2 juin 2021 (Loin de la foule déchaînée - 2)

4 minutes de lecture

13h45

Elle : « J’ai bien cru que ça n’en finirait jamais ! Ne me dis pas que c’était encore un jardinier de la Commonwelss War Machin.

Moi : - Si.

Elle : - Pas croyable. Et alors, de quoi avez-vous parlé ?

Moi : - Bah, de choses et d’autres. Il voulait savoir ce que je faisais dans le coin, si je travaillais pour une association, tout ça. Et puis je lui ai dit que j’avais rencontré deux équipes avant lui. C’est ainsi que j’ai appris que le type aimable rencontré à Quesnoy Farm était le nouveau sous-chef, accompagné de Stéphane.

Elle : - Ça devient peuplé, les cimetières militaires ! C’est devenu le dernier endroit à la mode ?

Moi : - Ouais, ou alors un lieu de drague…

Elle : - C’est quoi…

Moi : - … un lieu de drague ? C’est là où on peut pécho, où on courtise, où on fait du gringue, où on allume, où on baratine…

Elle : - Ah, ça me rappelle le concessionnaire auto, question gringue et baratin…

Moi : - Hum, non, c’est pas exactement ça… Et puis je disais ça pour rigoler, bien sûr que les cimetières militaires ne sont pas des lieux de drague… Attends… (Me saisissant de mon portable et lisant) ″Top 10 des meilleurs endroits de rencontre : le dîner entre amis, le travail, les salles de sport, la fac, les associations, les transports en commun, les boîtes de nuit, les espaces verts…″ Ah merde !

Elle : - À tout bien réfléchir, il n’y a que ça qui te reste : tu n’as plus d’amis, les salles de sport sont fermées, tu ne vas plus à la fac depuis belle lurette…

Moi : - Pardon, j’y donne des cours !

Elle : - …tu as largué le milieu associatif, tu bosses chez toi…

Moi (lisant toujours) : - ″La nature, l’amour de la planète, l’écologie, la découverte … Autour de chez vous, se trouvent de remarquables espaces verts, des parcs, des forêts, des lacs, des chemins côtiers. C’est un univers plein de quiétude, les arbres vous entourent, l’environnement est romantique. Vous pouvez vous aussi arpenter les allées bucoliques de ces parcs, et au passage lier connaissance avec des habitués ou par le hasard des rencontres tomber nez à nez avec…″

Elle : - Romantique, tu parles !

Moi : - Question romantisme, c’est vrai qu’il y a mieux, d’autant qu’au détour de la conversation, j’ai demandé au gars s’il faisait ce métier de jardinier par vocation.

Elle : - Et ?

Moi : - Il m’a répondu qu’il travaillait avant dans un abattoir de poulets, donc forcément, ça le change.

Elle : - Boaf, il est passé d’une tuerie à l’autre. À part ça, qu’est-ce qu’on fait ? On bouge ? On continue de cuire au soleil ?

Moi : - Non… Il faut absolument se trouver un coin à l’ombre pour manger un peu, parce que l’heure tourne, et puis…

Elle : - Si tu pouvais justement arrêter de grignoter tes biscuits, tu vas me faire des miettes partout.

Moi : - Le suivant n’est pas très loin, on devrait y être plus tranquilles. »

15h20

Elle : « C’est un gag ?

Moi : - C’est ce que j’ai dit au type.

Elle : - Et puis ça dure de plus en plus longtemps, les bavardages !

Moi : - D’abord, j’ai enfin pu manger, et ensuite, on a parlé produits phytosanitaires. Et puis il voulait savoir ce que je faisais dans le coin, si je travaillais pour une association, tout ça. Forcément, ça prend du temps.

Elle : - Ouais…

Moi : - Il m’a dit que le type précédent, à Bienvillers-au-Bois, s’appelait Greg.

Elle : - Si je comprends bien, le but du jeu, c’est d’apprendre les prénoms des jardiniers avec un temps de retard ! Cela dit, cette fois-ci, tu avais un public.

Moi : - Tu as vu ? Ce que je fais intéresse au moins les vaches.

Elle : - Elles ne voulaient pas plutôt vérifier que tu es comestible ?

Moi : - Les vaches ne sont pas carnivores.

Elle : - Ah, dommage. Ça pimenterait certaines de nos virées. J’imagine d’ici le fait divers dans les infos : ″Attaquée par des vaches sanguinaires pendant qu’elle prenait des photos de plates-bandes″…

Moi : - Le soleil t’a un peu trop tapé sur le capot, toi !

Elle : - Alors, disons que c’est un petit pas dans l’histoire de la photographie, mais un bond de géant dans l’amitié humains-bovidés.

Moi : - C’est bien gentil, mais avec tous ces types dans les cimetières, difficile de s’éclipser pour faire une petite vidange ni vue ni connue.

Elle : - Tu vidanges souvent, toi ! »

16h10

Elle : « Attends. Il a voulu savoir ce que tu faisais dans le coin, si tu travaillais pour une association, tout ça. Je me trompe ?

Moi : - Quelle intuition !

Elle : - Cinquième cimetière habité de la journée, sur neuf endroits visités. Ça fait une bonne moyenne.

Moi : - Oui. D’ailleurs, j’ai demandé au type si je ne devais pas me mettre à jouer au Loto. Je sens instinctivement que je vais changer mon discours sur les cimetières militaires, quand je loue leur calme, leur silence, leur sérénité… Pfff, j’ai rarement autant bavardé qu’aujourd’hui !

Elle : - Tu en as profité pour demander le nom du jardinier précédent ?

Moi : - Je n’ai pas eu à le demander. Il a suffi que j’évoque le jardinier vu à Couin pour qu’il me dise ″Ah ouais, Cédric !″

Elle : - C’est marrant, plus ça va, plus tu vires à l’écarlate. M’est avis que tu vas briller dans le noir ce soir, comme les catadioptres des vélos. T’en as presque la couleur.

Moi : - Parler verdissement des tombes sous le soleil ne convient pas à mon teint de blonde.

Elle : - Et au fait, ça va, la vessie ?

Moi : - M’en parle pas… »

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