L'invasion des chocaliens

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Le monde se réveillait paisiblement en Océanie. Cela avait été une belle journée, les gens s’apprêtaient à partir au travail ou à accompagner les touristes dans les lagons. C’était le cas du général Downey qui profitait d’un congé pour explorer à la bouteille les coraux de Tahiti. Le climat n’était pas si différent de son affectation habituelle : Hawaii, mais les poissons étaient différents et c’était tout ce qui comptait. Il suivait un magnifique poisson-chirurgien lorsque l’instructeur vint le voir et lui fit signe de remonter. Il y eut quinze minutes de palier de décompression puis il arriva à la surface après avoir remarqué la présence d’un deuxième bateau. On l’aida à monter et ce fut un gendarme français à l’accent prononcé qui lui apprit la nouvelle : SETI avait repéré des vaisseaux aliens. Les autres instruments scientifiques avaient été immédiatement dirigés vers eux pour en apprendre davantage. La destruction d’une douzaine de satellites avait rapidement ôté tout doute : il s’agissait d’une flotte d’invasion.

Downey était rentré immédiatement à bord du navire de gendarmerie. De là, il prit un avion spécialement affrété pour Hawaii et de là, un autre l’emmena à Washington. Ce ne fut qu’arrivé au Pentagone qu’il réalisa avoir oublié sa femme dans l’eau turquoise. Les aliens venaient juste de dépasser Jupiter et les analystes venaient de déchiffrer les messages entre les vaisseaux. C’étaient des ordres d’attaques. Downey aimait plutôt la finesse, mais ce jour-là, il prit peur. Il pensa à son épouse, leurs enfants, les poissons tropicaux et leur chien. Il n’eut pas de mal à convaincre le président qu’il fallait utiliser l’arme nucléaire au plus tôt, hors de l’atmosphère. Les autres dirigeants des grandes puissances furent tout aussi convaincus. Le président russe leur avoua ce qui n’était qu’un secret de polichinelle : de nombreuses têtes nucléaires se trouvaient déjà en orbite.

Leur mise à feu simultané régla au moins le problème des déchets nucléaires dans l’espace, mais pas celui de l’invasion. Les bombes nucléaires n’eurent pas plus d’effets qu’une libellule s’écrasant sur la calandre d’un poids lourd lancé à pleine vitesse sur l’autoroute. Ils entrèrent dans l’atmosphère terrestre à 13 :28, soit douze heures après leur détection. La cinquantaine de vaisseaux mères se fragmenta en millions de petits engins de vingt mètres. Les escadrilles étaient déjà sur le qui-vive depuis l’aube, les canons antiaériens étaient chargés, les missiles programmés. Ce fut un tir à pigeons. Les armées terriennes tombèrent comme des mouches. Les appareils extraterrestres étaient dotés de boucliers défensifs impénétrables et d’armes énergétiques ultraprécises qui touchaient à chaque fois.

Une demi-heure après le début de l’assaut, la planète fut mise à genoux et signa l’armistice. Sous la menace de leurs canons énergétiques, les humains avaient été regroupés à l’air libre. Sous chaque vaisseau, une sorte d’écran holographique apparut et on put voir pour la première fois la face de ces agresseurs. Une sorte de gnome à chapeau pointu muni de trois yeux verticaux et d’ouïes faciales se présenta comme le Grand Panarmol, empereur de toutes les espèces vivantes. Les humains lui devaient obéissance et respect. Les vaisseaux se posèrent dès le message diffusé. Une vingtaine d’aliens en sortirent. Ils mesuraient un mètre de haut et portaient tous des sortes de pistolets à la main.

Au Bostwana, Amantlé était avec son chien. Elle n’avait pas trop compris pourquoi elle avait suivi le flot hors de sa maison. Cela lui avait semblé naturel jusqu’à ce qu’elle arrive avec les autres dans le parc qui jouxtait le ministère des Affaires étrangères. Quelques rumeurs disaient que les envahisseurs avaient des pouvoirs de contrôle mental léger. Elle ne doutait pas trop de l’hypothèse : elle aurait voulu fuir, mais elle se sentait incapable de s’éloigner de plus de quelques pas. Le soleil aride de Gaborone la desséchait. Les extraterrestres autour d’eux se rapprochaient de plus en plus. Puisqu’elle était contrainte de rester sur place, elle se décida à les dévisager. C’étaient vraiment des êtres étranges. Leurs peaux, leurs vêtements, leurs équipements étaient tous de la même couleur marron. Amantlé avait l’impression qu’ils bougeaient bizarrement. Elle n’aurait pas trop su dire quoi, mais elle continuait d’observer.

L’un d’eux s’approcha, entouré par une étrange odeur sucrée. Ses concitoyens reculaient déjà, mais elle restait clouée sur place par son chien. Rex ne désirait rien d’autre que de s’approcher de l’alien. C’était une belle bête sable de 80 kilos. Les quinze ans d’Amantlé ne suffirent pas à le retenir. Il s’échappa et se dirigea droit vers l’extraterrestre en aboyant joyeusement, la queue battante. L’alien ne put rien faire face à l’animal. Il le lapa, le croqua, l’avala. L’alien tenta de se défendre en braquant son arme. Mais avant qu’il put tirer, Rex, averti par le mouvement, goba le canon de l’arme. Quelques instants plus tard, le chien retourna vers sa maîtresse, le ventre plus rond qu’un ballon, l’air heureux. Il se hissa jusqu’à ses pieds puis s’effondra, mort, mais heureux.

Amantlé s’étonna, s’agenouilla près de son chien, reconnut les symptômes. Son précédent chien avait volé une tablette de chocolat et était mort de la même façon. Elle comprit alors l’odeur sucrée qui entourait les extraterrestres, elle comprit pourquoi ils bougeaient bizarrement : ils fondaient. Elle se redressa et cria aux alentours :

— Ils sont faits de chocolats ! Commençons par les pistolets ! TOUS À TABLE ! GOINFFREZ-VOUS !

À ces mots, elle sauta sur l’alien le plus proche et donna un coup de dents dans le canon puis lui arracha le crâne. C’était un chocolat de bonne qualité, fondant et doux, pas trop sucré, un vrai régal. Derrière elle, les Gaboronais se précipitaient vers leurs geôliers. Leurs pouvoirs les avaient contraints à rester à portée, cela causerait leur perte. Après une demi-heure d’orgies, le président lança un appel sur tous les canaux, sur toutes les télévisions, à tous les journaux : le point faible de leurs ennemis surpuissants avait été découvert. Ils avaient été envahis par les aliens en chocolat.

La riposte humaine fut foudroyante. Les aliens furent exterminés jusqu’au dernier dans un esprit de vengeance et de gourmandise. Quelques heures après l’armistice et la proclamation du Grand Panarmol, l’invasion des chocaliens avait été contrée. La guerre avait été rude et les estomacs mis à rude épreuve. Dans les livres d’histoire, la bataille prit le nom de « La Grande Indigestion Mondiale ».

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