Chapitre 13 (première partie ) : Le petit rassemblement

11 minutes de lecture

Après la naissance du bébé d'Atania, Grak donna l'ordre des préparatifs pour nous rendre au petit rassemblement. Nous profitâmes aussi de ces belles journées pour vider tous les abris, trier, ranger, nettoyer, choisir les petits cadeaux que nous offririons à nos amis et proches, préparer toutes nos affaires pour le rassemblement. J'aidai ma mère au mieux, mais elle sollicita aussi Kari, arguant qu'il était grand temps pour elle d'apporter de l'aide. Elle se montra assez présente pour cela, mais ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'était veiller sur Kourag pendant que j'aidais Gourn et ma mère. Arouk n'était pas en reste non plus pour tout ce qui avait trait au rangement et au nettoyage de l'abri et son aide fut bienvenue.

Il prépara aussi le travois, réutilisant celui qui nous avait permis de ramener une grande partie de nos affaires depuis notre petit abri. En le consolidant quelque peu, il remplirait parfaitement son office.

Tout en nous activant, il m'arrivait de penser à l'été précédent, à ces mêmes journées au cours desquelles nous nous étions pareillement préparés pour le grand rassemblement. Tant de choses s'étaient produites en si peu de temps... J'avais rencontré Arouk, j'avais rencontré l'homme de mon foyer. Nous n'avions pu nous unir, mais nous avions passé une grande partie de l'hiver ensemble, affrontant les dangers, partageant le quotidien. J'avais porté et mis au monde un bébé et maintenant, nous allions retrouver deux autres clans, revoir des amis et des proches et nous allions pouvoir nous unir. A notre retour, un nouveau pas serait franchi lorsque notre Grande Mère consacrerait notre foyer et que nous pourrions y emménager.

Un jour que ma mère n'avait plus vraiment besoin de moi, portant Kourag endormi contre mon ventre - j'avais utilisé une douce peau de renne, suffisamment grande pour la nouer autour de mon cou et garder ainsi le bébé contre moi tout en ayant les mains libres -, je me rendis auprès de Tyma. Je voulais lui demander si elle avait besoin d'un peu d'aide pour préparer ses affaires. Elle avait fait le choix de se rendre, cette année encore, au rassemblement. Parfois, les gens trop âgés ou les femmes avec de tout jeunes enfants, les malades, restaient au campement d'hiver. Quelques personnes demeuraient avec eux, pour leur assurer soins et nourriture et il arrivait que l'on se relaie pour cela et que la Grande Mère revienne aussi si besoin. Mais, comme l'an passé, personne ne demeurerait au campement d'hiver. Même Ilya pourtant vite fatiguée par sa grossesse, même Atania avec ses deux petits garçons et moi-même avec Kourag, même Tyma et un ou deux autres de nos aïeux, feraient le déplacement. Grak avait prévu que nous cheminerions lentement, pour ne fatiguer personne, et qu'au lieu des deux étapes nécessaires pour rallier le campement d'été, nous en ferions trois.

Nous partîmes par un beau matin ensoleillé. Il faisait bon, mais un vent léger soufflait, qui nous éviterait de souffrir de la chaleur au cours de la journée. Même en allant lentement pour ménager les plus faibles, nous pouvions espérer faire une belle étape. Alors que nous étions tous rassemblés à la limite du campement, Grak et la Grande Mère consacrèrent les lieux, appelant les esprits à veiller sur nos demeures durant notre absence. Puis nous nous mîmes en route.

Pour cette première partie du chemin, nous remontions un peu vers l'amont, un peu au-delà du petit bois, pour y trouver un gué large et sûr. Une fois que nous eûmes traversés, nous longeâmes la rivière sur l'autre rive, repassant près de notre campement, avant de poursuivre notre route vers l'aval sur une longue distance. Nous marquâmes une première étape, pour la première nuit, alors que nous étions encore le long de la rivière.

Les hommes et les femmes qui n'avaient pas à veiller sur de jeunes enfants montèrent alors les petites tentes qui nous servaient d'abri durant nos déplacements d'été. Cette année, Arouk et moi aurions la nôtre, nous ne partagerions pas celle de mes parents. Ils nous avaient laissé l'ancienne, à la fin du grand rassemblement, et nous l'avions réutilisée en partie pour construire notre abri d'hiver, nous servant notamment des peaux. Au cours de l'hiver, Gourn et ma mère avaient réalisé une plus petite tente, pouvant les abriter avec Kari. Arouk avait agrandi et réparé celle dont nous nous étions servis pour revenir auprès des nôtres. Elle serait suffisante pour nous deux et le bébé.

Comme d'autres, Arouk s'activa à l'installer alors que, assise sur une peau, je nourrissais Kourag. Puis je le changeai et, le portant toujours contre moi, j'entrepris ensuite d'aider à la préparation du repas. Grak avait fait allumer un seul grand feu autour duquel nous avions installé nos couchages et nos tentes. Mais pour éviter que des animaux ne viennent rôder, quelques autres feux furent allumés autour du campement. Ce n'étaient que de petits feux, juste utiles pour repousser des carnassiers trop curieux.

Chacun apprécia la soirée et ces quelques heures de détente après une journée de marche. Ilya et Kaarg s'étaient installés près de nous et mon amie me parut moins fatiguée qu'au cours des journées précédentes. Je m'en réjouissais car j'imaginais bien combien il pouvait être difficile pour elle d'entreprendre ce déplacement jusqu'au rassemblement d'été. Mais je pouvais tout autant comprendre son envie d'y participer et de retrouver les siens, de mettre son enfant au monde en présence de sa famille, de sa mère et de la Grande Mère de son clan.

**

Nous cheminâmes ainsi durant deux autres journées, en traversant la grande plaine. Après notre première étape, nous avions en effet bien vite abandonné la rivière, pour avancer en direction du zénith. C'était facile de se rendre au petit rassemblement d'été du Clan de la Louve : pour de bons marcheurs, en moins d'une journée, ils pouvaient atteindre le coude de la rivière qui nous servait de repère pour obliquer alors. Ensuite, toute une journée de marche était nécessaire à travers la grande plaine et, ensuite, on pouvait arriver au lieu du rassemblement. Comme prévu cependant par Grak, nous nous arrêtâmes dans la plaine, près d'un petit ruisseau, pour une deuxième nuit d'étape. Et ce fut en fin de matinée du troisième jour après avoir quitté notre campement d'hiver que nous arrivâmes en vue du rassemblement d'été.

Les gens du Clan de la Louve étaient déjà présents, ce qui n'avait rien d'étonnant puisque c'était sur eux que reposait la charge d'organiser ce rassemblement. Ceux du Clan du Renne nous rejoindraient deux jours plus tard, mais, pour l'heure, nous pûmes laisser libre cours à notre joie de revoir plusieurs des nôtres et, pour notre part, en tout premier lieu, Lorg et Oda.

En me retrouvant, mon frère me serra fort dans ses bras et s'extasia devant Kourag.

- Tu as déjà donné naissance à un bébé, Ourga ! s'exclama-t-il. Il est encore petit...

- Il n'a pas tout à fait encore une lune, répondis-je avec un grand sourire.

Lorg resta silencieux quelques instants, puis dit :

- Tu le portais déjà à la fin du rassemblement.

- Oui. Mais je ne le savais pas... Je l'ai compris après. Peut-être est-ce pour cela, aussi, que j'ai tant voulu rester avec Arouk.

Mon frère ouvrit de grands yeux.

- Tu as passé l'hiver avec lui ? Alors que...

Il s'arrêta, secoua la tête et sourit :

- Je suis certain que tu as beaucoup de choses à me raconter. Nous n'allons pas commencer maintenant, sinon, nous ne pourrons plus nous arrêter de parler. J'ai installé notre tente par là-bas, il y a de la place pour celle de maman et Gourn. Et... pour toi et Arouk, aussi.

Puis il ajouta, avec un grand sourire :

- Oda aussi attend un bébé. Il naîtra peut-être avant la fin du rassemblement... mais nous n'en sommes pas très sûrs.

- J'en suis ravie ! dis-je. J'espère que ce sera avant la fin du rassemblement, qu'on puisse le voir... Où est Oda ?

- Sous notre abri. Elle se repose un peu, mais je pense que votre arrivée l'aura réveillée et qu'elle nous rejoindra bien vite. Mais je vais vous aider à vous installer.

Après m'avoir étreinte, Lorg prit notre mère dans ses bras. Elle était vraiment heureuse de le revoir, et réciproquement. Puis il salua Gourn et Arouk et nous le suivîmes jusqu'à sa tente. Je vis d'emblée qu'il avait bien choisi son emplacement et qu'il y avait effectivement de la place pour installer deux autres abris à côté. Un petit foyer se trouvait là également et selon la façon dont nous disposerions nos tentes, il se retrouverait entre nous tous, comme un foyer commun.

Ilya, Kaarg et les parents de ce dernier s'installèrent un peu plus loin, mais là où il restait de l'espace dégagé et où les gens du Clan du Renne viendraient s'installer. Ainsi, Ilya pourrait être proche de ses parents.

Gourn, Arouk et ma mère s'employèrent bien vite à installer nos abris. Les gens du Clan de la Louve, même s'ils étaient peu nombreux, avaient ramené aussi de nombreux pieux et des pierres pour faciliter notre installation. Dès que nous en aurions tous terminé, nous les aiderions à en apporter d'autres pour permettre aux derniers arrivants de trouver le nécessaire à leur installation. Ils avaient aussi mené une première chasse et de beaux morceaux de viande cuisaient au-dessus des principaux feux. Dès que nos abris seraient montés, nous pourrions alors tous prendre un repas en commun.

Lorg aida bien entendu à monter nos deux abris, et, pendant ce temps, je m'installai près du foyer. Oda ne tarda pas à sortir de la tente et vint me rejoindre. Nous nous étreignîmes avec joie et ma mère s'arrêta un instant pour faire de même. Son ventre était moins proéminent que celui d'Ilya, mais ma mère dit que cela ne signifiait pas grand-chose. L'important était le nombre de lunes sans saignements pour déterminer la période de la naissance, pas la taille du ventre.

Nous nous installâmes donc toutes les deux à discuter, elle me posa de nombreuses questions sur ma grossesse, mais je tus, pour l'heure, la façon dont Arouk et moi avions vécu durant tout l'hiver. C'était un récit que je voulais partager avec Lorg et il était trop occupé pour m'écouter tranquillement. Je voulais aussi qu'Arouk puisse participer à la discussion, car mon frère poserait certainement bien des questions sur notre abri, la façon dont nous avions vécu, les possibilités de chasse et d'approvisionnement qui s'étaient offertes à nous.

**

Ce fut chose faite peu après, une fois que nous fûmes tous installés. Nous prîmes place autour du foyer, Gourn et Lorg rapportant de beaux morceaux de viande qui avaient cuit sur les deux grands foyers centraux du campement. Ma mère et moi avions préparé quelques pousses et légumes en accompagnement et Oda avait sorti des fruits qu'elle avait cueillis le matin-même.

Ce fut un repas très animé, au cours duquel nous fûmes bien curieux les uns et les autres d'en apprendre plus sur ce que chacun avait vécu au cours de l'hiver. Kari posait de multiples questions à notre frère et s'intéressa aussi vivement au futur bébé d'Oda, racontant avoir été témoin de la naissance de Kourag. De là, nous en vînmes, Arouk et moi, à expliquer à Lorg et Oda comment nous avions vécu. Nous tûmes cependant l'épisode du banni, mais je ne cachais pas à mon frère l'attaque du lynx, ni le fait que nous avions été durant plusieurs nuits entourés par une horde de loups.

- Les esprits de nos clans tournaient autour de vous, fit-il à ce moment de notre récit.

- Oui, dis-je. Et Arouk a conservé la fourrure du lynx qui m'a attaquée, pour en faire une petite couverture pour Kourag. Il pourra dormir dedans encore tout l'hiver prochain, même s'il grandit.

Lorg sourit.

- Et vous êtes revenus au clan peu après, alors ?

- Oui, répondit Arouk. Je voulais mettre Ourga et le bébé à l'abri. Les animaux sortaient de leurs abris, commençaient à chercher de la nourriture, plus rare... Et tant qu'il était encore possible de cheminer assez aisément, je voulais la ramener. Plus tard, au moment de la fonte des neiges, cela aurait été plus difficile de cheminer, et le bébé aurait été plus lourd. Je pensais devoir retourner à l'abri, pour ne revenir qu'au début de l'été.

- Mais la Grande Mère et Grak en ont décidé autrement, intervint Gourn. Et ils ont bien fait. Arouk devait rester avec Ourga et continuer à veiller sur elle, comme il l'avait fait jusque-là. Et sur le bébé aussi.

- Tu as pu assister à la naissance, alors ? demanda mon frère dont le regard se mit à briller, s'adressant ainsi à Arouk.

- Oui, répondit celui-ci, et j'en suis très heureux.

- Tout s'est bien passé, dis-je. J'espère maintenant que nous verrons naître votre bébé aussi, ajoutai-je en souriant.

- J'ai hâte de ce moment, oui, dit Lorg. Notre Grande Mère a déjà consacré un arbre, à proximité du campement, car plusieurs naissances auront lieu durant le rassemblement.

- Ilya sera sans doute la prochaine, dis-je.

- A moins qu'il y ait aussi des femmes du Clan du Renne qui soient proches de l'accouchement, fit remarquer Oda. Nous verrons bien quand ils arriveront.

- Tout à fait, dit ma mère. Il y aura beaucoup de réjouissances à venir cet été.

Lorg sourit et me dit :

- Et la première à venir sera très certainement votre union. Ce sera la première des grandes cérémonies à se dérouler.

Je tournai mon visage vers Arouk, assis à mes côtés. Il me regarda un bref instant. Il était difficile d'oublier la cérémonie à laquelle nous n'avions pu participer l'an passé. Mais j'étais bien décidée à m'unir à lui cet été.

- Il n'y aura pas de mauvais esprits à tourner autour de cette cérémonie, dit Lorg devinant bien les raisons de notre petit silence. Personne parmi notre clan n'a pensé qu'Arouk était coupable de ce dont on l'accusait.

Oda hocha la tête en signe d'assentiment.

- C'est juste, ajouta-t-elle. Nous en avons parlé aussi en revenant du rassemblement. Beaucoup de gens ont manifesté leur soutien à Lorg, même s'il était touché indirectement.

- C'est vrai, reconnut mon frère. Nous avons reçu des messages d'encouragement et de réconfort, car je craignais pour toi, Arouk. Je me rassurais en me disant que tu étais bon chasseur, bien organisé, et que tu trouverais certainement un abri sûr, que tu ne faillirais pas aisément. Mais cependant, c'est toujours très risqué de se retrouver seul tout un hiver. Et maintenant... maintenant que je sais qu'Ourga a été avec toi, j'en ai presque plus peur encore !

- Mais nous allons bien, dis-je. Il y a eu des moments très difficiles, mais dans l'ensemble, nous nous sommes bien organisés.

Et mon frère se mit alors à nous poser de nombreuses questions sur notre abri, sur la façon dont nous gardions nos provisions, bref, sur notre organisation quotidienne. J'abandonnai la discussion à un moment donné, car Kourag réclamait son repas. Puis, comme il s'endormait, j'en profitai pour faire de même afin de pouvoir participer un tant soit peu à la première soirée que nous passerions avec les gens du Clan de la Louve.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0