Prologue

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Il fait une chaleur étouffante dans cette pièce à balais emmurée dans une obscurité totale. Elena Brama, capitaine de police et enquêtrice expérimentée, git sur le sol au bord de l’évanouissement. Comment s’était-elle mise dans cette situation ? Elle n’avait eu aucune intuition salvatrice, aucun indice lui pointant cette cabane perdue au milieu de la forêt comme étant dangereuse.

Tout avait mal commencé dans cette enquête. D’abord avec la demande du commandant de prendre cette affaire à la place du capitaine Martel, en congé administratif, visé par une enquête, avec une brigade qu’elle ne connaissait pas et qui, visiblement, ne lui faisait pas confiance. Et maintenant la voici ligotée et enfermée dans cette pièce, à imaginer le pire, sans aucune possibilité d’avertir personne.

Ce qui la troublait le plus, au-delà de l’erreur de jugement en venant ici seule, évidemment, mais ce qui la troublait au point d’en être mal à l’aise, c’était ce passage soudain dans le rang des victimes. De toute sa carrière dans la police, commencée avec des patrouilles dans des quartiers parfois difficiles, elle ne s’était jamais sentie si impuissante, ni à ce point submergée, pleinement dedans, par le fait criminel. Elle avait eu la chance, vous me diriez. De toute évidence cette chance venait de tourner.

Face à cette réalité, tout le reste n’était que bureaucratie : sa méthode d’analyse des indices, le calme de la salle de debrief très tôt le matin quand les post-it dévoilaient, comme par magie, des corrélations et explications nouvelles, dans un éclaircissement presque météorologique, et pour des affaires plus denses et plus sanglantes que celles-ci, sa technique d’interrogatoire, d’investigation des scènes de crime, d’analyse des longues listes de transactions bancaires, d’interminables listes d’appels, de connexions, de petits faits de vies ordinaires…

Elle était maintenant là, enfermée comme un gamin turbulent dans le placard à balais, et le coup à la tête l’empêchait de trouver une issue, au contraire, la douleur la plongeait dans les prédictions les plus paralysantes. Qu’est-ce qu’ils voulaient faire avec elle ? Et s’ils étaient plus que les deux qui l’avaient attachée, s’il y avait d’autres personnes dans la cabane et aux alentours ? L’impuissance est un poison, se dit-elle après un moment lorsque la douleur commença à se dissiper. La cabane était toujours plongée dans un silence tenace. Impossible de déterminer quelle heure il était, en plus les mains attachées dans le dos commençaient à lui faire mal.

Elena testa la poignée de la porte avec son épaule, c’était toujours fermé à clé. Mais le moment où elle se laissa de nouveau sur le sol, épuisée par l’effort, la serrure grinça et la porte s’ouvrit. La lumière était aveuglante, elle distingua une silhouette se penchant vers elle depuis le cadre de la porte. Un coup sec sur la tête et elle s’évanouit.

Elle se réveilla dans la même obscurité. La douleur était encore là, et pour le moment il était mieux de rester sans bouger. Elena sentit un liquide visqueux alourdir ses sourcils et comprit que cette fois le coup avait été pire, du sang coulait maintenant d’une blessure ouverte au-dessus de sa tempe gauche. Mais il y avait autre chose de nouveau encore cette fois, une boule de poils chaude qui s’était positionnée au contact de son ventre. Un chat, se dit Elena en sursaut, qui avait choisi de se faufiler ici en cachette pour attendre avec elle, mais quoi exactement ?

Lorsqu’elle agonisait, son cerveau continuait à tourner cette même question en boucle : comment s’était-elle mise dans cette situation ?

Tout d’abord, c’est une demande de disparition inquiétante qui lui a valu la proposition du commandant de prendre temporairement la tête de cette brigade. Et la demande du comandant Meyer n’était pas à refuser, il avait été le premier à la soutenir et il promettait de donner une chance au jeune lieutenant Cardi, laissé comme son remplaçant temporaire à la tête de son équipe.

C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés, elle et sa nouvelle brigade, ce midi du 10 juin, il y a tout juste dix jours, dans l’appartement du professeur Hugo Laval. Et tout avait commencé dans cet appartement…

Elle se mit à dérouler le fil de ces dix jours, en oubliant des détails et se forçant à revenir dessus, comme pour s’assurer qu’elle restait encore éveillée... Alors même que le chat se leva d’un bond au bruit des voix à l’extérieur et il se mit à miauler, et que la porte s’ouvrit de nouveau sans qu’Elena s’en rende compte.

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