Quatrième Partie :

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Les larmes perlent sur le visage déformé par la douleur d'Hakeem. Les mâchoires serrées, il retient des plaintes dégoulinantes de terreur en se demandant ce qu'il a bien pu faire pour récolter un tel traitement. Même s'il n'est pas fort brave, qu'il abuse de psychotropes pour évincer la platitude de son existence, il n'a pourtant jamais causé de tort à que ce soit. Certes, il n'agit pas toujours convenablement, ignore les mains tendues des sans-abris dans la rue, ne participe pas aux collectes de denrées alimentaires pour les associations de son quartier, mais à son avis, cela ne justifie pas de récolter une telle punition. Oui, il ne sait définitivement pas pour quelle raison il se trouve dans cet endroit terrifiant, face à un homme davantage effrayant.

La blessure à sa jambe, qui saigne avec abondance, le fait presque convulser. Pire encore quand son tortionnaire appuie dessus avec un plaisir marqué sur son visage repoussant. Sergueï prend son pied, trouve une certaine satisfaction face à la vision du corps malmené d'Hakeem qui gigote comme un animal pris au piège. C'est ce qu'il est, une petite chose entravée qui apaise les besoins maladifs de son bourreau.


— Pou... pourquoi faites-vous ça ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ?


Le regard de Sergueï trouve celui de sa victime lorsqu'il relève le menton, une mine carnassière sur le visage. Hakeem frémit, retient le haut-le-cœur qui le menace à nouveau à la simple vue de cet être abominable.


— N'y vois là rien de personnel, s'amuse le tortionnaire en passant son doigt ensanglanté sur ses lèvres abîmées. C'est tombé sur toi, mais cela aurait pu être n'importe qui d'autre. Tu n'as simplement pas eu de chance.


Le dégoût ternit les yeux d'Hakeem tandis qu'il observe son sang maquiller la bouche de l'homme aux iris hétérochromes.


— Vous êtes complétement malade.


Sergueï semble réfléchir un instant, puis se redresse, approche de la desserte et examine les ustensiles les uns après les autres. Il se gratte le menton, tourne entre ses doigts un marteau qu'il repose rapidement et opte pour un pic à glace. Il souhaite voir l'éther s'épancher, la douleur se dessiner sur les traits basanés de sa victime, le craquement des os brisés viendra plus tard, lorsque la folie l'aura amené au point de non retour.


— Malade ? répète-t-il en ricanant. Probable, en effet. Tu n'as pas idée.


Avec flegme, il enserre le poignet d'Hakeem, pose dans sa paume l'arme qu'il a choisi et le met au défi en un regard impassible. Il sait que sa proie ne pourra rien faire à moins qu'il le lui autorise, mais la soudaine détermination qui fait briller ses yeux le divertie grandement. Il apprécie faire cela, donner l'illusion à ses victimes qu'elles peuvent, si elles le souhaitent, se retourner contre lui. Cela fait partie de ses distractions préférées, jouer avec le danger et paraître encore plus fou qu'il ne l'est.

Lentement, il se penche vers le pic qu'Hakeem maintient fermement dans sa main en tentant vainement de l'atteindre. Il y met de la force et de l'énergie, s'acharne pour lever le bras le plus haut possible tout en grognant de frustration de ne pas parvenir à toucher celui qui le terrifie.

L'amusement s'empare de Sergueï qui éclate d'un rire féroce. L'acharnement de sa proie le ravi, le pousse à aller plus loin, alors, il s'incline davantage. Jusqu'à ce que ses genoux touchent le sol et qu'il se retrouve à la portée de l'arme. Hakeem gagne en assurance, persuadé de parvenir à prendre le dessus bien qu'il soit restreint dans ses mouvements. D'un geste brusque, il pointe l'arme vers le visage de son ravisseur, un espoir naît en lui comme s'épanouit une rose au lever du jour. Il se dit, dans son esprit embrumé, que s'il parvient à viser le bon endroit, il le mettra à terre et pourra, sûrement, trouver le moyen de quitter ce cauchemar.

C'est dans la joue de Sergueï qu'il enfonce le pic, tandis que le sang macule déjà la peau marquée. Les doigts tremblants, Hakeem insère davantage la pointe dans le visage de son geôlier qui se laisse docilement faire. La douleur ne l'effraie guère, il ressent un certain plaisir dans la souffrance, un désir brûlant qui le pousse à subir le coup que lui assène sa proie. Oui, Sergueï aime ça au point que son membre palpite entre ses cuisses.

Le regard rivé aux iris dorés d'Hakeem, il sourit, étirant ainsi la plaie, ravivant la douleur et provoquant en lui une lugubre satisfaction. La poigne sur le manche en bois s'affaiblit, se relâche complétement lorsque, horrifié, l'homme à la peau tannée comprend qu'il s'agit d'un jeu tordu qui le répugne au point d'avoir envie de vomir. Ses espoirs nouveaux se volatilisent aussi rapidement qu'ils sont apparus quand Sergueï retire le pic à glace planté dans sa chair.


— Rares sont ceux qui saisissent cette opportunité, ricane-t-il. Tu ne m'as pas loupé, regarde comme ça saigne. Tu as plus de cran que ce que j'imaginais, c'est revigorant.


Le silence s'installe dans l'usine désaffectée, seule la forte respiration d'Hakeem emplie les lieux. Il est tétanisé, sous le choc, envahi par une frayeur sans pareille. Les yeux exorbités, il fixe un point par-delà le corps imposant qui le surplombe, tout en tentant de s'échapper. S'il ne peut bouger pour s'enfuir, il essaie de disparaître mentalement, de se perdre dans des souvenirs tendres et agréables pour oublier l'horreur et cette douleur qui lui brûle la jambe. Pourtant, des bons moments auxquels s'accrocher, il en a trop peu pour s'y plonger tête baissée.


— Sais-tu combien de temps il faut pour se vider de son sang lorsqu'on sectionne l'artère fémorale ? interroge soudainement le tortionnaire en positionnant à cet endroit précis le pic à glace sur le corps d'Hakeem.


Un cri d'effroi s'élève alors que la victime s'agite sur son lit. Il ne souhaite pas avoir la réponse à cette question, ni même être le cobaye d'une quelconque expérience pour définir la durée de l'hémorragie. Des grognements se font entendre, mêlés à des sanglots de détresse et de peur viscérale.


— Ne remue pas ainsi, tu risquerais de te blesser et vois-tu, c'est mon boulot de te faire souffrir.


Le cœur en avance rapide, Hakeem s'immobilise alors que la pointe appuie doucement contre son aine. Sa poitrine se gonfle frénétiquement, sa respiration s'enrage, il est terrorisé.


— Voilà qui est mieux. Il faut donc compter en moyenne quatre à huit minutes pour que la victime se vide de son sang. Mais qu'en est-il de la carotide, à ton avis ? s'enquiert Sergueï en positionnant l'arme contre le cou d'Hakeem.


Une sueur froide lui traverse l'échine alors qu'il fixe la partie indemne du visage de son bourreau. Une peau lisse et sans la moindre imperfection, un iris bleu et presque envoûtant si on omet les dégâts qui recouvrent le reste de son faciès. Apeuré, il laisse son esprit s'égarer, se focaliser sur des détails insignifiants tandis qu'il sent les gouttes rougeâtres qui maculent l'arme couler le long de sa gorge.


— Et si j'essayais ? interroge le meurtrier en semblant se parler à lui même.


La pointe du pique à glace transperce lentement la peau d'Hakeem qui écarquille les yeux. Il geint, essaie de s'éloigner en tirant sur les liens, puis éclate d'un sanglot brutal en serrant les paupières.


— Non, il mourrait probablement trop vite. La conclusion s'avérerait décevante.


La respiration d'Hakeem se raréfie, devient douloureuse lorsque l'air s'infiltre dans ses poumons mais le soulagement l'enserre lorsque l'arme s'éloigne.


— Tu vois, reprend Sergueï, j'avais un plan, comme à chaque fois. Je savais parfaitement comment tes dernières heures allaient s'écouler mais maintenant que je te regarde, ton insignifiance me saute davantage aux yeux et me pousse à agir par instinct. Je me demande ce qui est pire pour toi, je peux me montrer assez impulsif parfois.


Pris d'une pulsion subite, comme pour appuyer ses dires, prouver sa folie fougueuse, l'homme aux trois visages enfonce le pic à glace dans l'œil droit de sa proie. Une traînée d'hémoglobine s'échoue sur les vêtements d'Hakeem alors que son hurlement strident résonne dans l'usine désaffectée. Sergueï, fier de son œuvre, emet un grognement appréciateur face à la souffrance qui malmène son vis-à-vis, ce qui lui provoque un orgasme fulgurant qui souille son caleçon en giclées brûlantes. Le corps tremblant, il se repaît de cette jouissance en frottant son arme ensanglantée sur les draps.





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