24 février 2021 (Lumière !)

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Elle : « C’était sur une route de Belgique.

Moi : - Oui, le soleil couchant était magnifique.

Elle : - Mmm. Il était un peu plus de 18 heures…

Moi : - Tu étais garée devant le Huts Cemetery. Comme je t’avais placée un peu à l’écart, j’avais l’impression que tu me faisais la gueule.

Elle : - Ben ouais, pourquoi tu me parques toujours assez loin, comme ça ?

Moi : - Parce que je n’ai pas envie que tu sois sur mes photos.

Elle : - Quoi, chuis pas assez belle ? J’ai une couleur pourtant tout à fait photogénique !

Moi : - Le bleu canard jure un tout petit peu avec les tombes, Choupine.

Elle : - Ah mais pas du tout ! Ça rajouterait un peu de peps. Cette pierre beigeasse, c’est fadasse, à la longue.

Moi : - Tu sais que le but de nos virées n’est pas spécialement de te photographier ?

Elle : - Pourtant, j’avais tout pour être une star…

Moi : - Je ne crois pas, non.

Elle : - Si, je t’assure.

Moi : - Nous disions donc…

Elle : - Ouais, il y a un an.

Moi : - En Belgique.

Elle : - Pus possible à l’heure actuelle.

Moi : - À l’heure du coucher du soleil.

Elle : - Pus possible non pus.

Moi : - Quand tout à coup… Nous étions proches de Dikkebus, quand tout à coup, à 18h07, une grande lumière venue du ciel m’enveloppa de son éclat. Je tombai sur le sol et j’entendis une voix qui me disait : « Pourquoi me persécutes-tu ? ». Je répondis : « Qui es-tu, Seigneur ? ». Tu me dis alors : « Je suis celle que tu conduis ». Je repris : « Que dois-je faire, Seigneur ? ». Et le Seigneur me dit : « Relève-toi. Va à Dikkebus. Là on te dira tout ce qu’il t’est prescrit de faire ». Mais comme je n’y voyais plus à cause de l’éclat de cette lumière, j’ai décidé d’attendre un peu et puis finalement nous sommes allées chez mes parents. Pas que ça à foutre, après tout. Mais bon, voilà, c’était le récit de ma révélation sur le chemin de Dikkebus.

Elle : - Rheu ! Non, là, tu déconnes. Quoique je suis assez d’accord pour ce qui est de la persécution. C’est plutôt bien vu, même si c’est éloigné de ce que j’ai vraiment dit.

Moi : - Attends, je peux tenter autre chose : « Pour moi, tout a commencé par une soirée, le long d’une route solitaire de campagne, alors que je cherchais un raccourci que jamais je ne trouvai. Cela a commencé par le bavardage d’une voiture peut-être venue d’une autre galaxie. Maintenant, je sais que les envahisseurs sont là, qu’ils ont pris une forme automobile et qu’il me faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé… »

Elle : - J’aime assez l’idée de venir d’une autre planète…

Moi : - Ne te la pète pas trop quand même.

Elle : - …pour exterminer tous les humains, waaaaaah. Je m’en vais vous rouler tous dessus, waaaaaah.

Moi : - Vaste programme. Toujours aussi peu de goût pour les lettres, la poésie, le rêve, le merveilleux…

Elle : - Ce qui serait merveilleux, c’est que tu m’expliques pourquoi on doit mettre tant de temps pour aller d’un endroit à l’autre.

Moi : - Comment ça ?

Elle : - Ben, la distance Lille-Hazebrouck, c’est une cinquantaine de kilomètres et trois quarts d’heure de route, mais avec toi ça peut durer trois heures facile. Et je ne suis pas sûre que passer par Béthune ou Ypres soit ce qu’il y a de plus court.

Moi : - M’enfin p’tite tête, tu sais bien qu’aller tout droit n’est pas mon but.

Elle : - Je m’en étais aperçue… Mais avec le couvre-feu, tu ne traînes plus guère !

Moi : - Et moi qui tente de convaincre mon entourage depuis des années de la beauté et de l’intérêt des cimetières militaires… Mais sans coucher de soleil pour les magnifier sur les photos, la tâche devient plus ardue.

Elle : - Voilà pourquoi on doit partir tôt, parfois.

Moi : - En effet. Le lever du soleil a remplacé le crépuscule.

Elle : - Vraiment, le monde ne tourne plus rond. (Après un silence) Pour les couchers de soleil, j’ai une idée.

Moi : - Ah oui ?

Elle : - Au lieu de continuer à jouer à l’apprentie-photographe, tu devrais passer professionnelle, et puis ainsi tu pourrais te balader le soir tranquillou, en disant que tu fais ça pour le boulot.

Moi : - Tu crois ?

Elle : - Hop là, une petite dérogation pour vadrouiller le soir, et le tour est joué.

Moi : - Je me vois déjà en train de dire ″C’est pas ma faute, Monsieur l’agent, c’est une idée de ma voiture.″ Si tu t’es mise à parler juste pour ça… Tiens, d’ailleurs, pourquoi tu t’es mise à bavarder comme ça il y a pile un an ?

Elle : - Chais pas. L’air de la Belgique.

Moi : - Il n’y a pas plus d’explication que ça ?

Elle : - Pfff, non.

Moi : - Vraiment ?

Elle : - Enfin, réfléchis un peu. Il y a un an, les choses commençaient à se gâter sur le plan sanitaire.

Moi : - Oui. Et ?

Elle : - Et tu crois que nous, les véhicules, nous traverserions la crise du Coronavirus sans que ça nous affecte ? Ce serait le bazar total pour les humains, mais pour nous, rien, nada, zéro, peau de zob ?

Moi : - Attends, ne me dis pas que… Noooon, ce serait trop fantastique !

Elle : - Eh bien, oui, j’ai choppé le virus de la parole.

Moi : - Seulement ? Apparemment, c’est un virus dont on ne guérit pas. Et tu prouves assez souvent que ce n’est pas parce qu’on sait parler qu’on a forcément quelque chose à dire !

Elle : - Au moins je ne suis pas langue de vipère comme certaines…

Moi : - Bon écoute, ne boude pas. Pour marquer le coup, j’ai décidé de t’offrir un petit cadeau.

Elle : - Un lavage au jet haute pression !? Mon rêve !!!

Moi : - Heu, non… Regarde.

Elle : - C’est quoi ce bidule ?

Moi : - Un livre audio. Je t’en avais promis un. Tu en auras bientôt d’autres.

Elle : - Uh ? Qu’est-ce que tu m’as pris ?

Moi : - François le Champi de George Sand. Tu vas voir, c’est agricole, plein de champs labourés, de paysans taiseux qui triment et qui boivent la soupe, de moissons sous le grand soleil d’été… Ça te fera penser à la campagne…

Elle (soupirant) : - Comme si c’étaient les vaches qui me manquaient… »

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