Electroencéphalogramme

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Si l'on demandait à un adulte quel est le plus marquant de ses souvenirs d'enfance, il dira sûrement qu'il s'agit de sa première fois à vélo, de sa première rentrée à l'école, ou encore de ses meilleures vacances à la plage. Pour ma part, bien que j'ai eu l'occasion d'expérimenter des situations similaires lors de mon enfance, ce n'est pas ces souvenirs-là qui me marquent le plus. Ce qui m'a le plus marqué durant les premières années de ma vie fut mes fréquentes visites à l'hôpital. Je n'étais pas malheureux lors de ses visites, en réalité je n'avais même pas conscience d'être malade, la seule chose qui me le rappelait quotidiennement était la dépakine que je devais obligatoirement prendre matin et soir. Mise à part cela, je vivais normalement.

Je me souviens de chaque visite au service de pédiatrie, car pour être honnête elles se déroulaient toutes exactement de la même façon. Je me levais pour aller à l'école, mais je ne restais que le matin, car j'avais rendez-vous dans l'après-midi, seulement ce n'était pas l'un de mes parents qui venait me chercher devant le portail, mais un voisin de confiance. Mon père travaillait toute la journée, et ma mère disait être trop fatiguée pour emmener son propre enfant faire un examen capital pour son futur développement.

Ce fameux voisin me donnait un rapide goûté, puis me conduisait à l'hôpital où je devais effectuer mon électroencéphalogramme. Le seul moment vraiment agréable que je passais dans cet endroit était pendant le temps d'attente. En effet, si le rendez-vous était prévu pour 14h, on venait me chercher à 15h30, ce qui m'arrangeait bien car j'avais la salle d'attente pour moi tout seul. De nombreux jouets étaient à ma disposition, mais mon préféré était la peluche de dragon vert. Je m'inventais tout un jeu dans lequel ce dragon était réel, et qu'il avait le pouvoir de tout écrabouiller.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, donc après ce long temps d'attente une infirmière venait me chercher en m'appelant par mon prénom, puis elle ajoutait "Aller on y va" avec une voix enjouée. Par la suite, j'étais alors seul avec elle dans une toute petite salle avec des personnages de dessin animé collé au mur, un lit d'hôpital avec une lampe au-dessus, et le fameux appareil relié à un ordinateur qui allait enregistrer l'électricité de mon cerveau.

Cet examen était absolument indolore, mais il était particulièrement chiant pour un enfant. Je sais bien que c'est assez difficile de s'en rendre compte tant que l'on ne l'a pas fait. Mais pour vous donner une idée, l'infirmière me mettait une substance bizarre dans les cheveux afin de faire coller les électrodes. Non seulement c'était froid, mais il fallait ensuite presque me tirer les cheveux pour les retirer après, et je ne vous parle même pas du temps que je devais mettre pour les laver le soir. En plus, je ressemblais à un alien avec ce truc sur la tête.

Mais à la limite si ce n'était que ça, je n'aurais pas râlé à l'époque, mais l'examen durait en moyenne plus d'une heure, voir une heure et demie. Et je ne me reposais pas durant ce temps-là, ah non, je devais faire des "exercices" c'est-à-dire souffler des bougies qui n'existaient pas. Ensuite, vous vous souvenez de la lampe que j'ai mentionné un peu plus tôt ? Celle accrochée au-dessus du lit ? Et bien elle n'était pas là par hasard, l'exercice suivant consistait à me faire fixer cette lumière qui au départ s'allumait et s'éteignait lentement, puis de plus en plus rapidement, à vous en bruler la rétine. Si j'étais vraiment vicieux j'aurais écrit "il fallait pas être épileptique avec cette lampe", mais ce serait de mauvais goût dans le cas présent.

Et le pire, c'est que j'avais faim, car depuis que le voisin était venu me chercher à mon école vers midi, je n'avais eu droit qu'à un croissant. De ce fait, mon ventre se mettait à crier famine durant l'examen, et l'infirmière me grondait, comme si c'était de ma faute. Je ne me souviens évidemment pas de la tête de cette infirmière précisément, surtout que c'était à chaque fois une personne différente qui pratiquait l'examen, mais je suis presque sûr qu'elle était moche. J'avais envie de penser qu'elle était moche. Mais en même temps, j'avais peur de penser du mal de cette femme. Après tout, on m'avait expliqué que cet examen avait pour but de voir ce qui se passait dans mon cerveau, et j'étais un gamin alors j'étais persuadé que si je l'insultais mentalement elle le verrait sur son petit écran, et elle me punirait..

Finalement, quand ce calvaire était fini, comme promis il a fallu pratiquement m'arracher les cheuveux un à un pour retirer les électrodes qui y étaient collées. Vous avez déjà eu un bonbon collé dans les cheveux ? Bah c'était à peu près ça dans l'idée. Ensuite je retrouvais le fameux voisin qui avait attendu tout ce temps dans la salle d'attente. Il était bien gentil quand j'y repense, car moi à sa place j'aurais demandé à être payé pour passer tout mon après-midi à l'hôpital, mais lui il n'a jamais rien demandé. Aujourd'hui je le soupçonne d'avoir voulu se faire bien voir de ma mère, parce qu'il avait le même sourire niais lorsqu'il était face à elle, que moi lorsque je suis face à mon chat, c'est un signe qui ne trompe pas.

Je remettais alors mon manteau, me disant que c'était enfin terminer, mais le désespoir me gagnait toujours lorsque j'entendais l'infirmière me dire :

- On se voit le mois prochain, aller rentre bien.

Et tout ce que j'arrivais à penser à ce moment-là c'était "NOOOOOOOOOOOON !"

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