La demande d'amitié

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Étonamment, elle ne m'a pas dénoncé. Durant tout le reste de la journée, elle n'est pas allée voir un prof pour se plaindre de ce que je lui avais fait. Elle a même volontairement dissimulé sa blessure sous sa frange, afin que personne ne la voie. Je trouve ça stupide de sa part. En me dénonçant, elle aurait pu s'assurer que je finisse en maison de correction et que je lui fiche la paix pour un bon moment, mais elle ne l'a pas fait. D'un autre côté, tant mieux pour elle parce que je me serais assuré de le lui faire regretter avant d'être enfermé. D'ailleurs, c'est peut-être pour ça qu'elle ne m'a pas dénoncé : elle a peur des représailles.

C'est ce que je me dis en traversant la cour, presque déserte à cette heure-ci, pour quitter l'école. J'ai à peine le temps de dépasser le petit bassin qui s'y trouve que je sens une main me tapoter l'épaule. Je me retourne et fais encore face à cette fille. Je fronce les sourcils et lui demande :

- Qu'est-ce que tu me veux encore ? La première ne t'a pas suffi ? dis-je en brandissant mon poing.

Pour toute réponse, elle me montre l'une des pages de son cahier, sur laquelle est écrit :

"Je veux qu'on devienne amis. Ce serait quand même plus agréable pour toi de te confier à quelqu'un sur tes problèmes plutôt que de déverser ta rage sur une innocente."

Je reste figé pendant quelques secondes, surpris par ce que je lis, puis je lève les yeux vers elle. Elle me regarde avec un grand sourire. Ensuite, elle me pointe du doigt, avant de se désigner elle-même et de serrer ses mains. Alors c'est ça que signifient ces gestes. Il s'agit d'une demande d'amitié en langage des signes.

Je quitte ses mains du regard pour poser mes yeux sur son visage. Ce sourire . . . Pourquoi ce sourire depuis le début alors que rien de ce que je lui fais ne prête à être heureux ? Pourquoi me demande-t-elle en ami après tout ce que je lui ai fait ? Elle croit vraiment qu'on pourrait devenir amis, elle et moi, alors qu'on si est différents l'un de l'autre ? On est comme le jour et la nuit alors il est impossible qu'on se lie d'une quelconque amitié !

Je grince des dents et arrache violemment la page de son cahier pour la déchirer en deux avant de la jeter dans le bassin de la cour. Puis je la pousse à son tour dans l'eau. Elle lève vers moi des yeux pleins d'étonnement. Je lui réponds par un regard noir avant de tourner les talons et de m'en aller précipitamment.

"On ne peut pas . . . On ne peut pas être amis . . ." me répété-je en boucle pendant que je me dirige vers l'usine abandonnée.

Je grimpe en vitesse l'escalier de secours et me rend sous les combles, où je m'installe sous la lucarne, comme à mon habitude. Là, je m'efforce de calmer ma respiration agitée. Cette fille a vraiment le don de m'énerver !

J'ouvre mon sac pour en sortir mon cahier de dessin. Il n'y a que cette activité qui puisse me clamer lorsque je suis tendu. Je m'empare aussi d'un paquet de chips que j'ai ramené de la maison. D'habitude, je ne prends pas à manger avec moi. J'attends d'être de retour à l'appartement pour me restaurer, mais cette fois, c'est différent. Je ne rentrerai pas. Je ne veux pas donner une raison à mon père d'exécuter ses menaces de la veille.

Le problème, c'est que mon sac n'est pas très grand et que je n'ai pas pu emporter grand chose. Je serai donc bientôt à court de nourriture. Je fouille dans la poche intérieure de mon sweat pour en sortir le sachet de cocaïne. Il sera bientôt temps de vendre cette substance . . .

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