La colère du chevalier

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 — Qu’est-ce que tu dis ? s’étonna Soucia. Quelle piste ?

 Fabull leva les épaules.

 — Bah le prêtre là.

 — Tu es encore là-dessus ?

 — Je vois que ça. L’oiseau s’est apparemment posé au centre du village. Mais y a pas que la demeure du comte au centre du village, y a aussi l’église, par exemple. Et Benoît avait l’air louche, alors…

 — Je te l’ai déjà dit Fabull, c’est un homme de foi, il nous a tous enseigné les préceptes divins et il ne se passe pas un jour sans qu’il ne prêche la bonne parole. Je ne vois pas comment il pourrait mentir, cacher des informations importantes, et risquer que le mal s’abatte sur notre village.

 — Bah ouais je sais bien, souffla l’insomniaque, mais on sait jamais, et ça se trouve il croit faire ça pour le bien…

 — Ça ne coûte rien d’essayer, intervint Lontary. Vous savez, Soucia, j’ai traversé de nombreux territoires à travers le monde, et je peux vous assurer que les serviteurs de Dieu sont loin de tous être des saints. J’en ai vu trahir les leurs pour de l’argent, participer à des orgies géantes, orchestrer des assassinats, et je vous épargne le pire. Je ne voudrai pas remettre en cause la bienveillance de notre bon Benoît, mais il serait folie que d’accorder une confiance aveugle à tous.

 Soucia acquiesça, convaincu. Il se sentait presque idiot, inférieur face à la sagesse du noble.

 Les quatre hommes se rendirent dans le modeste bâtiment religieux. Quelques ecclésiastiques s’y trouvaient. Soucia s’approcha d’un diacre et le salua.

 — Savez-vous où se trouve Père Benoît ?

 — Oui, mais pas d’armes au sein de notre église, s’il vous plait

 — Évidemment.

 Le chevalier, son écuyer et Fabull déposèrent leurs lames à l’entrée – Soucia l’avait déjà fait.

 — Nous avons besoin de lui parler, reprit le chef des soldats. Pouvez-vous nous indiquer où il est ?

 — Hélas, dit le diacre, c’est qu’il a formulé le vœu de ne pas être dérangé.

 — C’est urgent et important, attaqua Lontary. Je n’aurai pas pris la peine de venir en personne si ce n’était pas le cas.

 — Je n’en doute pas, prononça calmement le diacre. Malheureusement il nous a interdit en personne de laisser quiconque lui rendre visite jusqu’à nouvel ordre.

 — C’est donc qu’il cache quelque chose, bailla Fabull.

 — Nous devons nous assurer qu’il ne commette aucun crime, continua Lontary.

 — Vous remettez en question la bienveillance de notre vicaire Benoît ? s’agita l’homme de foi.

 — Non, non, assura Soucia en secouant les mains.

 — Cependant, ajouta le chevalier, il est de notre devoir de nous assurer que les lois soient respectées. Un bon guerrier est un homme vaillant qui ne confie jamais entièrement sa confiance.

 — Je vois, murmura le diacre. Cependant je ne peux déroger à la promesse que j’ai faite et, pour ma part, je possède une confiance absolue envers lui.

 — Pas de souc… commença à dire Soucia.

 Le chevalier décala le soldat avec son avant-bras et s’avança plus proche encore de l’ecclésiastique. L’ombre de Lontary recouvrit le corps entier du diacre et celui-ci dut lever bien haut son menton pour regarder son interlocuteur dans les yeux. Des yeux emprunts de colère.

 — Cela suffit, assez de vos petits jeux. Vous allez nous conduire jusqu’à votre vicaire immédiatement, je n’ai pas de temps à perdre.

 — Pardonnez-moi, fit le diacre, fébrile. Mais je suis dans l’incapacité de vous venir en aide.

 — Bien sûr… Amenez-moi le curé alors, ce sera plus rapide.

 — Je regrette, mais le curé est actuellement dans un village voisin.

 — Seigneur… soupira le chevalier.

 — Ne blasphémez pas, je vous prie.

 Lontary serra son poing et sa mâchoire, mais retint sa pulsion. Il se détourna un temps et émit un juron. Les deux soldats ne savaient plus trop où se mettre. Quand le chevalier termina son petit tour, un tant soit peu calmé, il revint vers l’ecclésiastique.

 — Nous allons devoir retourner toute l’église, vous ne nous laissez pas le choix.

 — Je vous le déconseille.

 — Je sais.

 — Vous ne le trouverez même pas, Benoît n’est pas ici.

 — Merci de l’information. (Il se tourna vers les deux guerriers.) Allons-y.

 Une fois à l’extérieur, Soucia et Fabull échangèrent un regard circonspect. Le premier demanda au chevalier :

 — Vous semblez bien énervé. Pourquoi en faites-vous autant une affaire personnelle ?

 — Ce n’est pas la première fois que je me fais balader par des hommes d’Église. Il faut se montrer intimidant si vous voulez obtenir ce que vous désirez. Par ailleurs, je vous l’ai dit Garsovky était un ami proche, et son armure, tout ce qu’il me restait de lui. Il a fallu qu’il la confie à ce pleutre de Malgati, et maintenant elle est brisée. Cela me rend fou de rage, si vous saviez. Enfin, un soldat qui disparaît, ce n’est pas anodin. Une menace plane peut-être sur nous, d’autant plus qu’il faut être diablement fort pour démolir une merveille aussi bien conçue que l’armure de Garsovky.

 — Je vois, souffla Soucia.

 — On va où, là ? s’enquit Fabull.

 — Le diacre nous a au moins évité la peine de devoir fouiller l’église de fond en comble. À condition qu’il ne nous mente pas.

 — S’il est dans le coup avec le prêtre, raisonna l’insomniaque, alors on le trouvera pas de sitôt.

 — J’espère qu’il n’est qu’un complice involontaire. Une idée m’est venue. Il doit se terrer dans son presbytère. Si notre cher Benoît cherche à être tranquille, l’endroit le plus simple pour lui serait son propre domicile.

 — Logique, approuva Soucia.

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