Un simple migrant

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Bonjour Monsieur le Président,

C’est pour moi un immense plaisir de vous écrire, d’avoir pour moi tout seul, un rien parmi des milliers, votre attention présidentielle. Votre pays, votre population et même le monde entier a la chance de vous avoir.

Monsieur, pour être honnête, je ne suis pas sûr que vous me lirez. Mais on ne sait jamais, peut-être que si. Alors si vous me lisez, sachez qui je suis : je suis un migrant qui ne mérite peut-être pas de vous écrire ; c’est à vous de voir. Je suis un migrant qui envahit votre pays comme ça, sans dire quand il repartira.

Maman disait : « Si tu veux parler à Dieu, parle dans le vent ». Maman était moins vieille quand elle le disait. Aujourd’hui elle s’effondre sous le poids des années de durs travaux champêtres. Que c’est pénible le champ.

Elle disait aussi : « Mon fils je mourrai pour toi, mais toi veille sur ma vieillesse et ensevelis-moi dignement ». Aussi bizarre que cela pourrait vous paraître, chez nous c’est un rêve de mourir dignement. C’était son rêve, le prix de mes caprices disait-elle, le prix pour les torts que je lui ai causés (que je lui cause encore).

Vous comprendrez, je veux veiller sur la vieillesse de maman, je veux l’ensevelir dignement. Elle le mérite. Mais comment ? L’école chez nous, c’est une autre histoire, c’est un luxe, c’est inaccessible pour nous autres enfants-de-mères-de-champs. Il y a plein d’autres choses que je pourrais faire, me dit Monsieur Tout-le-monde. Mais maman me disait aussi : « Mon fils, rêve. Ne rêve pas de vains rêves, rêve de grands rêves. »

Sans savoir comment vous y êtes arrivés, chez-nous tout le monde vous aime. Tout le monde aime votre pays et tout le monde chante haut et fort : Le blanc est fort, le blanc est beau, le blanc est riche !

Et voilà, je suis venu, je suis chez vous. Il faut que je veille sur la vieillesse de maman, il faut que vous m’aidiez à ensevelir maman dignement.

Non, je ne dirai pas : Faites-le ; c’est le prix pour l’esclavage, c’est le prix de la colonisation. Ce n’est le prix de rien !

D’ailleurs je ne suis pas sûr que vous me lirez. Mais si vous me lisez, sachez que je ne suis qu’un simple migrant… un simple migrant qui porte le poids des rêves de maman.

 

Par un simple migrant.

 

 

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