28 octobre 2021 (L’histoire sans fin)

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Moi : « Tu sais quoi ? Je crois que je viens de dénicher un fameux coin à champignons !

Elle : - Pas la première fois que tu causes champignons. C’est quoi ?

Moi : - Tu vois les petites choses de forme plutôt ronde qui poussent parfois dans la pelouse devant ton capot ?

Elle : - Oui.

Moi : - Eh bien c’est ça.

Elle : - C’est animal ou végétal ?

Moi : - Les champignons sont des végétaux bien sûr.

Elle : - Écoute, on pourrait avoir un doute : c’est même pas vert !

Moi : - Allons, ne sois pas bête : quand une chose est posée dans le gazon et que ça ne court pas, c’est que c’est une plante.

Elle : - Alors t’es souvent une plante.

Moi : - M’enfin, tu vois ce que je veux dire, non ? On ne parlait pas de moi, là !

Elle : - Bon bref, si j’ai bien compris, les cimetières continuent à être des prétextes, tu t’intéresses à plein de trucs à côté !

Moi : - Dans les cimetières militaires, en ce moment, les soldats bouffent les champignons par le mycélium tellement ça pousse. C’est pas croyable en plus le nombre d’espèces qu’on voit !

Elle : - Pousse pas trop sur le champignon, quand même…

Moi : - Pollinette, tu apprendras que le fongique, dans ce pays, fait partie des choses sacrées. Selon l’expression bien connue, en France, on a livré des Juifs aux Allemands pendant la guerre, mais on ne révèle jamais où se trouve un coin à champignons. Et que veux-tu, je sens que ça m’inspire terriblement. Tiens, « J’irai chasser les champignons sur vos tombes », ça sonne bien, non ?

Elle : - Mmm. J’ai une question : les champignons qui poussent dans les cimetières allemands, ils sont allemands aussi ?

Moi : - Raconte pas de bêtises…

Elle : - Mais pardon ! Tu m’as expliqué très doctement que les terrains appartenaient aux pays des mecs enterrés, d’où mon interrogation.

Moi : - Je ne pense pas que la république fédérale d’Allemagne nous collerait un procès si on faisait la cueillette dans ses cimetières militaires… Voilà un point de droit international tout à fait passionnant, auquel je n’avais pas tout à fait pensé. Cela dit, je suis persuadée qu’il y a tout un traité de mycologie à écrire sur les espèces qui poussent dans les cimetières allemands et celles qui se développent dans les cimetières britanniques.

Elle : - Tu as vu des différences ?

Moi : - Ah mais oui ! La semaine dernière, les chapeaux pointus qu’on a vu dans le gazon de la Somme, c’étaient des coprins chevelus. Je me suis renseignée après coup, et si j’avais su, j’aurais pu les cueillir et m’en faire une fricassée, car le coprin chevelu est paraît-il très goûtu. J’ai vu sur Internet qu’il pousse dans les endroits riches en matière organique, donc azotés. Tu m’étonnes : le sous-sol des cimetières, ce doit être bourré de bons nutriments !

Elle : - Mais pas forcément à cause de bouses de vaches. Il y a aussi une drôle de pollution, parfois : tu te souviens de tes découvertes de février ? C’est fou ce qu’on trouve dans les cimetières militaires, dessus et dessous. Et si ça continue comme ça, tu vas y faire bientôt tes petites courses.

Moi : - Bah oui, pourquoi pas ? Au Lijssenthoek, il y avait pléthore de châtaignes. Là aussi, j’aurais pu faire mon marché, mais je ne suis pas sûre de savoir comment cuisiner ces machins-là.

Elle : - Plutôt que de lire des traités sur l’histoire, c’est plutôt un livre de cuisine qu’il faudrait t’acheter pour combler tes lacunes. Les études comparatives que tu fais sur la pierre de Portland, l’acier, le béton ou le marbre de Carrare utilisés pour les tombes, c’est bien gentil, mais ça ne nourrit pas sa femme. D’ailleurs, parlant de ça, c’est l’heure de rentrer ! Je sens la fraîcheur dans mes pneus et tu vas commencer à avoir faim.

Moi : - La fraîcheur dans tes pneus ? Tu sais qu’en tant que voiture, tu ne devrais pas avoir de ces préoccupations-là ?

Elle : - Peut-être, mais je préfère rouler, ça réchauffe le caoutchouc. C’est pas que je devienne frileuse, mais à mon âge, je dois commencer à me préserver…

Moi : - À ton âge ? Non mais tu t’entends parler ?

Elle : - On ne peut nier que nous n’allons pas en rajeunissant… Et si on veut durer…

Moi : - De toute façon, il fait trop noir pour prendre des photos maintenant, on va donc rentrer sur Lille. Tout a une fin, et je crois que c’est tout pour aujourd’hui. »

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