28 avril 2020 (Sérénade à trois)

3 minutes de lecture

Edouard Philippe vient d’exposer les grandes lignes du déconfinement à l’Assemblée nationale

Elle et l’autre : « Alors ? Alors ? Il a fait son grand discours ?

Moi : - Vous parlez du Premier Ministre ?

Elle et l’autre : - Bah ouais !

Moi : - Eh bien oui.

Elle et l’autre : - Et ?

Moi : - Vous savez, les discours à l’Assemblée sont rarement les plus émoustillants de l’année.

L’autre : - On ne peut pas savoir ce qu’il a dit ?

Moi : - Ça vous intéresse à ce point ?

L’autre : - Peut-être un peu, non ? Nous sommes concernées par les déplacements, à commencer par ça.

Moi : - D’accord, il y avait de l’info, mais honnêtement, rien de bien folichon…

Elle : - C’est à toi de rendre la chose intéressante.

Moi : - Ah non ! Je ne vais pas faire le récit de la bataille de l’Assemblée en mode inclusif rien que pour vous faire plaisir !

Elle : - T’es pas obligée de faire ça, tu peux partir sur un autre modèle… ! Du moment que ce soit digeste et intéressant.

Moi : - Rien que ça !

L’autre : - Ce sera une façon de vérifier si vous avez tout bien compris au discours de votre Premier Ministre.

Moi : - Qu’est-ce que ça veut dire ? Je n’aime pas trop ce que ça sous-entend.

Elle : - Alleeeeeeez, quoi !

L’autre : - Oui, allez !

Moi (après un silence recueilli, m’éclaircissant la voix) : - Ahem. Sous les encouragements de la foule… "PLAN DE DECONFINEMENT." Poème.

Elle : - Super.

Moi (déclamant) : - À Paris, dans l’élégiaque et grande Assemblée,

En cette année ô combien marquante et charnière,

Le Premier Ministre a parlé et reparlé

Et a esquissé un grand retour aux affaires.

En déplorant les destructions du corona,

Il évoqua l’étrange et toxique atmosphère

Et le dur confinement qui en mars nous priva

De culture, de piscine, et du chemin de fer.

Nous sommes à présent pareils à des lions en cage

Rêvant de dévorer de juteux phacochères.

De lourdes larmes tombent de nos milliers de visages,

Las ! Comme autant d’inutiles dons à la biosphère.

Ah ! Redonner vie aux hameaux, villes et villages !

Avec quel important et ambitieux programme

Édouard Philippe veut ramener le turbinage !

Pour cela, il faudra avant tout que l’on rame

Avec diverses précautions, région par région,

Et que l’on puisse enfin arriver à bon port

Pour redémarrer notre grande et belle nation

– Mais beaucoup de mesures seront budgétivores.

Mélenchon cria à l’apocalypse imminent ;

S’il eut trouvé le gouvernement magnifique,

Nul doute que tout le monde aurait dit "Mais il ment !"

Pour qualifier ses arguments tout en plastique !

Certaines choses ne peuvent décidément pas changer :

Députés surgissant du tréfonds de l’enfer,

Avec vos attaques convenues et téléphonées,

Seriez-vous le miroir glacé de nos misères ?

Pour résumer, nous pourrons jouer dès le 11 mai

Avec les personnes âgées, faire du vélo

Jusqu’à cent kilomètres, et puis nous faire couper

Les cheveux pour que nous soyons enfin plus beaux.

Nous pourrons tenir des funérailles dans les parcs

Et télétravailler sans pouvoir nous marier.

Ce judicieux plan concocté par des énarques

Fait cependant les restaurateurs soupirer.

Ces gens-là ne sont pas méchants, ils sont aigris,

Pressés de nous faire boire, taxant à 20%

– Cela sauverait probablement leur trésorerie.

Les parents aussi s’inquiètent pour leurs garnements.

Par Zeus ! Nous voudrions faire la planche cet été

– Mais avec un masque, cela va être peu aisé.

Édouard peut se plaindre de devoir gouverner

67 millions d’experts en tout, mais frustrés !

Elle : - Ah c’est beau.

Moi : - Tu aurais dit le contraire, je t’aurais tuée.

L’autre : - On sent bien la patte de l’auteur, surtout quand il s’agit de piscine.

Moi : - Oui, la piscine est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Elle : - C’est super quand tu fais de la littérature ;

Mais ce n’est pas pour moi, qui ne suis qu’une voiture.

L’autre : - Vous croyez vraiment que les phacochères soient juteux ?

Moi : - Non, c’est une licence poétique. Ces bestiaux-là, comme tous les animaux sauvages, doivent être durs et secs. Ainsi, j’ai mangé il y a bien longtemps du kangourou, et je…

L’autre : - Ah bon, et où ça ?

Moi : - À Dunkerque. Je disais donc que… Où j’en étais ? Ah oui. Le kangourou n’est pas spécialement tendre.

L’autre : - Il n’en a pas l’air, non.

Elle : - C’est quoi, un kangourou ?

Moi : - Tiens, je l’attendais, celle-là. C’est un animal qu’on trouve en Australie et qui saute partout.

Elle : - Un lapin, quoi ! Et donc, tu en as mangé.

Moi : - Oui, une fois.

Elle : - Ouais, les pandémies commencent comme ça : on goûte à un animal exotique, et on se retrouve en moins de trois mois à court de farine T45 au Monoprix local… »

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