Épisode 03 - The “no comprendo” mambo

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Mais que fait cet italien sur ce mur dédié à la glorification de la grandeur britannique ? Comment n’ais-je pas vu cette impardonnable faute de goût au sein de mon logis ?

 J’en étais arrivé à ce point de mes réflexions quand une idée s’est lentement insinuée dans mon esprit : C’est lui. C’est cet homme qui a accroché ce tableau dans ce couloir. Je ne sais pas comment il a fait. Un comparse sûrement pendant que nous étions en train de deviser en bas. Je parie que si je décroche ce tableau il n’y aura pas de trace. La fenêtre de toit qui éclaire l’atrium laisse passer le soleil qui a tendance à jaunir les papiers peints.

 Je me tournais vers Petrov.

 — Puis-je décrocher ce tableau pour en examiner le dos ?

 — Vas-y, fait ton expertise, répondit-il.

 Je décrochais doucement le tableau en le soupesant. L'œuvre originale étant peinte sur bois, on peut attendre que la copie soit aussi réalisée sur ce matériau. Pourtant le peuplier utilisé par les peintres italien de l’époque me paraissait particulièrement lourd. Ce qui pouvait s’expliquer par les diverses réparations du support que j’apercevais au dos de l'œuvre. C’est étonnant car les faussaires poussent rarement le vice jusqu’à simuler des réparations aussi diverses et une copie datant des années 1960 n’avait certainement pas besoin d’être rafistolée de la sorte. Je levais alors les yeux vers le mur et découvrais effaré qu’une trace correspondante aux dimensions du tableau était bel et bien visible.

 Je restais immobile frappé par la stupeur pendant quelques instants.

Ce n’est pas possible. Je ne comprends rien. Que fait ce tableau chez-moi ? Même une copie de Bassano coûte plus cher que toutes les croûtes réunies sur ce mur. Certes se sont des œuvres historiques et inestimables pour ma famille, mais ce tableau à lui seul pourrait s’adjuger à 500 000 euros dans une salle de vente.

 Je me penchais sur la peinture maintenant à mes pieds pour l’observer plus en détail tout en cherchant dans mes souvenirs le moment où j'aurais pu passer dans ce couloir et apercevoir ce tableau. Il faut dire que je ne fréquente pas les chambres d’amis. Comme nous ne recevons personne, seul mon majordome devait passer par ici périodiquement pour y faire le ménage.

Mais oui c’est ça. Je me rappelle que Charles m’avait dit qu’il avait trouvé des tableaux dans le grenier et demandé l’autorisation de les accrocher dans la demeure. Ce serait Charles le voleur d'œuvre d’art ? Bon, je sais qu’il n’a pas toujours été très honnête dans le passé, mais c’est impossible. Il est incapable de faire la différence entre un paysage bucolique et une scène de chasse. Comment pourrait-il reconnaître une toile de maître s’il en rencontrait une. Si ce n’est pas lui, pourquoi Prométhée stockerait son butin dans mon grenier. Ça n’a pas de sens. Par Saint Georges où est cachée cette damnée signature de Bassano ?

 Je me rendais compte que je commençais à perdre mon flegme légendaire. Si je ne reprenais pas très vite, je finirais par ne plus être bon à rien.

 — Je… Je n’ai pas suffisamment de lumière ici. J’ai ce qu’il faut dans mon atelier si l’on peut redescendre ?

 — Pas d’entourloupe Lord machin. Je te rappelle que je suis armé. Allez, passe devant !

 Je profitais du trajet retour, forcément plus long que l'aller avec les bras chargés pour reprendre mes esprits. Une fois dans l’atelier je remplaçais sur mon chevalet de travail le potentiel Peter Tillemans par le potentiel Bassano. Une succession de candidats comme dans un vrai concours de beauté. Je dirigeais mon projecteur telle une poursuite de théâtre vers le visage du jeune homme pour l’examiner à la loupe et roulement de tambour…

 En fait je ne trouvais pas la preuve que ce tableau était un Bassano. Les éléments qui auraient dû rapidement m'indiquer une contrefaçon espagnole étaient étrangement absents. L'imitation que j’avais devant mes yeux était diablement réussie. Il était impossible que ce soit le Raphaël disparu. Si j’avais eu le temps de l'examiner plus longtemps, de me documenter, je pense que j’aurais fini par trouver le nom du contrefacteur à l’origine de ce petit chef d'œuvre. Mais le temps pressait et mon visiteur attendait une réponse.

 — C’est bien un Bassano. Je ne sais pas pourquoi il est accroché dans ma maison. Ce n’est pas moi qui l’ai volé. Vous voyez bien que je n’ai rien d’un monte en l’air capable de m’introduire dans les logis pour poursuivre quelque objectif criminel.

 — Je le vois bien, mais ce n’est pas moi que tu dois persuader, c’est mon patron. Que tu soit Prométhée ou non, je m’en fout. Moi je suis juste là pour délivrer un message et te motiver à faire ce qu’Anatoli Kravtchenko veut que tu fasses.

 — Que veut-il de moi ?

 — Je te l’ai déjà dit, tu dois voler un tableau.

 — Quel tableau ?

 Pour répondre à cette question Alexander Petrov dû rechercher dans ses poches un petit bout de papier en me tenant toujours plus ou moins en joue.

 Dans les romans d’aventure c’est à ce moment là que le héros s’empare de l’arme de son agresseur pour renverser un rapport de force en sa défaveur. Je ne fis rien, car je sais que je ne suis pas le héros d’un roman d’aventure. Vous ai-je déjà parlé de ma pusillanimité maladive ? En fait, à cet instant, je ne pouvais que m’interroger sur l’absence de Charles qui de son côté aurait tenté, certainement avec succès, ce type d’action, sans s’interroger comme moi sur sa dangerosité.

 Mon majordome avait connu avant de se mettre à mon service une jeunesse mouvementée et une formation au sein des commandos de marine de la reine qui lui permettait de gérer ce type de violence. Vous pouvez donc comprendre mon étonnement lorsque justement je vis Charles entrer lentement dans la pièce les mains en l’air.

 Ma surprise fut de courte durée. A sa suite pénétrait un homme, certainement un complice de Petrov, au visage ensanglanté, qui fit signe à mon majordome de me rejoindre. Il portait deux revolvers, un dans chaque main.

 — Ha, te voici enfin, dit Petrov au nouveau venu ! Je vois que le gorille s’est défendu.

 — Oui, mais il s’est vite calmé lorsque je lui ai dit que son patron était détenu en otage. Je t’ai amené ton meilleur ami.

 Le complice tendait la plus grosse de ses pétoires le canon vers le bas vers Petrov qui s’en empara vivement après avoir remis son mini pistolet dans sa poche. Cette pièce d’artillerie tenait plus du canon de marine que de l’arme de poing. “Un aigle du désert” murmura Charles dans ma direction.

J’espère qu’il ne fait pas partie de la race de ces oiseaux qui viennent vous dévorer quotidiennement le foie, pensais-je en mon for intérieur.

 — Je me sentais un peu nu sans lui.

 — Moi aussi si je m'étais baladé avec le string de ma copine je me serais senti à poil, ha ha ha. Mais le majordome aurait repéré immédiatement que tu étais armé. Son petit Sig Sauer n'était pas repérable.

 “Et effectivement je ne suis pas habitué à repérer ce type de pièces de lingerie, monsieur” chuchote mon serviteur. “Ce n’est pas grave Charles. Vous n'êtes plus dans l’armée et n’avez aucune raison de vous méfier ici, dans cette maison”

 — Tu les tiens en joue, le temps que je retrouve les instructions de Kravtchenko ?

 A force de fouiller ses poches, Alexander Petrov finit par trouver un morceau de papier plié en quatre qu’il ouvre délicatement.

 — Voilà, je l’ai retrouvé. Lord Woodhouse, mon patron veut que tu vole un tableau français.

 — Je dois aller en France ?

 — Non c’est à Londres. Tu dois dérober la… “La danse de la vie humaine” de Nicolas Poussin.

 — Vous voulez dire “La Ronde sur la musique du Temps” la toile détenue par la Collection Wallace ? Et pourquoi pas un tableau accroché au British Museum ou à la National Gallery pendant qu’on y est.

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