The morning's end

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— Je te paye un dernier verre ? me demanda-t-elle goguenarde.

Je compris vite l'allusion, j'avais depuis longtemps vu clair dans son jeu.

— Ou autre chose, si ça te dit...

Je souris à la belle quinqua qui me déshabillait littéralement du regard, et qui m'aurait bien violé sur place, au beau milieu de la boîte si elle avait pu.

Elle avait passé la soirée à m'allumer, à enflammer mon falzar en frottant son corps drapé d'une robe fourreau trop courte et trop décolletée contre le mien. Et c'est vrai qu'elle était encore plutôt bandante, la salope !

— Je suis bien trop cher pour toi, Linda...

Elle se leva avec grâce et détermination de la banquette en velours pourpre pour venir se planter devant moi, sa main caressant mon entre-jambe raidi de désir et ses lèvres écarlates me murmurant à l'oreille ces mots :

— Ose me dire, mon mignon, que je ne te fais aucun effet... Tu peux me mentir, bien sûr, mais ta queue, elle, ne simule pas...

Elle retira sa main et s'éloigna légèrement, à un souffle de ma bouche, ses grands yeux bleus plongés dans les miens.

— Tu représentes tout ce que je n'ai plus, la jeunesse, la tentation et la luxure... Ma voiture est garée à deux pas, dans le parking.

— Tu ne connais même pas mes tarifs !

— Je m'en fous de tes tarifs, t'as pas compris ? Tout ce que je veux, je l'obtiens, quitte à y mettre le prix. Et c'est toi que je veux, Jonas. Toi.

Je jetai discrétos un œil à ma montre. Dans moins de deux heures, il me faudrait rentrer, feindre d'être de retour d'un banal travail nocturne. Embrasser tendrement ma femme et m'endormir sans lui faire l'amour. Elle ne m'en tient pas rigueur depuis le temps. L'amour, on le fait quand elle se pause-méridienne à 11 heures 45, un cinq à sept matinal juste avant l'heure du déjeuner.

Deux heures, c'était jouable, même en misant sur des préliminaires qui s'éternisent ou sur un rappel d'après-spectacle en nu improvisé.

Linda avait déjà repris son sac et son manteau d'hermine au vestiaire, et moi j'étais encore planté là, au bord du dance-floor. Elle me tendit la main.

— Tu viens ?

Le gigolo que je suis ne se fit plus prier, j'avais moi aussi très envie d'elle.

La rue, la nuit, la lumière criarde des réverbères. Je la baisais. Contre un mur, sous une porte cochère. Ça ne pouvait pas attendre. Un coup rapide, juste un amuse-gueule, un apéritif pour patienter. Parce qu'il y avait encore la bagnole, le trajet jusqu'à son appart', l'ascenseur...

La rue, la nuit, la lumière crue des réverbères. Nous marchions côte à côte. Linda était collée tout contre moi, je l'enlaçais, sa tête sur mon épaule. Comme un vrai couple.

La rue, la nuit, les barrières du parking, les néons qui aveuglent comme des flashs. Je ne la vis pas se diriger vers moi, me balancer une gifle.

— A... Anna ? Tu... Tu dors pas ?

J'avais du mal à percuter, à comprendre la situation, à l'envisager comme possible, tellement j'avais cloisonné ma vie, les choses. Ma question était absurde, bien sûr qu'elle l'était. Mais qu'aurais-je pu demander d'autre à ma femme ?

Elle avait le visage ravagé par les larmes et le cœur crevé de jalousie de nous avoir vus enlacés.

Un revers de manche et un sanglot étouffé plus tard, Anna daigna enfin me répondre.

— Non je dors pas ! J'étais avec Mathieu, aux urgences. Il a fait une crise d'appendicite...

L'hôpital... Le parking couvert était aussi celui de l'hôpital ! Bon sang, mais quel con, quel con !

— Mais toi, c'est sûr, t'es trop occupé à t'envoyer en l'air avec ta pute pour consulter tes messages !

Linda s'apprêta à répondre, mais mon épouse ne lui en laissa pas l'occasion :

— Oh, toi, la greluche, on t'a pas sonné ! C'est avec mon mari que tu t’envoies en l’air, mon mari !

— Alors écoutez-moi bien, Madame, rétorqua finalement Linda, on va remettre les choses à leur place : c'est votre homme qui fait la pute, pas moi.

Anna se décomposa littéralement sous mes yeux. Au-delà de la tristesse et de la colère, il y avait l'affront de la trahison. Sans m'accorder un regard, elle me congédia de sa vie et de celle de mon fils en tournant les talons comme on tourne une page.

Deux ans ont passé depuis, et depuis, la fin du matin n'est plus la même. Désormais, elle a le goût amer de la solitude. J'ai beau passer mes nuits à vendre mon corps et me bercer d'illusions, aujourd'hui je sais que l'amour ne s'achète pas...

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