Il

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Il marche seul entre les brumes, telles des lambeaux fins de ciel qui tombent de l'obscurité. Les bras ballants, le pas timide, il laisse l'aléa tracer son chemin vers une destination mouvante, sans doute aussi belle qu'indéfinie. Ses jambes endolories peinent à progresser, mais il ne le sait pas. Il ne les ressent pas. En fait, il ne ressent rien. Rien qu'une image de lui-même. Il ne touche, il n'entend que des songes, pleins de vide et d'illusions. Son regard est ailleurs, hors du monde, comme piégé par l'immensité de son imaginaire oppressant, sauvage.

Sélène de ses bras de velours illumine
Une larme de rose,
elle pose un rayon
Argenté comme un cil en oscillation
Et caresse le vent effleurant une épine.

Il erre depuis tant de jours, de mois, d'années, que seul un souvenir à demi effacé lui laisse percevoir un possible repos. Sans un bruit, sans un mot, à peine un souffle, il trimballe avec lui ce fracas permanent des idées volatiles, un silence si lourd, et le choc assassin de ses rêves brisés. Quand passe sur sa peau quelque feuille d'automne, il pense que la Terre encore s'est fanée, là, tout en haut de l'inaccessible.

Noctulescents venins
De ronces ;
Les brumes, à l'heure cristal,
Se seront tues.

Il vague dans les eaux des firmaments mélancoliques, des ombres défroissées. Un regret, parfois, lui traverse l'esprit comme une lame fugace : celui de n'avoir jamais, vraiment, pu aimer. Aimer… ce mot si vaste et mystérieux dont il avait, pourtant, mille fois cru comprendre le sens avant qu'il ne s'échappe, fonde au creux de sa main, tel un de ces flocons qu'un soir l'enfant qu'il fut se désolait d'avoir tués.

Des cimes, un regard, un ange ruisselant
Descend, rêve le temps, invente le mirage,
Il vante l'infini soupirant, mais l'orage
A quelquefois manqué dans sa rose de blanc.
Il est tel un bassin dur en cœur et cilant
Les ormes colorés, rébus anatomiques ;
Un jour il est venu crier devant la mer
Et l'or, et le parfum des limbes anémiques
A revu devant soi les syllabes de fer.

À force de mirer la brume, l'air s'était perdu dans un nuage. Seules quelques absences disaient encore ce qu'il aurait pu découvrir si l'aube n'était pas venue. Une larme se scinde, deux gouttes salées se séparent à tout jamais. Il les porte à demi-mots, les caresse de sa joue, comme pour en retenir quelque chose. Un peu de vie, peut-être. Un peu d'amour blessé. Ou un peu de folie, lui qui cherche l'Autre sans avoir jamais pu se trouver lui-même.

Une grive, la vie odieusement belle,
Abysse à fleur de peau, une onde, les chemins,
Ce vent, aventureux, qui me glace les mains,
Givre déraciné, tes flaques éternelles...

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