8 novembre 2020 (Une vie rêvée)

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Moi : « Salut ! Tu es encore toute seule ?

Elle : - Bah ouais, tu vois, l’absence de Zeup se prolonge.

Moi : - J’aime autant, parce que je ne suis pas venue m’installer en banlieue chic pour me retrouver en pleine battle de rap.

Elle : - Tu sais où elle est passée, Zeup ?

Moi : - Non, j’en sais rien. Elle fait partie des choses qui disparaissent du jour au lendemain dès qu’un confinement est décrété. J’imagine que son propriétaire est parti se confiner ailleurs.

Elle : - Dans ce cas, pourquoi on reste toujours ici, nous ? On peut pas partir comme tout le monde ?

Moi : - D’abord, tout le monde ne s’en va pas, et on reste ici à cause du travail.

Elle : - Non mais c’est nul comme excuse.

Moi : - Pardon, mais c’est la vérité.

Elle : - J’aimerais mieux que tu trouves quelque chose de plus impressionnant.

Moi (soupirant) : - Je sais bien qu’il faut rêver un peu dans la vie, mais j’ai parfois le sentiment que tu ne carbures pas qu’à la super sans plomb. Eh bien… Je reste ici parce que parce que je suis une combattante de l’enseignement, essentielle à la patrie grâce à mes cours sur le prétérit. Ça te va mieux comme ça ?

Elle : - Et moi je suis indispensable au véhiculage du savoir jusque dans les recoins les plus obscurs de la métropole lilloise.

Moi : - Si tu as besoin de ça pour tu te sentes mieux dans ta carrosserie, va pour le grandiloquent. Mais de là à traiter la Cité Scientifique de "recoin obscur", c’est un peut-être un poil exagéré.

Elle : - C’est de l’autre côté du périph’ est, là où les gens habitent dans des caravanes. J’ai remarqué, c’est tout à fait un autre monde.

Moi : - Lundi dernier, il y avait bien des gens du voyage qui squattaient le parking de l’IUT, mais pour autant, on ne peut pas en faire la caractéristique de tout Villeneuve d’Ascq !

Elle : - Mouais c’est quand même pas un coin très normal. D’abord, ça manque de chevaux.

Moi : - Il n’y a pas des champs de courses partout, tu sais. En tout cas, pour ton info, on ne retourne pas dans les recoins obscurs demain.

Elle : - Non ?

Moi : - Non. Cette fois-ci, la fac est bel et bien fermée, précisément à cause des gens du voyage.

Elle : - Comment ça ?

Moi : - Ils laissent traîner des fils électriques partout, et c’est jugé trop dangereux pour qu’étudiants et enseignants continuent à fréquenter les locaux. Ce que la COVID-19 n’a pas réussi à faire, les fils dénudés l’ont fait !

Elle : - Le risque du court-jus plus fort que celui de la maladie !

Moi : - C’est bien résumé. Ça rassure quand même de voir que les autorités de l’université ont peur de nous voir électrocutés. Je finissais par me demander si notre santé les préoccupait un peu.

Elle : - Ils ont juste peur de la mort rapide pour vous ; la version lente les effraie moins.

Moi : - Tu as parfois une façon bien particulière de voir les choses.

Elle : - Bah, la réalité alternative, c’est pas un peu à la mode ?

Moi : - Ben justement, il se peut que le pape des réalités alternatives soit poussé vers la porte de sortie.

Elle : - Qui ça ?

Moi : - Tu as bien entendu à la radio qu’on ne parle que des États-Unis ces jours-ci ?

Elle : - Aaah OK… Tu parles de Donald Trump. Quoi, il n’est pas réélu ?

Moi : - Ça n’en prend pas le chemin.

Elle : - Il a perdu alors ?

Moi : - Ce n’est pas encore sûr. Les Américains en sont encore à recompter les votes.

Elle : - Sont mous !

Moi : - Non, ils ont juste un système d’élections indirectes qui rend les comptages de votes cruciaux. Et puis il y a apparemment un type pas prêt du tout à reconnaître sa défaite. Au moins, ça fait parler les gens. On a plus de spécialistes en France prêts à gloser sur les résultats du scrutin du comté de Maricopa en Arizona que d’experts du Haut-Karabakh.

Elle : - Et qui voudrais-tu voir gagner ?

Moi : - La victoire de Joe Biden serait un soulagement pour beaucoup… Et on ne verrait plus le seul président à temps partiel de toute l’histoire des États-Unis, qui préfère jouer au golf pendant que son administration se dépatouille d’une bricole, la pandémie de COVID-19.

Elle : - Je trouve qu’on est dur avec Donald Trump. Il est peut-être incompris.

Moi : - Trump, incompris ?

Elle : - Ben oui. Regarde ce qu’il fait en ce moment. Tu me dis qu’il n’accepte pas sa défaite. C’est peut-être quelqu’un qui a besoin de s’inventer un monde parallèle, parce que la réalité ne lui convient pas, ou parce qu’elle est trop triste, ou trop anxiogène.

Moi : - Mmm.

Elle : - Je pense que ça doit exister plus souvent qu’on ne croit, des gens qui s’inventent un monde un peu plus beau qu’il n’est, ou un univers qui leur plaît plus que leur vie quotidienne. Ou bien des gens qui ont recours à des amis imaginaires pour adoucir un peu leur vécu.

Moi : - Vraiment ? Je ne vois pas ce que tu veux dire. »

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