Tout ce que n'est pas dit

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Assise sur le perron de sa demeure, elle repensa à ce jour où elle avait scellé son destin, deux ans plus tôt. C'était son jour, son mariage et pourtant, le sourire qui étirait ses lèvres sonnait faux. Un soupir lui échappa tandis qu'elle faisait son premier pas dans l'église. Le silence se fit alors que son père l'entraînait vers l'autel. La jeune femme faisait les plus petits pas possibles pour faire durer ce moment. Cassandra ne voulait pas épouser l'homme à qui elle était promise. Son cœur appartenait à une autre, à Hélène, son amie d'enfance. La jeune femme n'avait jamais pu lui avouer ce qu'elle ressentait depuis si longtemps au fond d'elle-même, car cela reviendrait à avouer ces penchants. Elle aimait les femmes, mais la société du XXe siècle n'était pas encore prête à cet amour. Elles auraient été hors-la-loi.

Même si elle savait que cela lui ferait mal, elle tourna son regard vers l'assistance, tâchant de croiser celui d'Hélène. Lorsque leurs regards se croisèrent, le monde cessa d'exister pour Cassandra, un tendre sourire étira ses lèvres et son cœur bondit de joie. Immédiatement, elle se détourna, ayant peur que quelqu'un comprenne ce qui se passait, mais surtout, elle avait peur qu'Hélène lui fasse un grand sourire. La joie de son amie face à son mariage lui crucifiait le cœur à chaque fois. La mariée se força à relever la tête et à afficher un grand sourire de convenance alors que son cœur se fanait au fond de sa poitrine et que ses yeux brillaient de larmes contenues. Son regard se posa sur son futur mari et la peine la submergea. Elle était peinée pour lui, car il l'aimait réellement, mais elle ne pourrait jamais lui donner ce qu'il espérait.

Arrivée devant l'autel deux sentiments la prirent au cœur, la résignation et le désespoir. Son regard se tourna de nouveau vers Hélène qui lui souriait, ravie pour elle. Une larme unique coula sur sa joue tandis que son père offrait sa main à son futur mari. À ce geste, elle reposa son regard sur lui et lui sourit avec autant de douceur qu'elle le put. Le sourire de l'homme devient encore plus éblouissant alors qu'il chassa la larme qu'il pensait de joie. Ils se tournèrent tous les deux vers le prêtre. La jeune femme résistait à l'envie de se lever et partir en courant, après tout, c'était son choix ce mariage et elle devait l'assumer peu importe combien son cœur saignait dans sa poitrine. Pour se conforter dans cette décision, elle tourna la tête vers ses parents. Sa mère essuyait ses larmes alors qu'un grand sourire éclairait son visage et son père la regardait avec tant de fierté que cela lui cloua les pieds au sol.

Comment pouvait-elle les décevoir en aimant une femme quand ils la regardaient comme cela ? Au fond, le prix de son amour était trop lourd à porter. L'illégalité pour avoir aimé n'était pas acceptable. Cassandre répondait au moment opportun même si son cœur était bien loin. Même si cela ne se produirait pas, elle s'imaginait dire "non" ouvertement puis aller vers Hélène et lui demander de s'enfuir avec elle en lui disant qu'elle l'aimait. Seulement, quand bien même, elle l'aimerait, la mariée décevrait ses parents et deviendrait un hors-la-loi. Pourtant, malgré toute sa volonté, elle ne parvenait pas à faire taire l'espoir qui donnait la mesure à son cœur. Dans sa tête tournait des centaines de petites phrases commençant par "et si ?". Et si l'une de vous avait été un garçon ? Et si tu le faisais envers et contre tous ? Et si... ?

Le cœur tremblant, prête à tout arrêter, elle se retourna vers Hélène. Cette dernière regardait son fiancé en souriant tendrement comme si le prête prononçait cette litanie de mots qui sonnait creux pour eux. À cet instant, Cassandra sentit son cœur voler en éclats et le glas de la réalité la frapper avec dureté. Elle baissa les yeux un instant durant, toute à sa douleur tandis que ses yeux se mettaient de nouveau à briller. Dans sa poitrine à chaque respiration, elle sentait son cœur briser la lacérer de l'intérieur. Le prête lui demanda son consentement pour le mariage et sa poitrine se serra. Il était trop tard pour dire non, les yeux plongés dans ceux remplis d'espoir de son mari, elle confirma qu'elle voulait se marier avec lui.

Ces mots-là, elle les regretta aussitôt prononcés. Elle eut envie de crier au prête qu'en fait, elle avait changé d'avis et ne voulait plus se marier, mais elle n'en fit rien. La cérémonie continua. La jeune femme était physiquement là, mais au fond, elle se sentait mourir. Lorsqu'Hélène vient la féliciter, Cassandra bâillonna son cœur brisé et se jura qu'elle ferait de mieux pour être la meilleure épouse possible.

Deux ans plus tard, elle regrettait toujours autant ce mariage de convenance alors même qu'elle portait leur premier enfant en elle. Elle se dit que si elle avait attendu ne serait-ce qu'un an, l'homosexualité avait été dépénalisé et ses parents trouvaient que c'était une bonne chose. Hélène n'avait d'ailleurs pas épousé son fiancé et une amie commune avait avoué à Cassandre qu'Hélène préférait les femmes. Deux questions la taraudaient encore "et si elle avait attendu ?" mais aussi "et si aujourd'hui, c'était possible ?"

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