Marcus et la secte de l'Unique

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Le hennissement des chevaux annonça l'arrivée de l'Empereur. Un bruit du sable qui s'écrase sous des sandales se fit entendre à l'intérieur du temple. Les prêtres attendaient son arrivée dans l'obscurité. Dans la porte principale irradiée de lumière, une ombre grandit. La silhouette mince aux cheveux bouclés s'approchait, et plus il marchait à l’abri du soleil plus l'on percevait ses traits. L'Empereur était vêtu de l'armure des généraux romains et d'une cape rouge ornée d'une frange dorée à ses extrémités. Son visage mince et barbu, creusé par la fatigue lui donnait une apparence fragile. En revanche, on pouvait sentir dans son regard une énergie mentale différente de la plupart des hommes. Son œil, vif plissait au moindre détail.

« Faites place à l'Empereur Marcus » annonça l'un des deux soldats.

« Empereur, nous sommes honoré de votre présence » dit le grand prêtre.

« Vous devez être le représentant de votre communauté, cet honneur est partagé. »

« Marchons ! » dit-il en indiquant la direction de sa main.

« Je dois dire que votre secte attire ma curiosité, à vrai dire j'ai lu à son sujet, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en discuter avec ses praticiens. Auriez-vous le temps de m'instruire ? »

« Mon seigneur, ce sera avec plaisir que je vous révélerais la vérité sur le Dieu unique. »

« Et ce Dieu que prône-t-il l'amour, la guerre, la justice ? » demanda Marcus.

« Tout cela à la fois mon seigneur. »

« Quand est-il de l'amour et la tolérance ? »

« L'Unique aime tous les êtres vivants qu'il a créés. Tous ont été mis au monde pour vivre en harmonie. Si un homme la brise, il souffrira pour ses actes malsains dans l'autre vie et pour l'éternité. Les hommes qui auront vécu dans la vérité seront récompensés par le bonheur éternel avec leur famille. »

« N'y a-t-il qu'une seule vérité ? » questionna Marcus.

« Bien sûr, la vérité de l'Unique est l'unique vérité, il ne pourrait y en avoir d'autre. »

« Que penser vous du Dieu Skitras et de la secte qui la vénère  ? »

« Skitras est un faux Dieu inventé de toute pièce par les hommes, les malheureux qui le vénère se trompent, car ils font offrande au seigneur du mal. Ces hérétiques brûleront pour l'éternité, leur existence est un sacrilège et il est en notre devoir de les arrêter. »

« Et quand est-il d'Artémis ? »

« Mon seigneur, avec tout mon respect, je suis désolé de vous apprendre que vous avez été abusé. Abusé dès votre plus jeune âge à vénérer les Dieux olympiens. Mais comment vous blâmer, vous avez dû pré-sentir que quelque chose n'était pas normal et vous aviez raison. Je pense que notre rencontre n'est pas un hasard aujourd'hui. Je pense que nous étions destinés à nous rencontrer pour que je vous révèle enfin toute la vérité. »

« Ça suffit, votre secte est donc à ce point intolérante vis-à-vis des autres cultes ? J'ai donné la liberté aux sectes de pouvoir s'exprimer dans des temples, des regroupements tant qu'elles sont basées sur l'amour et la tolérance. Mais vous, vous avez choisi d’idolâtrer un Dieu qui encourage l’intolérance, la haine. Je vous laisse une chance, si dès maintenant vous vous engagez à respecter les autres cultes, je renoncerais à l'interdiction de votre secte. »

« Alors vous devrez nous pourchasser, car nous préférerions mourir devant vos yeux pour vous prouver que l'Unique est et restera toujours le vrai chemin »


Le prêtre fit un signe de la tête avant de reculer pas à pas dans l'ombre. Deux moines sortirent chacun une dague de leur manteau. Puis surgissant derrière les deux gardes, les égorgèrent. Leur sang coulait comme une offrande sur le sol sacré. Les deux hommes n'hésiteraient pas à s'en prendre bientôt à l'Empereur qu'ils fixaient avec détermination. Un troisième entra dans la pièce armée d'une épée. Marcus maintenait ses bras à demi-tendu devant lui, comme pour apaiser des bêtes sauvages qui s'apprêtaient à le dévorer. Il ne voyait plus des hommes devant lui, mais des animaux misérables sans humanité. Quant à sa vie, il avait accepté le fait de la perdre depuis bien longtemps. Il n'avait pas peur de mourir maintenant ou plus tard cela ne dépendait pas de lui. Son regard transperça rapidement les hommes. Il expira lentement. Quand il ouvrit les yeux, il percevait les mouvements de ses adversaires au ralenti. Fixant un point dans leur direction, sa vision s'élargissait sur leur position, l'armement de leur épaule lui indiquait la direction d'attaque. Sa main était déjà posée sur son épée. Guidé par l'instinct, il laissa l'homme à l'épée s'approcher un peu plus près. L'homme attaqua en tranchant l'air de haut en bas, c'était trop tard pour lui. Marcus avait déjà tiré son épée et dans le même geste lui avait sectionné le poignet. L'épée de son opposant tomba au sol suivit par la main sans vie. Les deux autres armés de poignard unissaient leur force pour combattre et foncèrent droit sur lui, pointant leur lame en direction de sa poitrine. Il fit de même et dirigea la pointe de son épée vers l'un d'eux qui fut tout simplement embroché avant d'atteindre sa cible. Pendant ce temps, le deuxième visa son flanc découvert par le dépliement de la contre-attaque. Marcus n'avait pas une seconde à perdre, s'il retirait l'épée du corps à moitié mort, il n'était pas sûr de pouvoir se défendre à temps. Provoquant son destin il relâcha son pommeau et dans le même geste tira le bras du mort-vivant. Le corps s'interposa et lui servit de bouclier. Il laissa sa main continuer de glisser sur l'avant-bras et s'empara du poignard. Le corps tomba et au même moment, il transperça le dernier d'un coup sec en trouant sa pomme d’Adam. L'homme à qui la main avait été sectionnée avait retrouvé ses esprits et bloquait la porte principale. Il semblait être possédé par une rage sanguinaire.

« Gardes ! Gardes ! » cria Marcus.

Comme ils n'avaient pas entendu les bruits de la confrontation, il n'espérait pas plus d'aide, pourtant il devait mettre toutes les chances de survie de son côté.

« De l'aide ? » pensa-t-il.

Dans la précipitation il laissa tomber son poignard. À ce moment, il perdit de son sang-froid « Je ne dois pas espérer plus d'aide ». Il pris la fuite dans l'escalier carré de la tour. Et pendant qu'il montait avec effort les marches, il se ressaisit « Vie ta dernière heure avec courage, c'est la dernière fois que tu te surpasseras » se dit-il à lui-même. Il reprit son calme et s'arrêta à l'étage. Il était désarmé « Comment utiliser le lieu à son avantage ? ». Un balai était posé contre le mur dans un renfoncement. Il le saisit et brisa l'extrémité touffue avec son pied. Le déchirement du bois formait une pointe. Il devra profiter de l'effet de surprise. Il entendait ses pas frappant les marches une à une. L'adepte arriva à l'étage et d'un coup d’œil, il le repéra immédiatement. Marcus l'attendait prêt à frapper quand subitement son adversaire lança un coup tranchant à l'horizontale. « Impossible de bloquer un coup pareil avec un bout de bois ! » Un bon en arrière et il esquive l'attaque. « Je m'épuiserai si je continue d'esquiver. Je dois changer de tactique, vite ! ». Le démembré leva son arme au-dessus de sa tête. « Le point faible ! C'est le même point faible qu'il faut viser ». Son bâton était en direction du sol, il le bascula de bas en haut. Plus léger, plus rapide, le bois lui fouetta sa dernière main avec suffisamment de force pour lui faire perdre l’équilibre. Profitant de la hauteur de la position, il fit descendre son bâton d'un coup sec sur le haut du crâne. Désorienté et humilié l'homme ouvra la bouche pour crier, Marcus y inséra la pointe en bois et le tua sur le coup.

« Leur mort aurait pu être évitée » dit Marcus.

« Vous vous acharnez sur nous nuit et jour, vous allez payer pour ça ! » hurla le prêtre en sortant de l'obscurité.

Marcus se saisit de l'épée du démembré et bloqua les coups du prêtre qui était armé de son épée impériale.

« Il est encore temps de renoncer. »

Après plusieurs parades, il vit une ouverture. Il était sur le point de lui porter un coup fatal quand soudain le prêtre tendit les bras acceptant sa mort. Il retint l'épée qui vint se déposer contre son coup.

« Tuez-moi que je meurs en martyr » dit le prêtre.

Marcus le désarma.

« Rend toi simplement » dit-il.

« Tout cela c'est vous qui l'avez provoqué ! Ma sœur Irine faisait partie des martyrs de Deft. Ceux qui ont été condamnés à mort par vos généraux ! Vous y êtes aussi responsable. Comment avez-vous pu laisser faire ça, vous que le peuple admire pour sa bienveillance. Pourquoi votre honorable sagesse n'a pas épargné ma sœur de ce supplice ? »

Les martyrs de Deft étaient accompagnés d'une femme qui parlait au nom de la secte de l'Unique. Elle avait demandé à mourir sur la place publique pour prouver sa foi au peuple romain. Le général n'ayant pas accédé à sa demande, elle provoqua les Dieux en détruisant la statue sacrée du temple d'Artémis. Elle fut arrêtée puis condamnée à mourir de la manière dont elle le désirait. Tel était la sentence que l'Empereur lui-même avait approuvé. Elle choisit de se faire immoler par le feu. D'autres adeptes de la secte se portèrent volontaire pour mourir avec elle.

« Elle a reçu la mort qu'elle demandait » dit Marcus.

« Comment avez-vous pu finalement cédez à sa requête insensée ! La valeur d'une statue en pierre serait-elle plus grande qu'une vie humaine ? Vous ne l'avez jamais connu, elle ne méritait pas ce châtiment. Mais après tout peut être avait-elle raison. Quand les gens comprendrons ce qu'il s'est passé, ils prendront notre défense. Oui, quand ils verront enfin votre vrai visage, ils comprendront. Ils concluront que vous avez assassiné des prêtres dans leur propre temple pour votre plaisir sanguinaire ».

Le prêtre se saisit de la lame dirigée contre lui, ses paumes ensanglantées enfoncèrent l'épée dans sa propre poitrine. Il tomba à la renverse, inerte. Marcus s'agenouilla sur la dépouille, ferma les yeux du prêtre et s'en alla. Dans la salle principale, les armes avaient disparu. La scène était mise en place pour faire croire que les adeptes avaient été tués pendant leur prière.
Un garde entra à toute vitesse.

« Seigneur, vous êtes blessé ? Quels sont vos ordres ? Devons-nous traquer les adeptes de la ville ? »

Marcus marcha lentement en direction du rectangle lumineux qui le menait au-dehors.

« Annoncer la mort de ces jeunes gens, rapportez les corps à leur famille. Qu'ils organisent les funérailles de leur choix. Ne faites rien de plus. S'il se passe quelque chose, défendez vous et partez. Je ne veux pas plus de victime par ma faute. »

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