Chapitre I

9 minutes de lecture

      Le silence était pratiquement parfait, tandis que Kayla n'entendait plus que les résonnements de son cœur. Celui-ci battait à la chamade alors qu'elle fixé pour la troisième fois sa chemise. La jeune femme était prête, mais rien ne pouvait empêcher cette peur de grandir en elle. Elle observa son reflet une dernière fois, vérifiant si ses cheveux bruns étaient bien attachés, et son habit blanc n'avait pas de plis. Après avoir passé encore une petite minute devant son miroir, elle était sûre, il fallait y aller.

      En ce premier jour de semaine, l'étudiante avait l'examen le plus important de sa scolarité. Tout son avenir se jouer ici. Depuis ses deux ans, lors de ses premiers pas à l'école, Kayla ne rêvait que de ça. Elle avait travaillé dur pour entrer dans l'école des élites à ses dix ans, et était ainsi à une minuscule étape de pouvoir intégrer l'école de scientifique. De cette manière, elle changerait le monde, elle se le devait. Depuis des années, la femme était consciente de sa chance, du privilège qu'elle avait, de vivre du bon côté. Mais désormais, elle pouvait montrer que cela n'état pas simplement une chance, elle méritait sa place.

     En 2176, la vie était inédite, jamais une société n'avait vécu ainsi. Certains bâtiments des anciens temps étaient présents, mais la grande majorité avait été rasée. En effet, la vie d'avant n'avait rien d'idéal. Le monde était rempli d'injustice et d'inégalité, ne laissant que la haine et la colère sur le devant de la scène. Alors, ils avaient décidé de changer cela.

     Dans le monde de Kayla, la vie était divisée en deux. D'une part, les enfants méritants, aux parents riches et bien élevés, vivaient sur l'Orion. Cette station spatiale contenait quelques milliers de passagers, les sauveurs de l'humanité. L'autre part du peuple vivait sur ce qu'il restait de la Terre. Une ville américaine du nom de Détroit.

     En 2140, la troisième guerre mondiale avait éclaté. Ce fut la pire de toutes. Elle avait non seulement fait des milliards de morts, mais elle avait aussi détruit la quasi-totalité de la planète Terre. Les premiers pays touchés avaient été la France et la Russie. Paris ? Rayé de la carte. Moscou ? Il n'en restait pas la moindre rue intacte. Le niveau de radiation avait fini par atteindre un seuil tellement haut que personne n'avait été en mesure d'y remettre le pied. Il ne restait plus rien sur Terre. Cette modeste ville était restée inhabitée durant de longues années, mais durant les guerres, les populations du monde entier s'y étaient installés. Après tous, cette ville fantôme ne pouvait être la cible de personne, et les très vieilles infrastructures étaient toujours sur pieds. Néanmoins, elle était désormais, l'espoir de la vie sur Terre. En effet, les plus pauvres y vivaient toujours. Les plus démunis, ou les personnes dites « anormales » par la société, telle que les personnes qui n'étaient pas blanches ou hétérosexuelles. Personne ne savait d'où venait ces exclusions, mais personnes ne les remettait en cause. Remettre en question sa place sur la station était absurde, le confort y était parfait.

     À un moment donné de l'histoire, des choix avait dû être fait. La Terre se portait mal, et les habitants ne pouvaient survivre sur le long terme. La guerre nucléaire avait décimé des continents entiers, mais elle avait aussi détruit l'air de la planète. Le taux de radiation y était tellement important, que nombre de personnes ne pouvait même plus y poser un pied. La planète bleue changeait, les maladies étaient de plus en plus nombreuses, les médecins de plus en plus rares. Les dirigeants de la station refusaient que toute personne malade vivant sur Terre y vienne. Avaient-ils peur du surplus de population alors qu'ils disposaient d'hôpitaux toujours vides ? Personne ne le savait. En plus de ces conditions de vie pour les moins déplorables, ils ne se supportaient plus entre eux. Il y avait des combats à chaque coin de rue ; de la violence dès que les ravitaillements arrivaient.

     La Terre n'était plus cultivable. Les animaux avaient tous finit par périr, et les seules plantes toujours vivantes étaient toxiques. Alors pour survivre, Détroit avait besoin d'aide. Une aide qu'ils étaient forcés de demander. Sur l'Orion, une usine entière était consacrée à la fabrication de nourriture. Tout était industriel, mais tout était comestible. Chaque semaine, une boîte contenant de biens essentiels était lâchée à six endroits dans la ville. Des lieux qui n'étaient pas fixes pour empêcher la population de les attendre.

     Un jour, lorsqu'elle était plus jeune, Kayla avait décidé d'aller au conservatoire de musique de Détroit. Le seul endroit où elle se sentait complète. Mais sur le chemin, elle fut outrée de voir une grande quantité de corps au sol. Ils n'étaient pas morts, mais la jeune fille fut marquée. Elle pouvait voir du sang couvrir leurs visages, leurs ventres et tout leur corps. Ils devaient être une dizaine. La route grisée par le temps était couverte de trace de sang, tandis que la rue autour d'elle se faisait de plus en plus chaude. Elle ne savait que faire pour les aider. Ce jour était un lendemain de rationnement. La plupart des personnes étaient sorties pour récupérer des médicaments, de la nourriture. Mais certaines fois, la motivation ne suffisait pas pour s'en sortir. Il y avait des regroupements si violents, qu'il arrivait que des vies soient perdues. Les enfants de l'Orion étaient interdits sur Terre ces jours-là. Mais le lendemain, les traces n'avaient pas disparu. Son père l'interdisait de mettre les pieds dans la ville, ayant peur pour elle, mais il arrivait à la jeune fille de se glisser hors de son appartement sans qu'il ne s'en aperçoive.

     Au centre de Détroit, il y avait un lieu, mesurant plusieurs centaines de mètres, qui était entièrement barricadé. Des murs de plus de dix mètres de haut, faits de béton et recouverts de métal, cette muraille était infranchissable autrement que par la porte d'entrée, constamment surveillée. En effet, le lieu protégé était primordial au bon fonctionnement de la station. Dans ce petit espace, se déroulaient l'entièreté des voyages entre la Terre et la station. Il n'y avait aucune autre porte d'entrée. Les navettes, vaisseaux de transports entre Détroit et l'Orion étaient légèrement arrondis, d'une couleur grise et faites de vitres. Elles permettaient le transport de huit personnes par voyage, des personnes qui étaient contrôlés avant leur montée. Certains humains avaient l'interdiction totale de monter sur la station. C'était pour le bien du peuple, d'autre pouvait monter une ou deux fois par mois, pour voir des membres de leur famille trop effrayés pour descendre. Certains en revanche, vivant sur l'Orion, avait un accès libre.

     L'endroit où ces moyens de transports arrivaient avait un nom bien précis, ils l'appelaient la Frontière. C'était ici que toute communication entre les deux mondes se terminaient. On retrouvait une grande place au centre, qui était entourée de quatre murs faisant plusieurs mètres de haut. Au niveau de cette Frontière, il y avait toujours des dizaines, voire des centaines d'hommes en train de manifester. Certains essayaient de forcer l'entrée, d'autres tentaient d'atteindre les gardes qui étaient chargés de surveiller. Enfin, une minorité était là pour se faire entendre. Ils demandaient simplement l'égalité des chances, qui n'existait pas.

     Kayla ne pensait pas grand-chose de ces personnes. Ils n'étaient pas assez éduqués pour comprendre la raison de leur place sur Terre. Ils n'étaient pas là par manque de chance, mais par manque de mérite, alors ils se rattrapaient en se sacrifiant pour tester la vie sur Terre. C'était la seule manière de faire fonctionner le monde. Penser à ces personnes distrayait Kayla. Elle savait qu'ils ne comprendraient jamais leur importance dans le système, ce qui la décevait grandement, mais elle ne pouvait rien y faire. Alors qu'elle passait l'un des nombreux couloirs de la station, l'esprit de la jeune fille se mit à penser à une ville qu'elle aimait pourtant beaucoup.

     Détroit était revenu à un stade primitif. La plupart des grands immeubles d'autrefois ne dépassaient plus les deux étages. Les nombreux tremblements de terre avaient eu le dernier mot. Les bombardements avaient engendré de nombreux dégâts sur les périphériques des villes. Il n'y avait plus de maisons. Les nombreuses rues de la ville se ressemblaient toutes, elles étaient sombres, froides. Il ne restait que quelques commerces, certains restaurants, un stade occupant les plus jeunes et un conservatoire. Les personnes qui vivaient à Détroit n'étaient pas les plus souriantes, mais malgré cela, Kayla savait qu'ils seraient toujours d'une importance capitale pour l'humanité.

     Sur la station, tout était différent. À la place des rues étroites et insalubres, il y avait un espace dense et surtout particulièrement blanc. L'Orion ressemblait à un ellipsoïde, faite de vitre et de cette couleur très claire. Elle était composée de trois étages différents. Le plus au nord, était nommé « L'étage de l'honneur ». Celui-ci n'était pas destiné à une population de classe moyenne. En effet, ici se trouvait monsieur Caïn, autrement dit, le dirigeant de la station. Il avait un pouvoir absolu. Dix ans plus tôt, lorsqu'il avait pris les commandes, Caïn avait annoncé vouloir réduire le conseil politique en place de cent à dix hommes. Ces dix hommes lui écrivaient ses lois, qu'il adhérait toujours puisqu'il leur donnait généralement les idées. Parmi ces hommes, il y en avait un qui n'était pas chargé de faire des travaux politiques, lui était le scientifique en chef, monsieur Henderson. Il était celui qui jour et nuit, cherchait un moyen de réduire le niveau de radiation de la Terre pour qu'elle redevienne vivable pour tous un jour. Il avait toujours grandement inspiré Kayla, qui ne rêvait que d'une seule chose, réussir le travail pour lequel il voué sa vie.

      Dans ce même étage, on retrouvait la salle de conseil, où se réunissaient les politiciens. Avec cela, il y avait la salle de contrôle. Cette pièce était interdite d'accès. Il n'y avait rien d'officiel, mais nombreux disaient y retrouver de nombreux écrans, ayant la possibilité de diriger ce qui était ou non diffusait dans la station, que ce soient des messages sonores, ou visuels. De plus, on pouvait avoir accès aux caméras de surveillance de toute la station, ainsi que celle de Détroit. Ce niveau comportait pour finir les appartements des dirigeants.

      Le deuxième étage, qui se situait au centre, était le plus grand de tous. Il y avait les appartements de tous les habitants de la station, leurs lieux de travail, des restaurants et multiples moyens de divertissements. Cet étage était aussi lumineux que le premier, le sol et le plafond était blanc. Les murs extérieurs étaient faits de vitres, et enfin, les murs étaient encore une fois composés de cette couleur neige. C'était surtout dans ce lieu même que Kayla se trouvait. Elle se dirigeait tout droit vers l'école des élites, après avoir traversé toute la station depuis son lieu de vie. L'Orion était si grande, qu'il fallait parfois des dizaines de minutes pour aller d'une zone à une autre, mais cela ne les gênait point. La plupart des habitants y étaient habitués.

     Enfin, le dernier étage, qui se trouvait en dessous des autres, était surnommé « la zone interdite ». Elle n'était pas restreinte d'accès, mais personne ne voulait y mettre les pieds. On retrouvait une prison, juste à côté de la salle des moteurs. Ce lieu était très grand et dangereux. Les moteurs de l'Orion étaient exposés, alors le risque de blessure était démesuré. Un peu plus loin, il y avait la salle atterrissage des navettes. En face de cela, il y avait des escaliers, permettant de monter au niveau supérieur. Le dernier lieu que l'on pouvait trouver était une grande salle, dans laquelle se jugeaient les crimes, les trahisons. Mais très peu de personnes finissaient par ressortir de cet endroit, personne ne savait pourquoi.

     Après avoir pensé à sa petite vie durant ses quelques minutes de trajets, Kayla regarda les portes de son école. Elle était arrivée. Les prochaines minutes de sa vie seraient déterminantes. Elle allait enfin savoir si elle pouvait atteindre ses rêves, devenir comme son père. Kayla Henderson deviendrait la relève de la science terrestre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Elciva ^^ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0