La lettre

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Te souviens-tu du jour où c'est arrivé?

Tu t'étais levé de bonne heure, ce matin là. Comme si tu avais su ce qui allait se passer.
Tu t'étais d'ailleurs étonné de n'avoir pas eu de difficultés à te lever. Il était à peine six heures, et tu avais déjà enfilé tes vêtements, bu ton café sans sucre et écouté les informations à la radio.

Et puis tu as attendu. Qu'attendais-tu? Toi même tu ne le savais pas vraiment, dans le fond.

Tu as tourné lentement la tête vers la pendule: huit heures. Avais-tu vraiment passé deux heure assis, là, dans ton vieux fauteuil râpé? Tu l'aimais bien, ce fauteuil. Depuis que tu l'avais récupéré chez ton père, tu ne l'avais plus quitté. Tu finirais tes jours avec lui, c'était certain.

On avait frappé à la porte. Tu n'avais pas sursauté. Tu n'avais pas esquissé le moindre petit mouvement de surprise. C'est comme si tu avais attendu ce moment depuis que tu avais ouvert les yeux.

Tu t'étais dirigé calmement vers la porte, conscient que ce qui t'attendait derrière allait changer le cours de ta journée, peut-être même de ta vie.

Derrière la porte, le facteur t'avait tendu une enveloppe, en recommandé. Tu avais apposé ta signature à l'endroit qu'il t'avait montré, tu l'avais remercié avec un sourire sans joie, et tu étais retourné dans ton fauteuil après avoir refermé la porte.

Pendant un moment, tu avais fixé cette enveloppe marron. Tu t'étais arrêté sur le timbre, sur ton nom et ton adresse, sur l'écriture parfaite. Tu avais retourné l'enveloppe: pas d'expéditeur. Mais tu n'en avais pas besoin. Tu avais déjà deviné qui en était l'auteur.

Tu avais posé l'enveloppe sur la table basse en verre, sans l'ouvrir. À quoi bon précipiter les choses? Tu avais profité de ce moment de calme, ponctué par les tic tac réguliers de la pendule. Tu étais resté ainsi dix, peut-être quinze minutes. La chaleur du feu de la cheminée s'était répandue dans toute la pièce.

Puis, dans un soupir, tu avais saisi cette enveloppe marron, celle qui allait bouleverser les choses. C'est fou le pouvoir que peut avoir un simple morceau de papier.

Lentement, presque machinalement, tu t'étais levé pour prendre le coupe papier. Une fois l'entaille faite, tu pouvais apercevoir la feuille qui se trouvait à l'intérieur. Une feuille somme toute ordinaire. Blanche. Dactylographiée.

Tu l'avais saisie entre le pouce et l'index, avec précaution, et tu avais laisser choir l'enveloppe. Cette lettre, encore pliée entre tes doigts, t'avait parue plus lourde que n'importe quel autre objet. Comme si le poids des mots qui y étaient inscrits se matérialisait.

Il fallait l'ouvrir. La lire. Affronter son contenu. Mais tu avais du mal à franchir le pas. Encore un moment de repos, juste un.

Le crépitement dans l'âtre t'avait rappelé que, étonnamment, à cet instant précis, tu avais froid.

Enfin le moment fut venu. Tu avais osé. Ton regard avait parcouru chaque phrase, chaque mot, chaque signe de ponctuation. Tu avais relu la lettre une deuxième fois. Puis une troisième. Une fois que les mots s'étaient imprimés dans ta mémoire, tu avais repliée la lettre, soigneusement, en suivant les plis. Tu avais ramassé l'enveloppe, remis le papier à l'intérieur, et tu t'étais rassis.

De l'extérieur, tu avais paru calme, presque serein. Mais dans ta tête, beaucoup de questions avaient tourné.

Et puis soudain, comme si c'était une évidence, tu t'étais levé d'un bond. Tu avais empoigné l'enveloppe contenant la lettre, et d'un geste rapide, assuré, tu avais jeté le tout dans le feu encore vif de la cheminée.

Tu avais observé le papier se consumer. La fumée qui s'en était échappée semblait emporter avec elle les phrases, les mots, la ponctuation.

Lorsqu'il n'était resté que des cendres, tu étais resté là, immobile, pendant un certain temps. Puis, tu t'étais retourné, avais marché jusqu'à ton bureau, conscient qu'il fallait te préparer.

Ils avaient été clairs: nous étions entrés en guerre.

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