et tes chansons. En toi, je vois la couleur jaune, car tu as tout organisé dans notre ferme pour nous sortir de notre pauvreté. Et je vois bien plus de couleurs encore. En toi, je vois la couleur verte, la couleur de l’espoir et de la gourmandise qui nous a apporté un joli jardin. Je vois aussi de la générosité… je ne sais quelle couleur est associée à la générosité… mais tu en es remplie. Si je devais te donner un nom ce serait madras la vache arc-en-ciel, car tu es la vache la plus colorée de la terre ! Dit-il les yeux remplis de larme en la serrant dans ses bras.

Devant toutes ces révélations, la vache sans nom fut stupéfaite. Elle regarda chacune de ses sœurs et regarda le tout petit garçon posté devant elle. Ce tout petit garçon venait de la délivrer du château d’épines qu’elle s’était forgé depuis tant d’années. Il avait réussi à voir en elle, ce qu’elle-même n’avait pas réussi à voir depuis très longtemps.

— Meuuuhhhoi, Madras la vache Arc-en-ciel ! dit-elle avec le plus grand sourire en sautant dans toute la grange.

Tout à coup la porte s’ouvrit laissant apparaître les parents et la petite sœur de Thomas. Derrière eux, un arc-en-ciel illuminait la grange. Un arc-en-ciel en pleine nuit, cela ne s’était du jamais vu.

— Papa je vais tout t’expliquer ! s’exclama Thomas inquiet.

— Il n’y a rien à expliquer mon fils ! s’exclama-t-il en s’agenouillant devant la porte. J’ai été égoïste et je ne suis pas fier de moi. Je me rends compte qu’au lieu de remercier le ciel de la venue d’Arc-en-ciel dans notre vie, je me suis entêté dans la peur qu’on redevienne pauvre ! Arc-en-ciel, vous et vos amis vous êtes libres de partir ou de rester, mais sachez que vous serez toujours les bienvenues dans notre ferme ! Que puis-je faire pour me faire pardonner ? Je vais peut-être me réveiller demain, persuadé d’avoir rêvé, car je suis actuellement en train de parler à des vaches colorées. Je crains qu’il ne faille que je consulte ma chérie ! dit Aristide à sa femme.

— Nous consulterons ensemble mon chéri, car je les entends aussi bien que toi ! répondit Solange en réconfortant son mari.

— Meuuuhhh ne vous inquiétez pas ! dit Arc-en-ciel. J’avais un marché avec votre fils et il a été rempli. Il a trouvé mon nom Madras, la vache arc-en-ciel ! Et il m’a ouvert les yeux sur le fait que ce qu’on est à l’intérieur est bien plus important que ce qu’on est à l’extérieur. Merci Thomas mon petit prince !

Thomas serra la vache dans ses bras. Des larmes de joie inondaient son visage. Il était fier de lui.

Après des adieux et des promesses de retrouvailles, Madras quitta Thomas et retourna avec ses sœurs dans la partie enchantée de cœur Bouliki.

Certains jours Rougette, Bleuvette, Jaunette et Madras dit Arc-en-ciel rendaient visite à leur nouvelle famille afin de s’assurer qu’elle ne manquait de rien. Celle-ci leur avait fait une énorme surprise.

En arrivant à l’entrée de la ferme, une grande pancarte était plantée dans le sol. Celle-ci portait les inscriptions suivantes :

« Bienvenue dans la ferme enchantée de Rougette Bleuvette Jaunette et Madras la vache Arc-en-ciel »

Fin…