Chapitre 6 : Exilée (2)

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A l’extérieur, le soleil avait poursuivi sa course. Bien que la luminosité soit suffisante en cette fin d’après-midi, Vyrian assista à un spectacle surprenant. Le long de sentier, des fibres luminescentes sortaient de terre. Elles tissèrent sous le regard ébahit du biologiste une rangée d’arbres étincelants.

— Qu’est-ce ?

— Des arbres de nuit. Passé le milieu d’après-midi, ils sortent de terre et s’épanouissent au cours de la nuit, les bourgeons éclosent produisant une douce lumière. Puis dès l’aube, les végétaux disparaissent jusqu’au lendemain.

La lumière émise teintait les murs des habitations de nuances chatoyantes. Sous le soleil déclinant, Vyrian eut une nouvelle vue du village. Le ballet de couleurs qui prenait place sous ses yeux l’émerveillait. Il n’avait qu’une hâte, que la nuit s’installe pour qu’il puisse apprécier ce spectacle à sa juste valeur.

Le trajet de retour, lui sembla bien trop rapide. Arrivé devant le foyer de la jeune femme, des cris s’élevèrent de la maison. Le chercheur reconnut sans mal la voix de Yomi, l’autre lui était inconnue. D’après le ton que prenait la conversation, elle devait se disputer avec sa sœur.

— C’est à cette heure-ci que tu rentres !?

Poings sur les hanches, buste en avant et sourcils froncés, Ylméria semblait vouloir faire culpabiliser sa sœur. Pourtant Yomi, y était complètement indifférente.

— C’est Xam, il m’inquiète. Je suis allée voir Dungal pour qu’il me conseille. C’est vrai, je suis en retard, mais je ne regrette rien. Sa vie est plus importante que cette cérémonie arriérée !

Furieuse, Ylméria s’apprêtait à enchainer mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Vyrian vit ses traits s’adoucirent et sa voix se fit plus douce. Le scientifique comprit, qu’au fond d’elle la remarque de sa sœur faisait effet. Yomi profita de cette accalmie pour gravir les escaliers menant à sa chambre.

La pièce était comme elle l’avait laissée : désordonnée. Pour autant, cela ne la gêna en rien pour retrouver ses affaires. Yomi sortit une cape d'une pile d'objets hétéroclites et la secoua pour déloger la poussière qui ternissait la couleur bleu électrique du tissu. Ylméria entra, une cape identique sur les épaules. La jeune femme surprise devant la simplicité de la tenue de sa sœur, la rabroua.

— Tu pourrais faire un effort quand même !

Yomi exaspérée, retourna la situation à son avantage.

— Au risque de nous mettre plus en retard, je n’oserai pas, chère sœur.

La mine renfrognée, Ylméria tourna les talons.

— Je t’attends en bas.

Yomi se saisit de quelques parchemins, attrapa son arme et se précipita à la suite de sa soeur.  A peine avait-elle atteind la cage d'escalier que la voix d'Ylméria lui parvint.

— Oublie pas de vérifier ton équipement ! 

Yomi leva les yeux au ciel et arrêta sa course. Après un instant d'hésitation, elle retourna dans sa chambre, sortit son bâton de son étui et en déclipsa les extrémités. Deux dagues apparurent. D'une main experte, Yomi réalisa une série de moulinets. La lumière du soleil se réverbéra sur les lames, projetant aux quatre coins de la pièce une myriade de couleurs qui se superposèrent à l'ombre de la jeune femme.

D'une torsion de poignet, Yomi lança l'une de ses dagues. L'arme effectua une rotation dans les airs avant de redescendre, pommeau vers le bas, et d'atterrir sur l'extrémité du manche de la seconde arme. Les poignées fusionnèrent. La jeune femme passa son épée à double lames dans son dos et reprit ses moulinets. Elle enchaina par quelques estocades avant de pivoter sur elle-même visant une cible imaginaire. Elle arma son bras, fit coulisser d'un habile mouvement de doigts la partie arrière de son épée, la lame réintégra le manche tournant sur elle-même. Satisfaite, elle envoya sa lance. L'arme ondula dans les airs, avant qu'elle ne se fiche dans le mur, Yomi exécuta une rapide roulade et la réceptionna en se redressant. Elle fit rentrer la seconde lame, exerça une légère torsion de la structure du centre vers les extrémités, la structure suivit ses mouvements et s'arqua, un compartiment s'ouvrit. Yomi saisit la corde et la flèche qui se présentèrent, banda l'arc en direction de la porte. Elle tint cette position pendant quelques instants légèrement essoufflée et décoiffée avant de laisser ses bras retomber le long de son corps.

Un sourire de satisfaction étira ses lèvres. Vyrian se surprit à faire de même. Subjugué par la démonstration, il n'avait pas prêté attention à l'onglet encyclopédique qui s'était ouvert. Ce n'est qu'à présent que l'admiration se dissipait qu'il remarqua les représentations 3D de l'arme. Il pouvait voir les mécanismes qui avaient conduit à une telle ingéniosité. Les matériaux sélectionnés conféraient à la fois à l’instrument souplesse et solidité tout en conservant une légèreté et un bon équilibrage. L’intérieur du bâton se composait de trois compartiments. Les deux compartiments externes permettaient de ranger les lames en actionnant des bagues qui faisaient coulisser les dagues à l’intérieur du dispositif. Le compartiment intérieur quant à lui contenait une corde fixée par des attaches aux extrémités de l’arme. Lorsque la structure de l’arme s’assouplissait, une trappe s’ouvrait et lorsque l’on se saisissait du filament, des parois coulissaient le long du manche libérant progressivement la corde. Des flèches fabriquées dans le même matériau que le bâton devenaient dès lors accessibles, ce qui permettait lorsque la structure de l’arme s’assouplissait de ne pas rompre les flèches à l’intérieur. A ce moment-là une trappe s’ouvrait permettant d’accéder aux projectiles. Il ne restait alors plus qu’à tendre la corde et tirer. Vyrian prit note du nom de la technologie : "arme convertible" et referma l'onglet. Rendu optimiste par la maîtrise de la jeune femme, il s'empressa de faire part de ses espoirs à Mère.

— Si ça se trouve, les Exilés n'auront pas besoin de notre aide. Avec une telle habilité que pourraient-ils bien leur arriver ?

Mère n'eut pas le temps de répondre. Un cri mit fin à la conversation. Yomi se tenait la main, son bâton roulait mollement au sol. Sa peau semblait enfler. Des striures apparurent. D'abord anarchiques, elles s'organisèrent sur le dos de sa main gauche. Un symbole à trois branches apparut. Les ramifications qui le composaient se rejoignaient pour former un triangle. Chaque branche avait une extrémité différente, l’une était constituée d’engrenages, une autre de volutes d’énergie et la dernière d’une double hélice. L'étrange dessin disparut comme il était apparu. Vyrian observa Yomi palper sa main à la recherche d'une douleur résiduelle, rien ne se produisit. L'expression de la jeune femme resta inchangée, aucun cri ne franchit ses lèvres. Elle eut beau regarder sa main sous tous les angles, le symbole n'y figurait plus.

— Qu'est-ce que ...

Yomi ne finit pas sa phrase, se précipita sur son bureau, sortit une feuille et entreprit de dessiner le symbole. Une fois terminé, elle plia le papier et le fourra dans sa poche. Vyrian devina que dès qu'elle en aurait l'occasion elle le montrerait à son mentor. La jeune femme revint sur ses pas, ramassa son arme, après s'être assurée que sa prise était bonne, elle jeta un dernier regard à sa main. Nulle trace du symbole n’y figurait. Des cloches sonnèrent au loin et firent sursauter la jeune femme qui se précipita dans la cage d'escalier rejoindre sa sœur.

L’apparition du tatouage donnait une inquiétude supplémentaire au chercheur. Les événements s’enchainaient bien plus vite qu’il ne l’aurait pensé. Il aurait aimé bénéficier de plus de temps pour découvrir les mondes. Il ne savait pas encore quel rôle il s’apprêtait à jouer dans cet entrecroisement de destinées.

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