Saint-Malo, 23 septembre 2016
Mon cher Yann,
Depuis que tu es parti, je lis tes lettres à Clara tous les jours. Jusqu’à présent, elle semblait ne pas m’entendre, murée dans son absence, dans son refus au monde. Mais aujourd’hui, elle a semblé s’éveiller soudain d’un long rêve. Elle m’a regardé comme si elle me voyait pour la première fois et elle a souri. Elle m’a souri de ce sourire merveilleux qui l’illumine tout entière et qui m’avait lié à elle pour toujours ! Et, alors qu’elle ne parlait plus depuis l’accident, elle a prononcé ce mot « Nantes », comme un sésame.
J’ai compris qu’elle commençait à nous revenir. Comme le Nao Victoria de Magellan, tes mots ont réussi à tracer un chemin, ils ont découvert un détroit inconnu dans son esprit verrouillé.
Elle s’est levée, a pris son carnet de croquis, ses pinceaux et sa boite d’aquarelle et elle s’est mise à peindre tout ce que je lui avais lu. Tes impressions sur Nantes, elle se les réappropriait. Et devant moi surgissaient les ciels changeants de la ville de ses rêves, la cité de notre amour, le fleuve omniprésent, l’île Feydeau engloutie par la brume, les couleurs aquatiques du Passage Pommeraye, un pont transbordeur réinventé… Et même les lumières de Gorée !
Je crois bien que ton voyage est terminé mon petit. Un autre voyage aussi passionnant t’attend ici. Elle t’a entendu. Elle nous a enfin entendus. Reviens mon fils. Reviens vite !
Papa qui t’aime.
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