Cellule Cavernicole

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 Lorsqu'il se réveilla, une douleur au crâne, Quinquati constata que sa joue touchait une surface dure et humide. Il passa sa main sur le sol : de la roche froide. Il parvint à s'asseoir. Sa tête lui tournait, son malaise accentué par l'obscurité dans laquelle il était plongé. Après quelques minutes, le voile d'étourdissement qui recouvrait son esprit se leva, et ses yeux s'habituèrent à la pénombre. Il distinguait des murs rocailleux, et un mur de barres d'acier. Il était enfermé.

 Quinquati se massa le front. Pour comprendre la raison de sa présence ici, il chercha dans ses derniers souvenirs.

 Il se rappelait d'un arbre géant, de monstres divers qui lui en voulaient, et puis du vide. Un vide si intense. Si long. Si profond. Si envoûtant qu'il ne se souvenait plus qui il était, comme si ce néant l'avait imprégné, remplit. Quinquati ne remarqua qu'il tombait que lorsque ses fesses heurtèrent la pierre. Et après une éternité interminablement longue, la libération. Une entité au visage couvert de sang l'avait sorti de l'enfer désert. Déboussolé, il ne pouvait tout de même pas manquer la horde autour de lui ni leurs hostiles intentions. C'est alors qu'une autre créature répugnante était apparue. Elle ne ressemblait à rien qu'il ne connaisse, et revoir le corps de la monstruosité dans son esprit provoqua des frissons dans l'échine du bûcheron. Seulement, cette abomination l'avait soustraite à ses autres ennemis. Quinquati se rémémora ensuite de manière assez floue avoir traversé une forme violette. Puis, le choc, le trou noir. Et le voilà. Enfermé à nouveau.

 En fait, le monstre l'avait simplement transféré d'une prison à une autre. Sauf que cette nouvelle cage était bien réelle, tout comme l'atmosphère glaçante qui lui mordait la peau ou comme l'odeur pestilentielle qui griffait ses cavités nasales. Quinquati ne pouvait nier la solidité des parois. Cependant, de potentielles failles pouvaient s'y trouver. Dans l'optique de les débusquer et de les exploiter, il sonda sa cellule. Il repéra dans un des coins, une hache. Idéale pour couper du bois, mais inoffensive contre la pierre ou le métal. Il la saisit, et d'autres souvenirs lui sautèrent au visage.

 Son métier, qu'il adorait plus que tout. Rien n'égalait l'impression de puissance qui l'enivrait quand un arbre robuste croulait sous ses coups. Au fur et à mesure des années, le bûcheron avait développé une relation particulière avec ces arbres. Une relation de respect et d'amitié. Les végétaux le laissaient récupérer leur bois, en échange de quoi il leur faisait l'honneur d'être abattus d'une main experte et amicale. Cette communion avec la nature plaisait beaucoup à Quinquati. Il se rappela alors avoir été interrompu dans un de ces moments priviligiés par un soldat irritant. Malgati. Ce dernier croyait être son ami, mais le bûcheron pensait autrement. Toutefois, l'homme de guerre n'avait cessé de le harceler. Quinquati ne comprenait pas pourquoi... mais il n'avait jamais pris la peine de lui expliquer qu'il ne l'aimait pas non plus. Et c'était ce soldat précisément qui lui avait parlé du grand arbre, de ce défi irréalisable. Tout cela, était de sa faute ! Cet abruti !

 — Enfoiré de Malgati ! grogna Quinquati.

 C'était lui qui était responsable de tous ses malheurs ! En plus de l'avoir agacé toute sa vie, il l'avait également jeté dans la gueule du loup ! Et dire qu'en ce moment il doit être en train de se la couler douce...

 "Je suis sûr que tu n'as même pas remarqué ma disparition... Tu n'as jamais, jamais, jamais rien fait pour m'aider !"

 — Si je te retrouve enfoiré, tu verras !

 La colère de Quinquati passée, il décida qu'il était plus judicieux de trouver comment quitter cet endroit que de s'attarder sur ce crétin fini complètement inutile.

 Évidemment, le bûcheron se dirigea vers le mur de barreaux. Derrière lui s'étendait un long couloir rocheux qui terminait sur une porte métallique. C'était sans doute par là qu'il était rentré, il pourrait donc aussi, en toute logique, y sortir. Seul bémol : le grillage qui la séparait de Quinquati. Le détenu étudia plus en détail cet obstacle et y repéra des gonds de chaque côté, ainsi que ce qui devait être une fente. Ce mur était en réalité une double porte. Il tenta de comprendre le mécanisme d'ouverture quand il aperçut une forme sombre à quelques pas derrière les barreaux. Il dévisagea la silhouette antropomorphe immobile. Un cadavre. Voilà donc d'où émanait le putride parfum qui l'agressait depuis son réveil. Quinquati remarqua ensuite, à quelques mètres du premier, une seconde charogne. Il lui manquait un bras. Sans doute le défunt détenu avait-il tenté de se dévorer un membre pour lutter contre la faim. Alors qu'il émettait cette hypothèse, autre chose glaça encore plus le sang du bûcheron ; le macchabée venait de se mouvoir. Non, impossible, ce devait être une hallucination !

 — Vous êtes vivant ? tenta Quinquati malgré tout. Vous m'entendez ?

 La dépouille la plus proche tourna sa tête vers lui. Quinquati fut pris d'un spasme de recul tandis qu'un frisson glacé traversait son dos. Il s'approcha de son camarade d'infortune pour s'assurer qu'il ne rêvait pas... Non. Il lui manquait bien ses deux globes occulaires. Son visage semblait desséché.

 "C'est ça qui va m'arriver ?" redouta le prisonnier.

 — Que vous a-t-on fait ? s'enquit-il.

 L'aveugle ne répondit pas. Il repositionna son crâne comme avant, puis se contenta de pousser un grognement.

 — On doit trouver un moyen de partir ! Vous savez comment ouvrir cette porte ?

 L'amputé se plaça en position assise, sa tête sur ses genoux, son dos chétif appuyé contre le mur. Il regarda le bavard dans les yeux – car lui en possédait encore – le laissant contempler l'état misérable dans lequel il se trouvait. Les paupières mi-closes, un nombre de rides et de plis irréaliste, le teint blême, l'absence de sourire. La vie paraissait l'avoir quittée il y a longtemps. Comme pour appuyer ce fait, sa bouche continuellement ouverte n'émit pour unique son qu'un sinistre gargouillement. Mais quelle genre de torture immonde avaient-ils subis ?

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