1er février 2021 (Psy)

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Moi : « Racontez-moi d’abord vos troubles.

Elle : - Ben, je verrouille-déverrouille mes ouvrants quand je devrais seulement les verrouiller. Ça me donne l’impression d’avoir ce hoquet que j’ai déjà pu observer chez certains humains. M’est avis que c’est l’électronique qui foire.

Moi : - Et cela affecte votre vie ?

Elle : - Pas vraiment, non. Mais ça fait râler intensément ma propriétaire qui ne peut plus verrouiller mes portières autrement que manuellement. Elle rouspète que sa télécommande ne lui sert plus à rien. À mon avis, ce n’est qu’un prétexte pour ronchonner encore plus.

Moi : - On va laisser de côté votre propriétaire pour le moment, vous n’êtes pas là pour parler à sa place. On va plutôt tâcher de vous soulager de vos problèmes. Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait avoir causé cette crise de verrouillage-déverrouillage intempestif ?

Elle : - Baaaah j’en sais rien, moi.

Moi : - Un choc récent ?

Elle : - Si on m’était rentré dedans, je crois que je m’en souviendrais…

Moi : - Je parlais plutôt de choc émotionnel.

Elle : - Boâh non, tout va bien.

Moi : - Vous êtes sûre ?

Elle : - Tu cherches à me faire dire quoi ?

Moi : - Tu me vouvoies et tu m’appelles "docteur", s’il te plaît.

Elle : - Et ça suffit pour te donner les compétences afin de comprendre ce que j’ai ?

Moi : - T’inquiète, j’ai commencé à regarder "En thérapie", le nouveau feuilleton d’Arte. Tu en mates trois épisodes et t’as envie d’analyser tout ton entourage. J’ai donc décidé d’être un peu plus à ton écoute, d’autant que tu as un petit souci ces jours-ci. Et puis franchement, je crois que la psychanalyse est beaucoup plus facile à appliquer qu’on ne l’imagine.

Elle : - Mmm, si tu le dis.

Moi : - Vouvoyez-moi…

Elle : - Voui docteur.

Moi : - Puisque vous exprimez quelques craintes, je ne pense pas, très honnêtement, que je puisse faire beaucoup de dégâts avec vous. Déjà, on ne parlera pas de complexe d’Œdipe en ce qui vous concerne, ni de votre mère castratrice…

Elle : - C’est quoi, castratrice ?

Moi : - Heu-oui-bon-ben justement, ça ne vous regarde pas, donc ce n’est pas la peine de s’attarder là-dessus.

Elle : - Docteur, il y a un truc que je dois vous dire : j’ai parfois l’impression que ma propriétaire me cache délibérément des choses !

Moi : - Peut-être que votre proprio cherche à vous épargner des détails oiseux.

Elle : - Pourtant, j’ai pas peur des oiseux, du moment qu’ils ne me chient pas dessus…

Moi : - Là n’est pas le débat. Elle a sûrement ses raisons. Vous n’avez donc pas le souvenir d’avoir subi un trauma récemment ?

Elle : - Un trauma ?

Moi : - Ben oui, une émotion violente qui aurait modifié votre personnalité.

Elle : - Pas de trauma à l’horizon.

Moi : - Réfléchissez.

Elle : - M’enfin que veux-tu me faire avouer ?

Moi : - Docteur.

Elle : - Oui, m’enfin Docteur, où voulez-vous en venir ?

Moi : - Quand vous avez entendu parler de la fin prochaine de la production de Twingo, qu’est-ce que ça vous a fait ?

Elle : - Ah, nous y voilà.

Moi : - Le fait de pratiquer la journée portes ouvertes à longueur de temps, n’est-ce pas une autre façon d’opérer une opération séduction afin d’attirer l’attention sur soi et montrer qu’on peut encore plaire malgré la mise hors-jeu annoncée ?

Elle : - Dis-moi, la psychanalyse, c’est forcément se monter le bourrichon ?

Moi : - Marie-Apolline, quand on arrive à mettre des mots sur ses peurs, on apprend à les comprendre et à les regarder en face. Et ainsi à les réduire. Ou alors… Quand on arrive à mettre des morts sur ses "peu"…

Elle : - Ses pneus ?

Moi : - Nom d’un chien ! Je ne m’étais jamais rendu compte de la proximité des deux phrases. Intéressant, ça…

Elle : - Ouais, ça veut dire quoi ?

Moi : - Chais pas. C’est à creuser.

Elle : - Dis-moi, ça mène un jour à quelque chose, la psychanalyse ?

Moi : - Oui, souvent après de longues années.

Elle : - Ah, ceci explique sans doute cela. Parce que j’ai l’impression qu’on patauge un peu, là.

Moi : - Pas-toge. Pataud-je. Je-pataud. Mmm.

Elle : - Pardon ?

Moi : - L’inconscient surgit souvent au détour d’un jeu de mots, d’un lapsus, d’un rêve… J’essaie de comprendre ce que tu as à l’esprit… Vous avez un fragment de rêve à me raconter ?

Elle : - Beuh, je rêve pas vraiment. C’était surtout Ursula qui rêvait beaucoup. Tu te souviens, quand elle se prenait pour une tondeuse à gazon dans son sommeil ?

Moi : - Je vous rappelle que je suis votre thérapeute et que je ne suis pas censée vous connaître.

Elle : - C’est suant, à la fin !

Moi : - Vos rêves pourraient me donner la clef de votre psychisme. Par exemple, le cauchemar de l’enfant qui a peur des panthères ou du loup vient de ce qu’une mère panthère ou louve s’est développée en lui, à l’image de la mère qui a instillé cette forme d’agression, consciente ou non.

Elle : - Uuuuuh. Et si je rêve de pigeons, j’ai une maman pigeon qui pousse en moi, à l’image de la première génération de Twingo ?

Moi : - Première génération de Twingo ! Ça y est ! Tu avoues ! On revient à cette histoire de dernière génération !

Elle : - Je croyais qu’on devait se vouvoyer ?! Et puis j’ai pas parlé de la dernière génération de Twingo !

Moi : - Mais tu n’es pas triste à l’idée qu’il n’y ait plus de Twingo d’ici deux ans ? Tu ne te demandes pas comment je vais faire quand Renault aura cessé sa production de petites citadines ?

Elle : - Ah mais c’est beaucoup plus ton problème que le mien ! M’est avis que c’est toi qui as attrapé un trauma !

Moi : - Tu ne te demandes jamais par quelle voiture je vais te remplacer ?

Elle : - Me remplacer ? MOI ??? Où ça ? Quand ça ? Quoi ça ?

Moi : - Ça y est, tu viens de comprendre un truc ! Fini de rigoler, ma belle ! Je te garantis qu’à partir de maintenant, tu vas somatiser comme une bête. Et tu seras contente d’avoir une thérapeute à tes côtés.

Elle (en soupirant) : - Je n’ai pas besoin d’ennemis : j’ai une propriétaire… »

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