Chapitre 2: The Royal St James College ou ce qu'il advint aux PLUMES D'OR !!!

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Quand Satty arriva devant les grilles de son école, et que les lieux d'habitude si animés, étaient pour l’heure déserts, elle se rappela d’un détail qui jusqu'alors lui avait échappé. Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres. D'ailleurs depuis vendredi, l'école était officiellement terminée, et si elle devait se rendre aujourd'hui ici, ainsi que tous les autres jours de la semaine, ce n'était qu'afin de répéter la cérémonie de clôture et de remise des diplômes ! Ce faisant, les cours ne commençaient pas à 9h (car il n'y en avait plus), et la première réunion ne débuterait pas avant 10h30 ! Elle avait donc plus d'une heure d'avance, une heure où elle aurait pu dormir plus longtemps, une heure où elle aurait pu aller chercher des croissants à la boulangerie, une heure où elle aurait pu éviter les heures de pointe dans le tramway ! La malchance avait décidé de s'acharner sur elle. On aurait été bien mal avisé de lui faire remarquer que cela n'avait rien à voir avec une malédiction chronique, ni avec un mauvais rêve récurrent, mais bel et bien à cause de son étourderie ! De mauvaise humeur, elle s'acharna sur un caillou (qui ne lui avait rien fait) et s'amusa à lui donner des coups de pieds pour évacuer sa frustration. Puis lassée du jeu, elle se dirigea enfin vers l'entrée de l'école.

Les lieux étaient parfaitement situés : ils faisaient face à l'avenue la plus luxueuse de la capitale, les boutiques les plus renommées défilaient les unes après les autres. Un peu plus loin, sur la droite, se trouvaient les bâtiments de la bourse et les grandes banques, quant à la gauche, on y trouvait l'opéra ainsi que la place ovale de Tagliali, qui abritait les meilleurs cafés et les meilleurs bars et était le lieu de nombreux spectacles de rue. Puis encore un peu plus sur la gauche, se trouvait l'immense parc de Ravenwood, avec son lac et ses promenades. Les élèves y pique-niquaient aussi souvent que la météo le permettait ou venaient pêcher à bord des hovercrafts. Le tout dans un cadre des plus agréables. Au loin on avait vue sur la mer et parfois, les jours de beau temps on apercevait même le palais royal et un peu plus en contrebas, le gouvernement.

Le lycée de Satty était joliment entouré de grilles, dont chaque barreau ajouré se terminait en pointe d'or. Pourtant on ne pouvait y voir à travers, tant la végétation dense qu'on avait soigneusement fait pousser autour, recouvrait le tout. Deux anges encadraient l’unique entrée de leur silence de pierre. L’un représentait la justice, l’autre la victoire, et étaient tous deux gardiens des lieux. La magie faisant à Trachiat bien les choses, les deux colosses s’animaient en cas de danger. La Justice abattant son épée sur les visiteurs suspicieux (de sorte qu’il valait toujours mieux être invité que de venir à l’improviste !) et la Victoire se montrait toujours victorieuse, débusquant les intrus et condamnant l’accès à l’entrée avec sa faux en cas d’alerte. Entre les deux anges se trouvait un immense portail en fer forgé tout d'or et de pierreries, qui s'élevant majestueusement, occupait l'angle de la rue. Sur le dessus du portail on pouvait lire en lettres d'argent : « The Royal St James College » et tout au-dessous, la devise de l'école :

"Repoussons les limites toujours plus loin vers l'excellence".

Et pour cause, The Royal St James College était l'établissement le plus huppé de la capitale :

Un établissement d’élite comprenant primaire, collège et lycée. Ne pouvaient y étudier (à quelques exceptions près) que des fils et des filles de bonnes familles, des nobles, ou personnes de sang royal, des enfants de médaillés ou dont les parents avaient une quelconque distinction (comme la croix d'honneur de St Trachiat, ou la bannière du mérite social), des fils de dignitaires et des membres du gouvernement et du consule (le ministère de la magie) ou des fils et filles du haut clergé (pasteurs, révérends, curés ...). Et bien que ne faisant pas partie d'une famille très riche, Satty n'avait eu la chance d'y étudier que parce que son père travaillait au ministère et avait beaucoup de relations.

Avoir des relations était ici une des choses qui comptait le plus, et malgré que tous soient de condition fort acceptable, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes ! Ici plus qu'ailleurs, le rang de chacun comptait et déterminait la façon dont on vous percevait et dont on vous traitait. Les moins chanceux devaient redoubler de travail et d'efforts pour être reconnus, là où d'autres l'étaient sans rien faire et avaient l'attention de tous. Les plus pauvres devaient avoir une attitude des plus irréprochables, rien ne leur était épargné et on ne leur accordait rien. Là où ils auraient été renvoyés, d'autres n'avaient droit qu'à un hochement d'épaules ou à un soupir exaspéré. Dans cette situation, ne faisant pas partie des plus "chanceux", Satty remerciait tous les jours le ciel d'avoir pu tirer son épingle du jeu, d'avoir pu se faire respecter, et d'avoir réussi à se faire des amis parmi les plus respectables en ce lieu. C'est pour cela même, parce qu'elle avait toujours eu un bon cœur et n'avait jamais été ingrate, qu'elle avait toujours tendu une main secourable aux « Plumes d'or ».

Pire, alors, qu'on lui avait conseillé de les éviter, elle s'en était fait pour certains des amis. En son for intérieur, Satty savait que c'était l'exact opposé de ce qu'on attendait d’elle, qu’elle touchait là un interdit, certes tacite, mais qui perdurait tout de même dans les esprits de tous. Oui, une part d'elle savait tout cela, mais s'en félicitait aussi, et plus ses amis voyaient d'un mauvais œil son penchant quelque peu étrange pour la " populace " comme ils l'appelaient, et plus elle s'enorgueillissait. En effet, elle voyait cela comme une sorte de défi. Elle pensait ainsi pouvoir faire changer les pensées, et avait très vite appris (parce qu'elle lisait beaucoup) que c'était en choquant que l'on faisait réfléchir, et qu'une personne qui se questionnait était une personne qui pouvait être convaincue. Que c'était comme cela que l'on faisait bouger les choses ! Oui, Satty était de ces personnes jeunes et pleines d'idées sur le monde, sur ce qu'il était et sur ce qu'il devrait être. C'est aussi parce qu'elle avait traversé quelques tragédies dans son enfance, qui à ses yeux avaient été des plus injustes, qu'elle en avait cultivé un tempérament quelque peu rebelle. C’est pourquoi elle s'était toujours insurgée contre l'injustice et l'intolérance.

Or donc, elle se trouvait là, désœuvrée sur la grande étendue de gazon qui entourait le bâtiment centenaire de la salle des fêtes, pestant contre la malédiction qui la faisait attendre plus d'une heure durant au soleil. Elle n’avait même pas pensé à apporter un livre pour se distraire. De temps en temps elle interrompait ses pensées quand une des rares personnes se trouvant sur les lieux s'approchait d'elle d'un peu trop près, mais ce n'était jamais des personnes de sa connaissance, et très vite elle n'y fit même plus attention. Pour finir, au bout de vingt minutes, elle s'endormit si bien qu'elle n'entendit même pas qu'on l'appelait. Ce n'est qu'après qu'on l'ait violemment secouée, qu'elle ouvrit enfin un œil (en général elle avait le sommeil lourd et pouvait s'endormir en tout lieu, dans toutes les positions. Elle se souvenait toujours avec honte de la fois où elle s’était réveillée au petit matin sur la cuvette des toilettes !).

-Hé, la marmotte ! reprit une voix masculine, Tu ne dis plus bonjour ?!

Le garçon se mit à la secouer du pied vivement.

-Laissez-moi tranquille !! Laissez-moi dormir en paix !! Éteignez la lumière ..., dit-elle à moitié endormie en se retournant sur le côté.

-La lumière ? Mais tu dors ma parole !! le garçon redoublant d’effort la secoua encore plus, Debout là-dedans, allez on se lève !!

Quelle idée aussi de venir si tôt aujourd'hui, elle aurait mieux dormi dans son lit, se dit-il à lui-même. Puis le jeune homme reprit de plus belle :

- C’est dommage parce que tu vas manquer une de mes expériences ! Et celle-là est détonante !!

Satty parut émerger quelque peu, et commença à s'étirer doucement mais elle n'était pas encore prête à se lever.

- Regarde, reprit le garçon avec une voix admirative, des Sorciers de la Guilde Royal !!!

-Où ça ? Où ça ? s’exclama Satty qui s'était réveillée d'un coup. Elle regardait à présent de tout coté à l'affût. Puis, comprenant que cela n’était qu’une mauvaise blague, elle entreprit de frapper du mieux qu'elle put son ami au ventre. Celui-ci, malgré les récidives de frappes, ne pouvait se contenir de rire.

- Très drôle Anatole, très drôle !! Je suis morte de rire !!

-Au moins cela aura achevé de te réveiller !! Pourquoi es-tu venue si tôt aujourd’hui ?

-Ne m'en parle pas !!! répondit-elle en ronchonnant.

-Encore un de ces rêves à ce que je vois … ! Ils sont de plus en plus fréquents... Tu sais ce que j'en pense ...

Anatole était une des rares personnes à qui Satty avait parlé des sombres rêves qu’elle faisait.

-Que c'est un signe de mauvais présage, je sais ... Mais parlons d'autre chose et change-moi plutôt les idées !

-Je suis sur le point de terminer une expérience des plus intéressantes, dit-il mystérieusement.

-Laquelle ? demanda Satty qui avait mordu à l’hameçon.

-Tu n'as qu'à me suivre… Mais avant, dit-il en posant ses nombreux livres de bibliothèque par terre, et en fouillant dans son sac, Un petit quelque chose pour me faire pardonner ce réveil quelque peu brutal.

Ce faisant, il en sortit un bouquet de fleurs, qu'il avait dû cueillir dans la serre de l'école. Cependant, avant de les tendre à Satty, il murmura quelque chose, et les fleurs parurent soudain d'un éclat plus vif. Quand enfin Satty les prit dans ses mains et les porta à son nez elle poussa un petit cri de surprise. Toutes les fleurs venaient de se détacher de leurs tiges, et virevoltaient maintenant dans les airs, comme si elles étaient aussi légères que des plumes. Puis au bout d’un instant, elles éclatèrent pour former un arc-en-ciel qui disparut à son tour remplacé par des bulles de savon multicolores ainsi que de la poussière d'étoile. Satty regarda le spectacle émerveillée. C’était tout simplement magnifique ! Ce qu’elle aimait chez Anatole était justement que les choses ne semblaient jamais être ce qu’elles devaient être. Imprévisible, il faisait en sorte qu’à chaque coin de rue il y ait du mystère et des surprises, à son grand émerveillement.

Assise sur l’herbe, Satty regarda tomber les dernières bulles et les dernières paillettes sur le sol, et avait maintenant de multitudes et minuscules écailles dorées incrustées sur la peau qui la faisaient scintiller sous les rayons du soleil. Elle ne savait dire pourquoi, si c'était dû à sa petite sieste improvisée, à la présence d'Anatole ou parce que c'était sûrement des paillettes euphorisantes, mais elle se sentait maintenant mieux, plus paisible et heureuse. Peut-être même que pour la première fois, dans toute l'histoire des journées maudites qui étaient précédées d’un rêve, elle allait terminer celle-ci du mieux du monde ! Quand le spectacle fut enfin fini et qu'elle fut prête à partir, Anatole l'aida à se relever en la tirant par la main. Puis il l’emmena vers un endroit qu'il semblait connaître par cœur.

Quand Satty l'observait, elle ne pouvait s'empêcher de trouver que c'était un fort beau jeune homme, bien qu'elle ne le considérait que comme un ami. Elle se demandait souvent pourquoi un garçon si doué et gentil, si mystérieux et beau à la fois, était encore célibataire. De grande taille, les cheveux noirs corbeau, il avait des yeux d’un bleu sombre, si profond, qu’ils rappelaient une mer agitée sous la tempête ou l'immensité d'un ciel étoilé, ce qui ne faisait qu’accroître son charme naturel. La réponse lui sauta cependant aux yeux : Anatole était lui aussi une « plume d'Or » ! Et ce constat l’affligea, car elle espérait secrètement, que dans un futur proche, il soit reconnu pour ses qualités indéniables et non pas pour sa condition. Cela était cependant bien parti pour. On murmurait déjà son nom dans le milieu des sorciers et alchimistes, et ses dernières découvertes avaient été fort remarquées, si bien que, distinction suprême, on lui avait attribué (à la différence de ses petits camarades de condition) une maisonnette délabrée, pour y installer son atelier. Il avait bien fallu deux mois pour tout remettre en état, mais avec l'argent du prix qu'Anatole avait gagné pour l'une de ses dernières trouvailles sur la propriété du vif argent, il avait pu transformer l'ancien débarras en un laboratoire des plus performants !

Elle avait rencontré Anatole deux ans plus tôt, alors que cela faisait déjà cinq ans qu'ils étaient tous deux à St James College. Anatole y étudiait principalement la magie, la science et l’alchimie là ou Satty avait préféré des études plus conventionnelles à dominante littéraire. Ils n’avaient donc à priori aucune raison de se fréquenter et encore moins de devenir amis. Mais le destin en avait décidé autrement.

Un jour, comme il y en avait de semblables à ce moment-là, une « plume d'Or » fut fortement molestée, et alors que tout le monde passait devant un garçon recouvert de sang avec indifférence, Satty avait été alors une des seules à s'en préoccuper. Elle avait sorti un mouchoir en tissu de sa poche et avait commencé à essuyer ses plaies, puis, l'avait ensuite emmené à l'infirmerie. Plus tard, un garçon était venu la remercier d'avoir aidé son ami, c'était Anatole. Depuis ce jour, les « Plumes d'Or » l'avaient toujours saluée avec chaleur, et au fil des jours, Anatole, qui s'arrêtait toujours pour lui dire un mot, était devenu son ami. Et même à l'heure d'aujourd'hui un de ses meilleurs amis. Voilà comment ils en étaient venus à se connaître, tout ça parce qu'on s'acharnait sur une personne et qu'elle ne supportait pas l’injustice. Depuis lors, elle entendait bien imposer sa vision des choses à ses camarades. En quoi les « plumes d'Or » étaient-ils différents ? Elle ne le voyait pas ! Pour elle, ils étaient tous des êtres humains comme les autres. Mais pour les autres, si bien habitués aux rivalités et au classement par rangs sociaux, s’il y avait bien une condition pire que celle d'être d'une famille moyenne, ou de venir d'une famille peu influente à St James College, c'était celle d'être « une plume d’Or ».

L’école avait imposé ce logo, finement brodé sur le costume de ses élèves, quand vingt ans plus tôt, le premier enfant boursier avait franchi le seuil du collège. Depuis, conformément aux décisions gouvernementales, il y avait eu de plus en plus de « plumes d’Or », de plus en plus d'élèves boursiers ou même d’orphelins. Une honte pour ceux qui se disaient de cette classe sociale huppée, pour ceux qui se vantaient d'être dans un collège voué à l'élite. Et même si c'était encore le cas, et même s’il y avait encore des gens qui venaient du monde entier, ou même d'autres dimensions tant les lieux étaient renommés, ceux-là ne pouvaient souffrir d’un tel changement ! Satty avait alors marqué sa différence en devenant amie avec certains d'entre eux. Elle espérait que d'autres suivraient son exemple, mais on la voyait maintenant, comme une marginale. On l'aurait certainement lynchée à son tour, si elle n'avait pas été si bien entourée.

En effet, la princesse Cornelia de Bastia, princesse de sang royal, avait pour principale distraction la torture de ses chères « marionnettes » comme elle aimait les appeler. Elle avait dû cependant arrêter lorsqu’une affaire avait fait scandale. A ce moment-là, elle s'en était prise à un garçon qu'elle pensait être une « plume d’Or », mais qui avait été adopté entre temps. Les nouveaux parents d'une famille très puissante avaient été si indignés, que l'affaire avait fait grand bruit, et la princesse avait été méchamment montrée du doigt. Pour éviter un autre esclandre, la famille royale, à son grand déplaisir, surveillait maintenant de près les agissements de Cornelia. Pieds et poings liés, quiconque s'en prenait aux « plumes d’Or » rentrait cependant, aussitôt dans ses bonnes grâces, si bien que de temps en temps on déplorait d'autres incidents du genre. Mais dans l'ensemble, les choses s'étaient plus ou moins calmées.

En revanche, ayant eu vent du comportement de Satty, et considérant celui-ci comme une insulte à l'ordre établi, la princesse l’avait prise alors en grippe et le moins qu'on puisse dire c'est que Satty n'était pas dans ses petits papiers. Cependant, comme Satty avait toujours eu un comportement irréprochable (à part peut-être quelques sautes d’humeur et excentricité), comme elle n'était jamais allée à l'encontre directe de la Princesse et avait su s'entourer d'amis parmi les familles les plus haut placées (comme par exemple son amitié avec Zélie de Monfort) elle n'avait pas été inquiétée. Dans un sens Satty était chanceuse. (Même si parfois elle ne s'en rendait pas compte !)

Les boursiers étaient, certes, tolérés à St James College mais il ne fallait pas croire qu’ils y avaient été acceptés par hasard ou par chance. Non ! bien au contraire, s’ils se trouvaient là c'était pour leurs capacités hors normes, parce qu'ils avaient tous su exceller dans un domaine quelconque. Certains étaient les meilleurs mathématiciens, d'autres avaient un don pour les arts, d'autres encore avaient révolutionné le monde de la mécanique, étaient des espoirs prometteurs, ou avaient un talent caché dans tel ou tel domaine. Anatole, lui, avait grandi dans un orphelinat. Son avenir semblait donc tout tracé, il allait étudier toute sa vie dans les écoles communales, n'apprendrait jamais la magie et n'aurait jamais accès aux meilleures fonctions. Mais la chance en avait voulu autrement et alors qu'il avait aux alentours de dix ans, il avait eu une altercation avec un de ses camarades. Furieux, il avait sous la colère, involontairement provoqué un terrible incendie, qui fort heureusement ne fit pas de victime. Mais, dès lors, on sut qu'il avait en lui des pouvoirs magiques incroyables. A partir de là, on le mit dans une école spécialisée, puis par la suite, il rentra à St James College après avoir obtenu une bourse.

A l'origine la magie n'était réservée qu'aux nobles et aux personnes de la haute société ; pendant longtemps toute personne n'ayant pas d'habilitation et s'essayant à la magie, était sévèrement punie, et bien souvent exécutée sur la place publique. Si bien, qu'au fil du temps, après des années de répression, et parce que les familles riches avaient tendance à se marier entres elles, une sélection naturelle s'était opérée. Au final, ce n'étaient presque que les personnes de la haute société qui naissaient avec des pouvoirs ou qui avaient quelque intérêt pour la matière (car tout le monde en théorie pouvait pratiquer la magie sans pour autant posséder un don !). Faire de la magie et exercer « l’Art » étaient donc devenu le gage d'une grande noblesse.

Mais il y avait de cela trente ans, le gouvernement entendit parler d'une fille aux talents incroyables. Celle-ci, née d’une famille pauvre, n'en était pourtant pas moins la détentrice d'un immense pouvoir, si grand que l'on en avait rarement vu de tel. Et la question se posa, celle d'en faire une exception. Un tel élément dans la guilde en période de trouble pouvait s'avérer être un très grand atout. Cependant, d'autres préféraient appliquer la loi à la lettre en l'exécutant sur le champ ! L'histoire divisa si bien, qu'un an après, toujours aucune décision n’avait été prise concernant le sort de l’enfant. On la laissait donc faire et user de ses dons librement. Jusqu'au jour où, une branche radicale, voulu attenter à sa vie et ainsi régler le problème une bonne fois pour toutes. Le père de la petite mourut dans cet attentat, mais la mère et l'enfant réussirent à s'enfuir jusqu'aux terres du nord. Là-bas toute personne avait le droit d'exercer la magie comme bon lui semblait. Dans ces lieux et sous la protection de la reine du nord, l’enfant put grandir et devenir un des plus grands mages de son époque, si bien qu'à l'heure d'aujourd'hui chacun de ses traités et de ses livres était devenu best-seller en la matière et qu'on étudiait ses découvertes et théories en classe. Depuis lors, le gouvernement, empli du remord d’avoir laissé passer une si belle affaire, et d’avoir abandonné un de leurs meilleurs éléments à leur ennemi de toujours, décida de créer, il y a vingt ans de cela, les « Plumes D'Or ».

Elle ne savait pourquoi, mais d'aussi loin que remontait sa mémoire, son père avait toujours eu une aversion toute particulière pour tout ce qui touchait à la magie. Pourtant elle savait qu'il travaillait au gouvernement et donc, de ce fait, qu’il devait sûrement avoir à coopérer avec des personnes douées pour l’« Art ». Satty avait souvent essayé de comprendre pourquoi il en était arrivé à un tel assentiment, mais son père avait toujours refusé d'en parler. La situation devait être bien grave et connaissant son père, il devait sans aucun doute avoir les meilleures raisons du monde, car c’était un homme réfléchi qui ne s’emportait pas à la légère. Influencée par le comportement de celui-ci, elle avait donc passé toute son enfance, et la plupart de sa vie à avoir peur des magiciens et de tout ce qu'ils représentaient. Son père avait su si bien y faire qu'elle avait toujours vécue éloignée de toutes formes de magie et de toutes les avancées techniques qu'elles pouvaient apporter. Là où ses petites camarades avaient les derniers jouets magiques à la mode, comme le cheval sur son socle qui courait à l'infini, les petites poupées qui avaient des ailes et volaient vraiment, des sabres qui permettaient de transpercer leurs adversaires sans qu'ils n'aient par la suite une égratignure, tous ces jouets qui pourtant avaient peuplé son enfance, elle avait appris à les fuir comme la peste. Ce n'était que récemment, depuis son amitié avec Anatole, que les choses avaient commencé à changer, tout doucement sans qu'elle ne s'en aperçoive.

Elle ne savait pourquoi, mais d'aussi loin que remontait sa mémoire, son père avait toujours eu une aversion toute particulière pour tout ce qui touchait à la magie. Pourtant elle savait qu'il travaillait au gouvernement et donc, de ce fait, qu’il devait sûrement avoir à coopérer avec des personnes douées pour l’« Art ». Satty avait souvent essayé de comprendre pourquoi il en était arrivé à un tel assentiment, mais son père avait toujours refusé d'en parler. La situation devait être bien grave et connaissant son père, il devait sans aucun doute avoir les meilleures raisons du monde, car c’était un homme réfléchi qui ne s’emportait pas à la légère. Influencée par le comportement de celui-ci, elle avait donc passé toute son enfance, et la plupart de sa vie à avoir peur des magiciens et de tout ce qu'ils représentaient. Son père avait su si bien y faire qu'elle avait toujours vécue éloignée de toutes formes de magie et de toutes les avancées techniques qu'elles pouvaient apporter. Là où ses petites camarades avaient les derniers jouets magiques à la mode, comme le cheval sur son socle qui courait à l'infini, les petites poupées qui avaient des ailes et volaient vraiment, des sabres qui permettaient de transpercer leurs adversaires sans qu'ils n'aient par la suite une égratignure, tous ces jouets qui pourtant avaient peuplé son enfance, elle avait appris à les fuir comme la peste. Ce n'était que récemment, depuis son amitié avec Anatole, que les choses avaient commencé à changer, tout doucement sans qu'elle ne s'en aperçoive.

Tout d’abord, elle avait surpris l'une de ses expériences et s'était étonnée d’en vouloir connaître la conclusion. Puis, petit à petit, elle en était venue à aimer ça. A aimer toutes les choses merveilleuses que la magie pouvait lui apporter. De ce fait, Anatole avait commencé à lui apprendre quelques petits tours très faciles, qu'elle répétait quand elle se savait seule à l’abri des regards. Son tour préféré du moment était de rendre ses ongles lumineux si bien qu'ils brillaient d'une lueur bleutée dans la nuit, ainsi elle s'endormait sous leur douce lumière protectrice. Oui, elle commençait à croire que l'aversion de son père pour la magie, était infondée. Certes, elle avait lu dans les livres des fables des plus cruelles aux plus tragiques qui relataient l'histoire de personnes faisant un mauvais usage de la magie, mais elle en était venue à penser que tout cela restait marginal, car grâce à Anatole, il ne lui avait été donné d’en voir que les belles choses que l'on pouvait en faire.

Ils arrivèrent ainsi tous les deux devant un cabanon en pierre. Les lieux avaient autrefois servi de cabane à outils, mais depuis la construction de quatre grandes serres, le cabanon avait été abandonné au profit de nouveaux locaux plus grands et plus modernes attenant à la propriété du jardinier. Anatole avait eu ainsi le grand honneur de faire de l'ancienne cabane à jardin, un nouveau lieu pour ses recherches, à l'unique condition qu'il devait se charger lui-même du réaménagement et de la restauration des lieux. Il avait ainsi dû se fournir en matériel mais cela lui avait pris quelques temps pour réunir la somme escomptée. Cependant, Anatole ne se sentait pas lésé. En effet, les internes « Plume d'Or » ne résidaient pas dans la même aile que leurs confrères plus fortunés. Ils dormaient dans l'ancienne grange qui avait été transformée en dortoir pour l’occasion. L’endroit était vieux, lugubre et exigu, et n'avait de comparable, aux dortoirs de l'aile nord (destinés aux plus riches) que le nom. Les autres dortoirs étaient aux antipodes des leurs, et rivalisaient en confort moderne et en luxe. Leur réfectoire n'offrait par exemple que des plats de grande qualité faits pas les meilleurs chefs mondiaux.

D’ailleurs à bien y regarder tout à St James College (dans le but d'une perpétuelle humiliation) avait été pensé de manière à ce que chaque boursier se rendent bien compte que sa condition n'était en rien comparable à celle des autres élèves. Dans ce but, on leur avait alloué des places attitrées au dernier rang. Lesdites places étaient contrairement aux autres peintes en rouge et arboraient une « Plume d'Or » dessinée dessus. Comme pour les montrer du doigt, comme pour les tenir à l’œil, un peu comme quand il était coutume avant de mettre le « Collier de la Honte » aux mauvais élèves.

Historiquement le « Collier de la Honte » était une lourde chaîne, à laquelle était pendue une ardoise où le professeur avait pris soin de noter à la craie blanche "cancre". Ce collier était remis chaque semaine au plus mauvais élève du moment. Il existait aussi, « Le Masque de Fer » destiné aux élèves les plus bavards, (qui ainsi les empêchait de parler), « la Menotte pour Pied » qui accrochée à une lourde boule en plomb comme pour les bagnards, punissait les élèves les plus turbulents. Mais toutes ces mesures ainsi que les châtiments corporels étaient tombés en désuétude, et ne subsistaient encore que dans quelques contrées reculées.

Oui, pour toutes ces raisons, Anatole avait vu la cabane à outils comme une bénédiction. Ainsi, il avait pu s'aménager un coin chambre et un coin cuisine, et n'avait plus à subir de retourner au dortoir chaque nuit. Depuis qu'il goûtait à son indépendance, la vie à St James College était devenue des plus acceptables. Et il pouvait maintenant sans mentir, dire qu'il était reconnaissant au gouvernement de l'avoir envoyé ici. Car, le pire à St James College, pour les personnes de leur condition était que même s’ils exécraient leurs vies en ces lieux, même s’ils subissaient toutes sortes de honte durant leur scolarité et étaient loin d’être favorisés, on attendait d’eux qu'ils soient reconnaissants de l'immense chance qu'on leur accordait. Ainsi, à chaque visite officielle, tous devaient vanter les mérites de l’école, et affirmer sans sourciller à quel point l'état avait été si généreux pour eux, et à quel point on les avait sauvés d'une vie de sauvage miséreux. De ce fait, conscients de porter en eux l'espoir des familles démunies (qui voyaient ainsi l'assurance de plus d’égalité), tous donnaient le change sans ciller. Avoir un enfant à St James College était pour les familles défavorisées, une sorte de consécration. On rêvait d'avoir une personne de la famille là-bas comme on rêvait de gagner à la loterie, car tout diplômé de St James College était sûr d'obtenir un poste à haute fonction, ce qui voulait dire un changement de condition et des retombées économiques pour toute la famille. Ainsi, Anatole avait hérité de cette volonté d’aller toujours plus haut et plus loin, quitte parfois, à avoir peu de considération pour les autres et c’était bien là son plus gros défaut !

Satty revînt brusquement à la réalité en pestant contre le ciel. En effet, en laissant ses pensées vagabonder, elle avait failli trébucher sur la racine d’un arbre. Ce faisant, elle dut courir pour rattraper son retard, car Anatole ne l’avait pas attendu pour autant. Pressant le pas, celui-ci sortit une lourde clé en fer de sa poche et en ouvrit une porte en bois massif. Ils étaient arrivés…

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