Chapitre 7

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7

Nerfs à vif

J'ai troqué mon costume pour un simple jeans noir et un t-shirt blanc sous ma veste militaire. Je me sens bien mieux dans ces vêtements qui m’offrent la banalité et la discrétion.

Après avoir fermé derrière moi le petit portillon de la clôture qui délimite la maison, je prends la direction de l'épicerie – qui est aussi le seul magasin de Daree.

J'ai les nerfs en pelote. Pour éviter que mes mains abîmées – par les coups donnés à Max et Anthony – tremblent, je les plonge dans mes poches. Mes pas sont rapides et déterminés. Lorsque je croise de rares passants, je garde la tête baissée, car je ne suis pas très apprécié dans le coin.

J'ai envie de hurler. De courir comme un dératé jusqu'à m'effondrer de fatigue. De me perdre.

Mais je ne le fais pas.


Deux ou trois personnes sont déjà là quand j'arrive à l'épicerie. Le vendeur – un ado de mon lycée qui a pris un boulot à mi-temps – me jette un regard noir lorsque je prends un panier à l'entrée. Ses lèvres bougent en silence. Il détourne le regard quand il remarque que je l'ai observé depuis le début.

« Le monstre ». Des années que ce surnom me colle à la peau.

Et il me fait toujours aussi mal.

Je fais vite et efficace. Des légumes, des féculents, de la viande rouge et du poisson. Mark déteste la viande blanche et les œufs – tandis que je les apprécie bien plus.

Je suis à la recherche du paquet de pâtes le moins cher quand une personne s'approche de moi.

– Zach ?

Roulant des yeux, je baisse la tête vers Lily Rose, qui m'observe d'un air interdit. Pourquoi les gens ont cette manie d'appeler quelqu'un sur le ton de l'interrogation alors qu'ils savent pertinemment qui se trouve devant eux ?

– Lily Rose, soupiré-je sans vraiment masquer l'irritation qui perce dans ma voix.

Les jointures de ses mains fines blanchissent lorsqu'elle serre fort son sac de course.

– Je suis désolée pour ce matin.

– Non, tu ne l'es pas ! rétorqué-je en haussant plus le ton que je n'aurais dû.

Ses sourcils clairs se froncent et les traits délicats de son visage se crispent.

– Tu sais, Zachary, murmure-t-elle d'une petite voix, à part mes parents, Mark, et moi, personne ne se soucie de toi ici.

Je détourne les yeux. Merci, Lily, je suis au courant.

– Tu as vraiment sale mine.

Elle lève la main vers moi. Je bondis aussitôt hors de portée.

L'incompréhension de son visage laisse vite place à l'indignation puis à la colère.

– C'est comme ça que tu me rends la monnaie de ma pièce ? souffle Lily Rose. Moi qui m'efforce de te parler au lycée, de savoir comment tu vas !

– Je n'ai pas besoin de ta compassion, répliqué-je d'un ton aigre.

Mon mouvement de recul a dû être trop brusque, car je me sens soudain extrêmement épuisé. La tête me tourne et mes genoux flageolent.

– Zach ?

Je m'appuie contre une étagère pour reprendre mon souffle. Mon cœur bat comme un fou contre mes côtes – me faisant presque mal.

– Ça va, murmuré-je avant que Lily Rose ne me noie de questions.

Ses lèvres pincées m'indiquent qu'elle ne me croit guère. Tant pis, je n'ai pas l'intention de m'éterniser plus longtemps.

– Tu t'es vu dans un miroir ?

– Tu sais, Lily Rose, soufflé-je en posant les yeux sur elle, c'est difficile de se mater dans un miroir quand on a la mort de quatre personnes sur la conscience.

Sa bouche s'entrouvre, mais aucun son n'en sort. Tant mieux. Je l'apprécie bien mais, aujourd'hui, elle me tape franchement sur les nerfs.

J'ai envie de sortir d'ici. Les murs me semblent plus proches, plus grands, plus imposants. Faut que je prenne l'air, et vite.

– J'y vais, dis-je à Lily Rose sans attendre de réponse de sa part.


– Bonjour, lancé-je en posant mon panier sur le comptoir de la caisse. Vous pouvez mettre un sac, s'il vous plaît ?

Obnubilé par la réaction de Mark, j'ai oublié de prendre des sacs en quittant la maison.

L'ado-caissier me jette un regard mauvais rempli de mépris. Le message est clair « On va faire vite, j'ai pas envie de te voir plus longtemps ». Je règle en vitesse la note, range les courses dans le sac et sors de ce trou.

Enfin, je respire.

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