1 – Venture : Mauvaise livraison

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« Vous êtes en retard ! », fait remarquer Venture. Si ce n’est pas sa première livraison, c’est la première fois qu’il traite directement avec les Phobos’ Heights. Cette mafia qui règne à la surface de Mars contrôle tout le marché noir de la planète rouge et le contrebandier n’est pas encore complètement à l’aise.

Le rendez-vous dans cette coursive sombre est un peu cliché, mais la section de maintenance n’est pas vraiment fréquentée. Seuls quelques robots de maintenance y passent et ils ne font pas vraiment attention aux gens qui s’y trouvent. Le plus dangereux ici, c’est lui, et son interlocuteur…

L’homme en face de lui, justifie son retard : « J’ai eu quelques soucis pour venir. Je préférais ne pas trop attirer l’attention.

– D’accord, accepte Venture qui préfère ça à une descente des forces de sécurités.

– Donc vous avez trouvé quelque chose qui pourrait m’intéresser ?

– Oui, vous cherchiez un truc non sentient mais qui puisse attirer de la sympathie ?

– Exact, c’est un cadeau… pour une personne importante, élude le mafieux.

– Alors voyons si ça convient ! », propose le contrebandier en invitant le mafieux à ouvrir le container.

La boîte est standard, prévue pour être attachée rapidement mais fermement dans les soutes des navettes et parfaitement étanche. Alors qu’il déverrouille le couvercle en envoyant le certificat, l’autre homme, s’avance, intimidant involontairement Venture. Le mafieux n’a pas donné son nom et s’est montré peu loquace. Sa carrure impressionnante et son regard laissent entendre qu’il ne serait pas sage de faire le malin avec lui. Avec ses cheveux noirs coiffés en brosses et ses yeux modifiés, il donne une impression de rigueur. A-t-il une arme sous vêtements amples ? Maintenant, Venture espère que l’homme ne l’a pas entendu pester sur son retard auparavant…

La caisse ouverte, le mafieux se penche sur son contenu. Il examine la créature à l’intérieur quelques instants et s’exclame : « Eh bien, et quelqu’un avait essayé d’expédier ça sur Terre ?

– Oui, confirme Venture. Les onusiens suspectaient un diplomate russe ou ukrainien d’avoir essayé de le faire entrer sur Terre.

– Ça n’a pas dû leur plaire j’imagine.

– Ils ont surtout été embarrassés, contredit le contrebandier.

– Comment ça ? s’étonne l’homme de l’ombre.

– Je crois qu’ils ont pensé que c’était sentient ou quelque chose du genre et avec les événements récents, ils se sont dit que renvoyer ça dans les colonies éviterait des complications diplomatiques.

– On est d’accord, c’est pas sentient ? s’inquiète l’inconnu.

– Non, c’est un nevian, le rassure Venture. Ils sont fabriqués par une société de Suan sur Titan. Ils servent d’assistant domestique.

– J’image qu’ils doivent plaire aux gamins ?

– Aucune idée, je circule plutôt dans le système intérieur.

– Ce sera parfait ! », s’exclame le mafieux qui extrait la créature de son container.

Avec son pelage noir d’une grande douceur et son air endormi, le nevian ressemble à une peluche. Un bracelet en carbonates attaché à son poignet gauche pulse d’une d’une lueur bleue et un sac à dos rouge porte une marque blanche qui ressemble à une emprunte de chat sur son rabat.

Alors que le représentant de Phobos’ Heights le dépose au sol, il demande à Venture : « On avait dit combien ? 1200 reds ? ». C’est le prix convenu et même un instant l’idée de négocier le pris traverse l’esprit du contrebandier, il se ravise très rapidement : « Oui, c’est ça, 1200 reds. ».

L’homme se tourne vers lui et lui transmet par la réalité augmentée la précieuse et illicite crypto-monnaie. Venture hésite avant de confirmer la réception et le mafieux lui demande : « Il n’y a pas de piège. Première fois ?

– Heu… oui, avoue-t-il.

– Ha ha ! Ne vous en faites pas. Tenez un cadeau de bienvenue ! », le rassure l’homme qui lui transfert trois cents unités de plus. Venture accepte la transaction, incertain et paniqué.

Comme paralysé, il observe l’acheteur « déballer » sa nouvelle acquisition. Activant un logiciel dans l’espace virtuel, il initialise la créature inanimée. Quelques instants plus tard, le nevian ouvre lentement les yeux, baille pour signifier son réveil et se lève doucement. Quelque chose dans la démarche de l’assistant domestique le rend attachant et tous ses gestes précédents semblent avoir été orchestrés pour éviter de donner l’impression d’être un monstre mécanique qui viendrait d’être activé subitement. Même l’enveloppe en elle-même à l’air étudiée pour induire de la sympathie et de l’empathie : haut d’à peine un mètre, il ressemble à une sorte de chat ou de renard anthropomorphique avec un pelage noir et des yeux cyans. Comme pour ajouter à son aura, il possède une queue excessivement duveteuse qui accompagne ses gestes.

Le nevian regarde le mafieux et demande : « Bonjour ! Ce nevian n’a pas encore été associé à ses propriétaires. Voulez-vous préciser les personnes à qui transférer l’autorité de contrôle ?

– Oui, moi, répond le mafieux.

– Quel est votre nom ?

– Appelle-moi Bill, voici mon certificat public.

– Comment dois-je m’appeler ? Les noms des nevians sont généralement courts, une ou deux syllabes, et ne peuvent pas reprendre le nom d’un autre nevian enregistré ni représenter une insulte ou un terme illégal.

– Laisse-moi réfléchir, demande Bill.

– D’accord ! », confirme le nevian qui attend patiemment.

Bill effectue quelques gestes dans les airs pour invoquer son interface virtuelle, puis il trace des signes dessus que Venture ne parviens pas à identifier : après tout il ne voit qu’une fausse interface et non ce que voit réellement le mafieux.

Quelques instants plus tard, l’homme de Phobos’ Heights se tourne vers Venture et lui explique : « Un ami va venir pour m’aider à configurer ce nevian. C’est un gars sympa, rien à craindre. Ah, au fait, tu as prévu de faire quelque chose de tes reds ?

– Oui, je voudrais me procurer une arme…

– Des ennuis ?

– J’ai souvent des contacts avec les terriens et ils ne sont pas aussi… fréquentables que nous.

– Ah ! M’en parlez pas. Ils font les pires recrues qu’on ait vu.

– Vous recrutez des terriens ?

– Pas en ce moment. Ah, le voila ! », termine Bill alors qu’un homme entre dans la coursive de maintenance.

Le nouveau venu porte une combinaison des hommes des services techniques de Mars. Le tissu vert porte des marques d’usure et des taches qui témoignent de l’activité de l’homme. Le technicien se présente : « Salut Bill. Bonjour, Venture ? Je suis Jumper, un ami de bill.

– Bonjour, renvoie le contrebandier.

– Alors, montre-moi la bête ! » demande-t-il au mafieux.

Bill lui indique le nevian, qui attend son nom impassiblement. Jumper s’en approche et ouvre sa propre interface virtuelle, commençant à examiner la créature, il prend quelques notes. Il revient à Bill : « Il a l’air en bon état. Je vois que tu t’es déjà déclaré comme propriétaire, félicitation, tu es papa.

– Ne t’y habitue pas trop, je l’ai pris pour faire impression auprès de Mathew.

– Attends, tu vas t’en servir pour l’ouverture ? s’étonne le Technicien.

– Ouais ! Je suis pas un grand fan des trucs de Mathew, mais je sais qu’il adore qu’on lui offre ce genre de choses.

– Je ne lui donne pas 5 minutes… s’amuse Jumper.

– C’est le but, c’est l’ouverture ! conteste le mafieux.

– Mathew aime bien qu’il y ait quand même un peu de résistance, fait remarquer Jumper amusé.

– Bah, on verra bien, esquive Bill. Il me faut un nom pour lui, sinon il va rester coincé comme ça et ça sera pas drôle.

– Il faut trente caractères, deux nombres, sept majuscules, et des signes étranges ? s’amuse le technicien.

– C’est un nom, pas un mot de passe de terrien, s’offusque Bill.

– Pourquoi tu cherches autant alors ? Je veux dire, il va littéralement se faire ouvrir en quelques secondes ! On s’en fout du nom, non ? », fait remarquer Jumper.

Venture, silencieux commence à ressentir cette étrange gène apparaissant quand on est témoin de choses qu’on ne cautionne pas exactement. Le nevian avec son air sympathique et innocent semble destiné à servir quelque chose de terrible. Quelque chose à l’intérieur du contrebandier crie au soulèvement, mais son esprit lui rappelle que la créature n’est pas sentiente. « C’est juste un robot organique qui ne ressent pas la souffrance et possède pas de conscience. », se dit-il intérieurement pour se rassurer.

« Je sais ! intervient Bill. Que dis-tu de Snack ?

– T’es sérieux ? désespère Jumper. Remarque, l’étiquette est conforme au produit comme ça.

– Ça va être génial, s’excite Bill.

– C’est surtout une blague de merde. Et il t’a coûté combien au juste ?

– 1500 reds, confesse le mafieux.

– Oh ? À mon avis t’a juste jeté tes reds par l’écoutille.

– On verra bien. », coupe Bill.

Venture, mal à l’aise reste à l’écart. Alors que le mafieux se tourne vers le nevian pour enregistrer son nom, Jumper s’approche du contrebandier et lui demande : « Alors il vous faut quoi ?

– Je… Je cherche une arme, de quoi me défendre, explique Venture.

– Il a des ennuis avec les bouseux d’en haut, intervient Bill. Je lui conseillerais une arme de poing, un modèle discret. Peut-être un pistolet shock sur un châssis repliable en 10-8.

– Shock ? s’étonne Jumper. Pourquoi pas du bon vieux pulseur ?

– Je ne pense pas qu’il ait un entraînement aux armes et je n’ai pas envie qu’on lui refile un truc qui risque surtout de le tuer lui, explique le mafieux.

– Ok, logique. », accepte le technicien qui revient à Venture : « Je pense qu’il vous aime bien.

– Ce doit être un effet du nevian, plaisante maladroitement le contrebandier.

– Peut-être, Bill a déjà formé pas mal de gars, il sait de quoi il parle. Par contre, un pistolet shock furtif, c’est pas 1500 reds.

– C’est combien ? s’inquiète Venture.

– Dans les 700 ou 800… pas plus, déplore Jumper. Franchement, il aurait pu commander son nevian directement au fabriquant…

– Sauf que celui-là, il est passé par le système terrien et qu’il est maintenant intraçable ! conteste Bill.

– C’est tes reds, lance le technicien. Bon, je devrais pouvoir vous trouver l’arme dans quelques heures. Je vous la fais parvenir quand et où ?

– Ma navette est au hangar 17-A, indique le contrebandier.

– Parfait. Je vous contacte quand c’est bon.

– Je vais y aller alors, il faut que je surveille le chargement de la navette, prétexte Venture.

– Très bien, à tout à l’heure. », termine Jumper.

Alors que le contrebandier s’apprête à quitter la coursive, le mafieux l’interrompt : « À une prochaine et bonne continuation l’ami ! Eh, Snack, dis-lui au revoir !

– Au revoir ! » souhaite le nevian d’une voix enjouée, accompagné un gracieux geste de la main.

Venture renvoie la politesse et franchit le seuil de l’écoutille d’accès à la coursive sans se retourner.

« Pauvre créature »

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