Chapitre 28

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Les nouveaux

Mon cerveau me hurle de m’enfuir tandis que je fais face aux regards de Lily Rose et Dante. Celui de la première est perplexe et légèrement inquiet ; celui du second est curieux et impatient.

Je n’ai la force d’affronter aucun des deux.

– Je… (Ma voix est frêle comme les premiers pas d’un bambin.) Je dois y aller.

Sans attendre de réponse de leur part, je fais demi-tour et sors de la cafeteria. Quelques élèves me jettent un regard étonné au passage. J’entends Lily Rose m’appeler en criant, mais je l’ignore.

Dante sait qui je suis. Ou plutôt qui j’étais. Que dois-je faire ? Me voit-il comme un sale délinquant à ne pas fréquenter ? Comme une connaissance qui lui permettra de mieux s’intégrer ?

Bordel, je ne sais pas quoi faire ! Ce Dante peut être mon pire ennemi, un fantôme du passé venu tout détruire, ou mon meilleur ami, une ancienne connaissance qui pourra comprendre les épreuves que j’ai surmontées.

Ma course se finit devant la salle d’histoire. Ma matière préférée. Mon prof préféré : Mr Dalton. La porte est entrouverte. Doucement, je toque puis la pousse. Mr Dalton ne m’a pas entendu, penché à son bureau sur des copies d’élèves, ses lunettes sur le bout du nez. Ses rares cheveux sont grisonnants et il a de l’embonpoint.

– Mr Dalton ?

Il relève des yeux bleu-gris vers moi. Sa bouche se plie en sourire bienveillant lorsqu’il me reconnait. D’un mouvement de la main, il m’invite à me rapprocher. Je m’exécute.

– Qu’est-ce qui t’amène une heure en avance ?

– Des questionnements, je réponds d’un air vague.

Pendant quelques secondes, il m’observe par-dessus ses lunettes puis replonge le nez dans ses copies à corriger en constatant que je ne dis rien. Je souris. C’est pour ça que j’aime Mr Dalton : quand il sait que des élèves ont des soucis, mais qu’ils ne veulent pas en parler, il ne les force pas à le faire. Mr Dalton connaît mon passé. L’un de mes rares professeurs dans cette situation, d’ailleurs. Depuis le début, il m’a toujours soutenu et encouragé à faire de mon mieux pour m’ouvrir le plus de voies possibles.

Cet homme m’inspire. J’aimerais devenir comme lui ; pouvoir aider des jeunes, leur donner envie de continuer malgré la difficulté. Je suis conscient de la chance que j’aie eue avec Mark et les autres. J’aimerais rendre la monnaie de ma pièce. Je ne sais juste pas comment m’y prendre.


Une dizaine de minutes plus tard, je me suis installé à ma place habituelle pour travailler un DM de géographie. J’ai attaqué mon introduction quand quelqu’un toque à la porte puis entre.

– C’est ici pour le club d’arts plastiques ?

Intrigué, je lève les yeux vers la nouvelle venue, une fille que je n’ai jamais vue. Ça, j’en suis certain. Je pense que ses cheveux teints en rouge mat, ses collants troués et son sac à dos recouvert de logos de groupes de rock auraient retenu mon attention.

– Non, mademoiselle, répond Mr Dalton avec courtoisie. C’est en face, avec Mme Jolls. Vous êtes nouvelle ?

– Oui, affirme la fille d’un air embarrassé. Désolée de vous avoir dérangés.

– Pas de soucis.

Avant de partir, elle se retourne et croise mon regard. Une seconde plus tard, elle est partie.

Mais ses yeux noisette n’ont pas quitté mon esprit. Ni ses lèvres charnues mises en valeur par un rouge vermeille. Ni le charme de ses traits qui me rappellent ceux de quelqu’un d’autre.

Alors je comprends. Cette fille, c’est la sœur jumelle de Dante.


Quand la fin de la pause sonne, je range mon devoir et sors mes affaires d’histoire. Mr Dalton corrige une dernière copie tandis que la salle se remplit au fur et à mesure.

Comme d’habitude, je garde les yeux baissés pendant que mes camarades s’installent. Néanmoins, une tape sur l’épaule me les fait relever.

– Salut, dit Dante d’un ton gêné.

Je le dévisage sans rien dire. Oui, la fille de tout à l’heure et lui se ressemblent beaucoup. Ils ont le même nez fin, le même menton pointu, les mêmes traits plein de charme, la même lueur rieuse dans les yeux.

– Je suis désolé pour tout à l’heure, ajoute Dante en faisant la moue. Je ne voulais pas te brusquer. Lily Rose m’a expliqué… ce qui s’était passé il y a cinq ans.

À ces mots, mon cœur se fige dans ma poitrine et mon sang se glace.

– Alors tu sais tout, finis-je par marmonner d’une voix atone en baissant le menton. Je suis un meurtrier, un monstre, un être sans pitié et sans cœur.

Il y a un silence puis Dante éclate de rire. Stupéfait, je relève la tête et le fixe, mortifié, jusqu’à rires finissent par m’agacer.

– Qu’est-ce qui te fait rire comme ça ?

– Ben… ce que tu as dit. Enfin, Zach, si tu étais vraiment ce que tu affirmes, tu crois vraiment que Lily te considérerait comme son meilleur ami ? Que… ce Mark Grace t’aurait adopté ?

– Eh bien… ce sont des personnes généreuses qui se donnent pour les autres. C’est pour ça.

Posant les mains de part en part de ma table, il se penche vers moi jusqu’à ce que sa proximité devienne gênante.

– C’est marrant, mais t’as pas la tête d’un monstre. (Il me fait un clin d’œil.) C’est même plutôt le contraire. On dirait un ange avec tes yeux bleus et ta peau très claire.

Cette fois, je suis clairement embarrassé. On m’a rarement fait de compliments physiques – il faut dire que je n’ai jamais flirté – et je ne m’attendais pas à ce que les premiers viennent d’un garçon.

– Alors, toutes ces idioties, comme quoi tu serais un monstre, un sale meurtrier, un être impitoyable… (Il se redresse et hausse la voix pour que toute la classe entende.) Ce sont des conneries.

Nos camarades lui jettent des regards étonnés, curieux et perplexes. Ils nous dévisagent à tour de rôle, se demandant sûrement d’où sort ce gars et pourquoi il prend ma défense devant tout le monde.

– Je m’appelle Dante McKinney, déclare celui-ci en s’avançant devant la classe. Je suis nouveau. Je suis à peu près le même cursus que vous. J’ai une sœur jumelle, Jessica, mais qui suit des cours plus artistiques avec de la littérature. Voilà, j’espère qu’on s’entendra tous bien.

Les autres élèves le dévisagent, muets de surprise, tandis que Dante va s’asseoir à une place libre devant moi. Alors qu’il vient de s’installer, il se tourne vers moi, pointe un doigt dans ma direction et déclare haut et fort :

– Et Zach est mon ami. Peu importe ce que vous dites ou pensez de lui, vous vous trompez. Ce gars est génial. Il a fait des conneries dans sa jeunesse, mais il est sûrement plus mature que vous tous réunis ici. Alors ne soyez pas bêtes et apprenez à le connaître avant de le juger.

À vrai dire, là, c’est à moi qu’il vient de clouer le bec. Quand il voit mon expression ébahie, il m’adresse un nouveau clin d’œil et se tourne pour sortir ses affaires de son sac.

Dante est plus petit que la plupart des autres garçons, plutôt gringalet, nouveau, mais il a suscité l’intérêt de toute la classe avec quelques phrases.

Quand Mr Dalton annonce le début du cours, j’esquisse un petit sourire en coin pour moi-même. J’apprécie déjà ce Dante.

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