Train de pensées

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Lyse Longpré a dit : « La foule est une solitude. »


Debout, appuyée silencieusement contre le poteau de l'arrêt de bus, j'observe les passants, et je songe à cette phrase. Avant ce jour, c'est drôle, je ne m'y étais jamais vraiment attardée. Pourtant, c'est vrai... Je suis là, au milieu d'une multitude de personnes que je vois et qui me voient, mais nous ne nous connaîtrons jamais. Un bref coup d’œil sur un visage aussitôt oublié, et la vie reprend sa course infernale.

Oui, à ce moment précis, je me rends compte que la vie est bel et bien une course. Les gens sont pressés, tous autant qu'ils sont. Les conducteurs fatigués klaxonnent sans vergogne au feu rouge à peine devenu vert ; des hommes marchent rapidement, écouteurs dans les oreilles pour oublier où ils sont, ce qu'ils font, et ne pas faire attention au monde qui les entoure ; des femmes tiennent leurs enfants par la main, les tirent, les grondent parce qu'ils ne vont pas assez vite ; la bouche de métro, sur ma gauche, crache et avale un flot informe de personnes mêlées qui montent, descendent, se pressent, et parfois s'arrêtent. Ils sont pris dans cette course contre la montre, ce sprint pour vivre chaque minute sans en gâcher une seule.

Moi, j'attends seulement quelqu'un. Une personne que je n'ai jamais vue, c'est une première rencontre. Mon cœur s'affole, mes yeux cherchent et fouillent cette masse inconnue qui tourne et me donne le vertige.

Deux petites filles comptent leurs sous, à quelques pas de moi. Elles se demandent sans doute si elles auront assez d'argent pour acheter quelques bonbons. En face, un homme vend des fruits à côté d'un kiosque où s'entassent journaux et souvenirs. A droite, des gens se pressent les uns contre les autres : le bus arrive. Ils se précipitent dès que les portes s'ouvrent, valident leur titre de transport, et cherchent une place où s'asseoir, une place où se blottir.

Moi, je reste sur place. J'attends toujours. Et j'observe cette foule d'étrangers qui ne me connaîtront jamais, que je ne connaîtrai jamais.

Le temps me semble long. Il s'étire, tourne, plane, m'épuise. Les battements de mon cœur s'accélèrent alors que je pense à tout ceci. A la drôlerie de l'existence emmaillotée dans la vie quotidienne. Nous passons notre vie à courir dans toutes les directions, ne prenant le temps d'accorder aux autres qu'un regard si bref qu'il n'existe pas à l'échelle du temps.

Alors je pense à cette phrase. La foule est une solitude. Je suis là, entourée de ces centaines de visages éphémères, et pourtant je suis seule, étrangère, inconnue. J'attends seulement quelqu'un.

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