Chapitre 90

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Nick

Les dents serrées de nervosité, Nick tourne en rond dans sa chambre minuscule de Lake Town. Ses grands frères n’ont pas encore quitté l’appartement, alors il doit se résoudre à dormir dans cette pièce exiguë et mal éclairée. Contrairement à un certain nombre de ses camarades, ses parents ne sont pas riches. Si l’adolescent peut suivre les cours du lycée privé de Lake Town, c’est uniquement grâce à une bourse d’études accordée pour son cursus sportif.

Et voilà qu’il vient peut-être de tout foutre en l’air.


Alors que Nick observe l’écran de son portable, hésitant, son mur tremble sous l’assaut de plusieurs puissants coups de poing.

– T’arrêtes de tourner en rond, la girouette ? gronde Flynn, l’aîné de la fratrie.

– Ouais, ça va ! grogne Nick en retour, les nerfs en pelote.

Il se jette sur son lit, râle de la chaleur moite qui a envahi sa chambre en ce 15 juillet et décide finalement de s’agenouiller par terre. La lumière de son téléphone lui brûle les yeux, dans l’obscurité de la pièce. Il a fermé les volets pour éviter au soleil de taper contre sa fenêtre.

Appelle-le, lui susurre une voix à l’oreille. Mieux vaut qu’il sache.

Avec un juron, Nick sélectionne l’un de ses contacts puis enclenche l’appel.

– Ouais allô ? lâche Anthony d’une voix pâteuse, ensommeillée, au bout de six sonneries.

– Vieux, faut qu’on parle, c’est urgent.

– Je t’écoute, marmonne son ami avant d’étouffer un bâillement.

– Pas au téléphone, murmure Nick d’un air crispé. Faut que je te voie en face-à-face.

Anthony lâche un grognement irrité avant de répondre :

– Nick, t’as vu la chaleur qui fait ? Hors de question que je sorte de chez moi.

– C’est urgent, insiste l’adolescent d’une voix rauque.

– Et cette chaleur est écrasante.

– Tu fais chier ! s’exclame soudain Nick en se levant brutalement. Je te rappelle dans cinq minutes.

Dans un geste rageur, Nick raccroche sans attendre la réponse de son interlocuteur. Avec des mouvements brusques, il récupère une casquette, ses clefs puis va enfiler une paire de baskets.


Une fois arrivé en bas de son immeuble, Nick va s’installer sur l’un des rares bancs épargnés par le soleil. Même assis à l’ombre, l’adolescent se met vite à ruisseler de sueur.

– C’est bon, tu es prêt à tout me raconter, petite chérie ? le raille Anthony dès que Nick le rappelle.

L’adolescent se force à ne pas immédiatement le couvrir d’insultes. Le sujet est trop délicat pour ça.

– Pourquoi tu pouvais pas me parler directement ? marmonne Anthony d’un ton presque accusateur.

– Parce que je voulais être sûr que personne entende notre conversation. Mais, c’est bon, je suis descendu en bas de chez moi.

– C’est si craignos que ça ? comprend Anthony avec un soupir.

– Ouais. Écoute, Elliot m’a appelé hier.

– Qu’est-ce qu’il voulait, cet imbécile ? maugrée aussitôt son interlocuteur d’une voix agacée.

D’un geste de la main, Nick s’essuie le front. Il est déjà en nage.

– Mr Dalton, le prof d’histoire, est passé le voir. Il lui a demandé si Elliot nous avait vus la nuit du 20 au 21 juin. (Anthony jure tout bas.) Elliot n’a rien dit, je te rassure, mais il pense que Mr Dalton a compris qu’il était au courant de quelque chose.

– Quel abruti, siffle Anthony d’un air mauvais.

– Je sais, approuve Nick d’un ton las. Mais bon, au moins, il a pas craqué. Pour l’instant, ni la police, ni les profs, n’ont de preuves. Tant que Elliot reste serein, tout va bien se passer.

– Et tu crois qu’il va rester serein ? Il a déjà craqué une fois.

– Oui et on lui a offert une seconde chance pour qu’il puisse se racheter. (Nick se penche en avant sur le banc et ajoute rapidement :) Écoute, Anthony, actuellement, Elliot est dingue de nous. Tu le connais, il a besoin d’être entouré, de se sentir accepté. Et on lui a servi sur un plateau tout ça. C’est impossible qu’il nous trahisse à nouveau.

Moyennement convaincu, Anthony ne répond rien. D’un ton qui se veut persuasif, Nick ajoute :

– Eh, mec, regarde : Elliot m’a appelé hier pour tout me raconter. Tu crois qu’il l’aurait fait s’il voulait pas rester pote avec nous ? Il nous fait confiance, il nous soutient. Il a besoin de nous, alors il peut pas nous abandonner.

Anthony lâche un rire jaune.

– Ouais, il peut pas nous abandonner, car il est dans la même merde que nous. Cet imbécile est complice d’une tentative de meurtre. Tu m’étonnes qu’il ferme sa gueule.

La gorge serrée, Nick ne répond rien.

– T’as perdu ta langue ?

– Nan. C’est juste que… j’ai peur que la police ou les profs cuisinent Elliot. J’espère qu’il tiendra.

– Il a intérêt, grogne méchamment Anthony. Ce petit con… Si jamais il parle, je m’occuperai de lui.

– Dis pas n’importe quoi, râle Nick en roulant des yeux. Faut lui faire confiance. Et espérer que la police ne trouve rien.

– Ils ont rien trouvé, pour l’instant, le rassure Anthony d’une voix plus posée.

Pour l’instant, insiste Nick d’un ton moins assuré. Mec, t’as conscience des problèmes qu’on va avoir si jamais ils nous chop…

– Nick, le coupe brutalement son ami, tu t’inquiètes pour rien. Ils n’ont aucune preuve.

– Ils doivent se douter de quelque chose, affirme l’adolescent en serrant les dents. Tout le monde au lycée savait qu’on emmerdait Zach.

– Ça suffit pas pour inculper quelqu’un.

– Je sais bien. Mais… écoute, désolé, Anthony, je sais que je m’inquiète beaucoup. Mais cette chaleur, cette attente… J’angoisse.

– Pas de problèmes, ment Anthony d’un ton égal.

Nick esquisse un sourire dépité. Il ne compte pas sur son ami pour lui remonter le moral ou le soutenir. Leur amitié est assez… paradoxale.

– Nick, reprend soudain Anthony d’une voix insistante, l’important, c’est ce qu’on a fait. C’est sûr que ça aurait été mieux si ce connard y était resté, mais… au moins, il est dans le coma. Il nous fera plus chier à la rentrée. On aura plus à supporter sa gueule de demeuré.

– Je sais, souffle Nick d’une petite voix.

Quelques secondes de silence passent entre les deux adolescents. Après avoir soupiré, Nick change son téléphone d’oreille puis déclare :

– Bon, aller, vieux, je te laisse. Tu pars en Australie avec tes parents, c’est ça ?

– Ouais, on prend l’avion demain soir.

– Super, profite bien.

– Toi aussi. Bonnes vacances.

Nick raccroche avec un rictus grimaçant. Comme si ses parents avaient les moyens de les emmener autre part que dans le camping miteux d’une ville alentour.

La seule chose qui attend Nick, c’est l’angoisse et l’incertitude d’un été suffoquant.

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