Chapitre 16 : Contact

5 minutes de lecture

 Le lieu semble désert. Pourtant, une voix masculine l’appelle par son prénom. Il regarde de tous côtés mais ne voit rien, fait quelques pas en avant et la voix réitère ses appels. Une lueur brille devant lui et se transforme pour adopter une forme humaine. La voix provient de la lumière, et elle éclate de rire.
 — Attrape moi, si tu peux.
 L’être lumineux se met à courir. Le jeune homme s'élance à sa suite, mais sa proie est trop rapide. Il accélère. Des arbres poussent soudain devant lui aléatoirement, le forçant à changer de trajectoire au dernier moment. La lueur, le voyant ralenti, rit de plus belle. Il redouble sa foulée. Plus près, toujours plus près, il peut presque la toucher. Dans un dernier effort, il saute en avant, les bras tendus pour capturer l’étrange forme humaine. Celle-ci disparaît alors qu’il est encore en train de chuter. Il se prépare à rencontrer le sol, mais celui-ci se liquéfie, et le voilà dans l’océan. D’énormes vagues plongent sur lui, et il ne sait pas nager. Il bat piteusement des bras, maudissant la lueur, et s’enfonce peu à peu dans les flots. Bientôt, il ne parvient plus à maintenir sa tête hors de l’eau et se rend compte avec effroi qu’il va se noyer. Il absorbe une dernière goulée d’air, puis disparaît sous la surface. Il se sait perdu, mais quelque chose le maintient.

 Le décor se transforme. Aaron est dans sa cabane. Il a la sensation d’être éveillé, et pourtant, tout autour de lui est plongé dans une pénombre surnaturelle, bien différente de l’obscurité de la nuit. L’éclairage est grisâtre, un peu dérangeant. Toutes ses affaires sont à leur place, mais sa perception est modifiée, comme s’il les voyait à travers un voile translucide.
 — Bonjour, fait une voix familière.
 Il sursaute, tourne la tête. Mira Valerian se tient debout derrière lui. C’est elle, sans vraiment être elle. Sa silhouette lumineuse est nimbée d’un halo blanc dont la lueur se diffuse dans la pièce sans projeter d’ombres. Elle ne semble avoir aucune consistance physique, aucune opacité. Aaron fronce les sourcils, intrigué. Il porte un regard à ses mains et constate qu’elles ont également cette apparence éthérée d’où s’échappe une lumière aveuglante.
 — Où sommes nous ? demande le jeune homme, un peu effrayé.
 — Dans le monde onirique.
 — Pardon ?
 — C’est le monde où apparaissent les subconsciences. Tu y es déjà venu, malgré toi, chez Maggie. Il ne peut être visité que par les oniristes. Viens.
 Elle lui tend la main avec un sourire et l’aide à se lever. Puis elle s’élève lentement vers le plafond de la pièce. Aaron fait un pas en arrière et lâche sa main.
 — Qu’est ce qui se passe ?
 — Fais moi confiance, déclare Mira en hochant la tête avant de lui tendre à nouveau la main.
 Le jeune homme hésite un instant, puis décide de la suivre. Lorsque leurs doigts se frôlent, il se sent aspiré vers le haut. Voilà qu’il se tient à côté de la jeune femme, dans le ciel obscur. Il flotte, tout simplement, sans le moindre effort. Exactement comme s’il était debout sur la terre ferme... sauf qu’il est à cent mètres d'altitude. En contrebas s’étend une grande ville. Malgré l’éclairage gris pâle des bâtiments, il reconnaît ces rues, ces places, ces boutiques, l’agencement du labyrinthe de murs. Tout est silencieux. Sombre et muet. Mais dans le noir luisent des milliers de minuscules sphères blanches à l’éclat tremblotant, semblables à autant de lucioles. Il a le souffle coupé.
 — C’est Kelcia, murmure-t-il. Pourquoi ? Comment ?
 — Oui. C’est la Kelcia du monde onirique. Chaque lumière que tu vois en bas est un subconscient, c’est à dire quelqu’un qui rêve.
 Aaron fixe d’un regard ébahi le spectacle féerique.
 — Les oniristes peuvent aller librement dans ce monde, continue Mira. Comme tu l’as vu, il n’est pas soumis aux règles du monde réel. Par exemple, on peut traverser les murs ou se déplacer instantanément d’un endroit à un autre... Un peu comme dans un rêve en fait. La seule chose à savoir, c’est que les distances ici sont les mêmes que dans la réalité. Les parcourir demande moins d’efforts, mais ils restent proportionnels à la distance parcourue, ce qui impose des limites.
 — On peut aller où on veut ? demande Aaron, abasourdi.
 — Oui, à peu près.
 Le jeune homme a un sourire enfantin.
 — Génial ! s’exclame-t-il. Alors allons voir par là !
 Il s’élance, incertain. Et le voilà qui vole, qui plane au dessus de l’océan. Il va de plus en plus vite. Mira le rejoint après quelques secondes.
 — Tu as l’air à l’aise, remarque-t-elle.
 — C’est... Mieux que de rêver de voler ! Cette impression de liberté ! Tu disais qu’on pouvait aussi aller instantanément à un endroit ?
 — Oui, confirme la jeune femme. En ordonnant à ton subconscient d’aller où tu le souhaites. Mais tu n’y arriveras...
 Elle s’interrompt en remarquant que le jeune homme a disparu.

 Il a les pieds sur la terre ferme, au sommet d’une falaise surplombant l’océan. Il ne sait pas exactement où il est. Il a voulu aller à un endroit dont il ne se souvient que partiellement, un lieu où il sait qu’il a vécu, sans vraiment se rappeler quoi que ce soit d’autre : le Taagan. Il ne sait pas s’il a réussi ; le paysage n’éveille aucun souvenir en lui. Soudain, Mira se matérialise à côté de lui. Elle a l’air fatiguée. Elle observe les environs, puis demande :
 — Tu sais où nous sommes ?
 Aaron hausse les épaules.
 — Aucune idée.
 — On peut aller demander, déclare la jeune femme en faisant un signe de tête vers la gauche.
 À deux cents mètres d’eux environ se trouve une petite sphère lumineuse animée de violentes pulsations d’énergie : une subconscience. Ils s’approchent. Mira pose une main à la surface et disparaît, comme aspirée à l’intérieur. Aaron, animé d’une fascination curieuse, l’imite.

 Le voilà dans un maelström de blancheur. Il regarde autour de lui apeuré, et voit Mira, calme et concentrée, prendre la parole :
 — Bonjour, je suis Mira Valerian.
 Une voix féminine répond.
 — Mira Valerian ?
 — Qui êtes vous ?
 — Je m’appelle Phan Moon.
 Le visage de Mira change, son masque de sérénité se fissure, se change en stupeur. La lumière blanche tout autour d’eux commence à disparaître, et des lambeaux de paysage réapparaissent.
 — Attendez ! fait la voix de la dénommée Phan. Il y a quelque chose que vous devez savoir ! Ne partez...

 Aaron se réveilla en sursaut, tâtonna sur la paillasse dans le noir, paniqué. Tout son corps était agité de tremblements incontrôlables. Il porta les mains à son visage détrempé de sueur. Il était bel et bien réveillé.

Annotations

Vous aimez lire Nicolas Leighton ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0