La boite de premiers secours

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Alex me fixe droit dans les yeux pendant plusieurs secondes, visiblement touché par ma dernière phrase. Je lui souris en retour. Ensuite, il se lève et pose une main sur son bras blessé. Il enlève son sweat et le T-shirt blanc qui se trouve en-dessous avant d'arracher un morceau de ce dernier pour bander la blessure avec.

J'écris aussitôt sur le cahier :

"Non, ce n'est pas comme cela que tu dois procéder. Il faut enlever la balle et désinfecter la plaie pour éviter qu'elle ne s'infecte. Tu ferais mieux de te rendre à l'hôpital."

"Non, c'est hors de question ! Si j'y vais, les infirmiers et les médecins chercheront à contacter mes parents parce que je suis mineur et je n'ai aucune envie de les revoir, tu le sais bien ! En plus, ils mèneront une enquête vu qu'il s'agit d'une blessure causée par une arme à feu et s'ils apprennent que j'étais en possession de drogue, ils m'arrêteront !"

C'est vrai, il n'a pas tort. On ne peut pas prendre le risque qu'il se fasse arrêter. Je réfléchis quelques secondes, puis lui propose :

"Je sais. En rentrant chez moi, je récupérerai la trousse de premiers secours qui se trouve dans la salle de bain et je te l'apporterai. Il doit y avoir de quoi te soigner dedans."

Il hoche la tête en signe d'approbation, puis écrit :

"D'ailleurs, tu devrais rentrer. Il est déjà bien tard. Je vais te raccompagner . . ."

Je secoue la tête pour contester et lui explique :

"Non, je préfère rester ici cette nuit. Tu es blessé, tu ne peux pas rester seul. Des complications pourraient survenir au cours de la nuit, il faut que je sois là pour t'aider."

Il ne répond rien à cette dernière phrase, se contentant d'aller s'asseoir sous la lucarne. Je referme le cahier et le range dans son sac, avant d'aller m'adosser au même mur que lui.

L'endroit est sombre et froid. Si j'y étais seule, j'aurais sans doute été terrifiée, mais ce n'est pas le cas. Il est là, tout près de moi et sa présence me rassure. Je me sens en sécurité à ses côtés.

Je relève mes genoux contre ma poitrine et passe mes bras autour de mes jambes pour me réchauffer.

Alex, quant à lui, ne bouge pas d'un poil. Il fixe le mur d'en face d'un air impassible. Il n'a même pas remis son sweat ou son manteau, comme s'il était insensible au froid. Il semble plongé dans ses pensées.

La tête appuyée sur mes genoux, je l'observe calmement jusqu'à sombrer dans le sommeil.

Lorsque je me réveille le matin suivant, j'ai la nuque raide et le bas de mon dos douloureux. Il faut dire que c'est la première fois que je ne dors pas dans un lit et l'expérience est peu confortable. Je m'étire longuement et masse ma nuque en regardant autour de moi. Alex est debout dans un coin. Il a finalement remis les vêtements qu'il avait ôtés la veille. En remarquant mon réveil, il s'approche de moi et me tend sa main pour m'aider à me relever. Une fois que je suis debout, il me donne mon cartable et mes clés, qui sont désormais propres. Puis il me fait signe de le suivre d'un simple mouvement de la tête. Nous quittons les combles et empruntons l'escalier de secours pour descendre dans la rue, avant de sortir de l'ancienne zone industrielle pour prendre le chemin de l'école.

La journée se déroule sans accroc. Je m'installe même à la table d'Alex pendant la pause déjeuner pour manger ensemble. J'en profite pour lui enseigner d'autres mots en langue des signes. Il apprend vite et bien. Nous n'avons déjà plus besoin de cahier pour communiquer les informations de base. Après la dernière heure de cours, nous quittons l'établissement côte à côte et je fais signe à Alex que je vais rentrer chez moi pour récupérer la boite de premiers secours, comme prévu hier. Il hoche la tête, mais m'indique qu'il a bien l'intention de m'accompagner.

Nous nous y rendons donc ensemble. Une fois arrivés devant la porte vitrée de l'immeuble, je l'ouvre à l'aide de mon badge et nous grimpons les escaliers jusqu'à mon appartement. Je glisse les clés dans la serrure pour déverouiller la porte et nous entrons dans le logement. Je traverse le couloir pour me rendre dans la salle de bain, suivie par Alex. Il s'assied sur le rebord de la baignoire pendant que je fouille dans le placard fixé au mur. J'en sors la boite et l'ouvre pour y récupérer une pince, une bouteille d'alcool, une compresse et un rouleau de bandages.

Mon ami ôte son manteau et sors son bras de la manche de son sweat. Je détache le morceau de tissu qu'il a enroulé autour de sa blessure et en approche prudemment la pince pour enlever la balle logée dans sa chair. Il esquisse une grimace pendant que j'accomplis cette opération. J'imbibe ensuite la compresse d'alcool et essuie avec la plaie. Il ne me reste plus qu'à la bander et c'est fini.

Alex prend quelques secondes pour observer le résultat de mon travail, puis me remercie d'un hochement de tête. Il sait pourtant qu'en langue des signes, on fait le geste d'envoyer un baiser à quelqu'un pour le remercier, mais on dirait bien qu'il est trop gêné pour le faire car il n'a jamais réalisé ce signe.

Je lui souris en retour, puis il se lève et m'informe qu'il va rentrer chez lui. Au moment où il s'apprête à tourner les talons, je le retiens par la manche. Il s'immobilise et pose son regard sur moi, attendant que je lui explique pourquoi je le retiens.

Je lui demande alors, en langue des signes :

- J'aimerais pouvoir parler pour être capable de communiquer sans problème à tous ceux qui m'entourent. Est-ce que tu veux bien m'apprendre ?

Son expression jusque là impassible vire à l'étonnement. Il m'observe ainsi pendant quelques secondes avant de hocher la tête de haut en bas.

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